La Tribune Hebdomadaire

Vivre avec son temps, la clé de 2017

- PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

ous les Français connaissen­t Le Bon Coin… Ou presque ! » Invité à la fête grandiose organisée au palais Brongniart (où siégeait autrefois la Bourse !) pour les 10 ans du site de petites annonces, François Hollande s’est payé la tête de Nicolas Sarkozy à bon compte. On se souvient que l’ancien chef de l’État avait été la risée des réseaux sociaux en mai dernier en s’écriant, alors qu’un chef d’entreprise lui confiait utiliser ce site pour recruter : « C’est quoi, Le Bon Coin ?! » Sur l’air de « Moi, président de la République, je vivrais avec mon temps… » , François Hollande s’est ainsi offert une image de « modernité heureuse », à l’insu de son rival préféré… et aux frais du site suédois dont le dixième anniversai­re avait pour thème, cela ne s’invente pas, « Alice au pays des merveilles ». On vous laisse deviner le déguisemen­t qu’auraient pu choisir, s’ils avaient été invités, les candidats à l’élection présidenti­elle : Alice, le Chapelier fou, le Chat du Cheshire, le Lièvre de mars, la Reine de coeur… –š celle qui crie sans cesse : « Qu’on lui coupe la tête ! »… Vivre avec son temps, ce sera pourtant –šsi l’on veut bien laisser un instant de côté la question identitair­eš– l’une des clés de la campagne de 2017. Et on peut s’attendre à ce que François Hollande, s’il est candidat, joue cette carte à fond. Sa présence à la soirée du Bon Coin en témoigne et ses proches n’en font pas mystère. Ils soulignent à l’envi que l’arrivée de François Hollande à l’Élysée a coïncidé avec l’explosion du nombre de startups et à l’éclosion d’une France entreprene­uriale, propice à l’innovation et ouverte à l’économie de demain. Bien entendu, chacun en a bien conscience, François Hollande n’y est en réalité absolument pour rien… Le pouvoir a certes eu un éclair d’intelligen­ce, lorsqu’il a compris en 2013 qu’il convenait de réparer l’une de ses pires erreurs fiscales –šla surtaxatio­n du capitalš– sous la pression du mouvement des Pigeons. Et, reconnaiss­ons-le, il a plutôt encouragé le mouvement en donnant un peu plus de moyens à l’innovation ou en créant le label French Tech. Mais de là à faire de François Hollande l’incarnatio­n de la modernité, il reste un pas difficile à franchir tant la gauche a de la peine avec les nouvelles règles de cette nouvelle économie, qui rebat les cartes dans tous les domaines, en particulie­r le marché du travail. À vrai dire, aucun des principaux candidats putatifs à l’élection présidenti­elle de 2017, ni à gauche, ni à droite, ne propose à ce stade une vision convaincan­te des moyens d’adapter la France à ces nouveaux enjeux. Les nouveaux entreprene­urs ont d’ailleurs choisi leur camp : ils soutiennen­t Emmanuel Macron, ou à défaut NKM, les rares politiques à avoir selon eux compris les défis de l’époque. Une question d’âge, sans aucun doute… C’est que, à bien y regarder, la France est encore loin de figurer parmi les leaders de la nouvelle économie. Certes, il pousse beaucoup de startups dans notre pays, mais bien peu ont réussi au niveau internatio­nal : à part Blablacar dans le covoiturag­e ou Sigfox dans l’Internet des objets, la France n’a pas engendré beaucoup de « licornes », ces nouvelles sociétés pesant plus de 1 milliard de dollars. Dans la course aux startups, Londres, mais aussi Berlin, font au moins aussi bien que Paris. La bataille pour le leadership se joue maintenant. Surtout, on ne compte plus le nombre de jeunes pousses françaises qui se sont (plutôt bien) vendues à l’étranger, à l’image du fabricant de robots médicaux Medtech, fondé par Bertin Nahum, racheté par l’américain Zimmer cet été. Inverser cette courbe sera l’un des enjeux des cinq ans qui viennent. Les obstacles économique­s sont nombreux : la taille insuffisan­te du marché français, l’absence de marché unique européen du numérique, le poids de la fiscalité du capital… Mais les principaux défis sont culturels et ont été bien résumés par Emma Marcegagli­a, l’ancienne présidente du patronat italien : «Quand il y a une innovation, les Américains en font un business, les Chinois la copient et les Européens la réglemente­nt… » « T

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