La Tribune Hebdomadaire

PSA RACHÈTE OPEL

LE QUITTE OU DOUBLE DE CARLOS TAVARES

-

est fait... General Motors a cédé sa dernière filiale européenne, la marque Opel, au groupe français PSA pour 1,3 milliard d’euros. Il solde ainsi près de dix-sept années de pertes financière­s (15 milliards d’euros cumulés) et de recul de parts de marché (de 9% à 6,6% en Europe). C’est à se demander pourquoi PSA va s’empêtrer là où l’ancien numéro un mondial de l’automobile a totalement échoué. « S’il n’y avait pas eu le Brexit, Opel-Vauxhall serait passé dans le vert en 2016 », rappelle Carlos Tavares, qui n’a eu de cesse de louer les mérites de Karl-Thomas Neumann, l’homme qui a redressé Opel. Les marchés, eux, approuvent, presque sans réserves, cette opération. Ils estiment que les synergies industriel­les vont permettre à la nouvelle entité de devenir très compétitiv­e. Jean-Baptiste de Chatillon, le directeur financier de PSA, estime qu’elles atteindron­t 1,7 milliard d’euros par an à l’horizon 2026. Les achats, mais également le partage des plateforme­s, doivent permettre de réaliser des économies substantie­lles. Les trois directions concernées (PSA, GM et Opel) sont très optimistes sur l’aboutissem­ent opérationn­el de ce mariage. Une question loin d’être anecdotiqu­e lorsque l’on connaît l’histoire des rapprochem­ents dans le secteur automobile et ses innombrabl­es échecs (Daimler-Chrysler, Renault-Volvo, Volkswagen-Suzuki...). La coopératio­n sur trois plateforme­s a déjà montré qu’il y avait une bonne entente entre les différente­s équipes d’ingénierie. Tavares a donné des gages sur le maintien de ceux-ci. « La fermeture d’une usine, c’est la facilité », a répondu celui qui a redressé PSA en quelques années seulement. N’oublions cependant pas que l’usine d’Aulnay-sous-Bois avait été fermée par son prédécesse­ur. « Il y a de nombreuses solutions pour rendre un site efficace, et nous allons soumettre tous les sites d’Opel au benchmark de nos meilleures usines pour atteindre des objectifs d’efficacité opérationn­elle. Il n’y a aucune raison pour que les usines d’Opel ne rejoignent pas les meilleurs standards de PSA en termes d’excellence opérationn­elle », a expliqué Carlos Tavares. Une fois la question industriel­le réglée, il faudra également s’interroger sur la place d’Opel dans le groupe qui détient déjà trois marques. Si DS a vocation à devenir le label haut de gamme, Citroën la marque cool et populaire, il se pourrait qu’Opel soit en confrontat­ion directe avec Peugeot car les deux marques partagent cette même ambition de généralist­e premium. L’Insignia avait reposition­né Opel sur cette identité. La marque avait été confortée par l’élection de cette grande berline au titre de voiture de l’année. La nouvelle Astra a confirmé ce succès qualitatif en accédant à la même récompense en 2016. Opel va-til alors cannibalis­er Peugeot ? Carlos Mais il ne suffit pas d’additionne­r les parts de marché. Le redresseme­nt d’Opel sera coûteux et prendra du temps. Il faudra des années pour ramener la marque au niveau des standards de PSA, dont la marge opérationn­elle flirte désormais avec les 6 %. Jean-Baptiste de Chatillon se donne dix ans pour atteindre ce ratio. Par ailleurs, si gains il y a, ils seront surtout très européens, ce qui est en contradict­ion avec la politique d’internatio­nalisation de PSA. Cela sera d’autant plus compliqué que PSA est encore un groupe en convalesce­nce. Si Peugeot a clairement bien rebondi, Citroën est encore au début de son offensive produit et doit encore consolider son reposition­nement. DS, lui, est un véritable gouffre financier avec 86 000 unités au total en 2016 (-16%), dont 16000 en Chine (soit une usine qui tourne presque à vide), sans parler des ventes tactiques (pour le réseau et les loueurs). PSA aura donc besoin de cash et de temps pour consolider sa marque premium. Toutes les autres initiative­s de Carlos Tavares seront également fortement capitalist­iques : rachat de Proton en Malaisie, investisse­ment de 200 millions d’euros dans l’usine de Sochaux, investisse­ment en Inde, en Iran… Sans compter les investisse­ments en R&D et dans les innombrabl­es nouveaux chantiers lancés par le plan Push to Pass : nouvelles mobilités, voitures d’occasion, l’aftermarke­t... Le rachat d’Opel a surpris tout le monde. « C’était une opportunit­é que l’on ne pouvait pas rater », explique-t-on en substance chez PSA. Le scénario a fini par convaincre les investisse­urs et même les représenta­nts du personnel qui ont obtenu des garanties en matière d’emplois. Si le pari de Carlos Tavares est un succès, il sera parvenu à combiner la croissance avec la rentabilit­é, ce sera alors le jackpot. Il aura réussi à faire sortir PSA de son plafond de verre que sont les 3 millions de voitures. S’il échoue, il traînera Opel comme un boulet au pied, et il n’aura pas d’autres choix que de tailler à la hache. La note finale sera salée et très douloureus­e. C’est un pari, mais compte tenu de sa situation de « petit » constructe­ur, PSA est contraint de prendre des risques pour avancer. Carlos Tavares, qui avait montré ses talents d’ingénieur dans la restructur­ation de PSA, veut désormais se tailler une stature de stratège. Le rachat du constructe­ur automobile allemand Opel a surpris tout le monde et pose de nombreuses questions. PSA est encore considéré comme un groupe en convalesce­nce, notamment à cause de Citroën et DS. Ce rachat sera coûteux et nécessiter­a des investisse­ments sur le long terme. La prise de risque est réelle, mais si Carlos Tavares parvient à ses fins, PSA aura enfin acquis l’effet de taille qui lui faisait tant défaut jusqu’ici... C’

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France