La Tribune Hebdomadaire

Nantes flirte avec Montréal

Au même titre que Londres et Hambourg, Montréal est devenu une ville cible pour le développem­ent internatio­nal de la métropole nantaise. En vue du prochain « Printemps numérique » de Montréal, les Nantais tissent des liens avec la prometteus­e Amérique du

- FRÉDÉRIC THUAL @FrdericThu­al

«

Quelles que soient les tailles de nos villes, nous sommes confrontés aux mêmes enjeux mondiaux de transforma­tion digitale », estime Mehdi Benboubake­ur, directeur général du Printemps numérique de Montréal, venu signer une convention de partenaria­t avec le pays de Jules Verne, lors de la dernière Digital Week, à Nantes. Si la métropole nantaise, trois fois plus petite, ne joue pas dans la même cour que ce hub mondial de l’intelligen­ce artificiel­le, troisième pôle mondial pour les jeux vidéo ( Assassin’s Creed…) et quatrième pour la fabricatio­n de blockbuste­rs ( XFiles, Avengers, Game Of Thrones, Star War…), les deux cités se reconnaiss­ent de vraies similitude­s. « La créativité, l’égalité des femmes, la mixité, les minorités, le développem­ent durable, la ville intelligen­te, la nature en ville…Certes, Montréal est une ville monde, mais, comme Nantes, c’est une métropole nouvelleme­nt dirigée par une femme de 40 ans – Valérie Plante – dont on partage les valeurs » , observe Francky Trichet, adjoint au maire et conseiller métropolit­ain chargé du numérique et de l’innovation, qui a initié le rapprochem­ent des deux villes, au lendemain d’une mission d’observatio­n menée au printemps dernier avec une délégation de l’agence économique NantesSain­t-Nazaire Développem­ent. « Nantes est une ville chaleureus­e et audacieuse où les levées de fonds de l’écosystème numérique ont augmenté de façon exponentie­lle en passant de 7 millions à 100 millions d’euros en trois ans » , ajoute Mehdi Benboubake­ur, patron du Printemps numérique, fondé il y a cinq ans pour animer et favoriser la transversa­lité entre les différents écosystème­s montréalai­s. « Notre stratégie de développem­ent passe maintenant par des partenaria­ts avec des écosystème­s à travers le monde et avec les villes qui nous ressemblen­t. Dans une économie mondialisé­e, nous croyons beaucoup à ces formes de colla- boration » . Après Bruxelles et Munich, Nantes a grillé la politesse à Hambourg et Barcelone.

LES FEMMES D’ABORD

Si la convention porte sur les échanges de contenus, le maillage des réseaux, le business entre entreprise­s et startups, la culture…, les partenaire­s ont choisi de concentrer leur première action sur les femmes. Ainsi, les trois lauréates du Prix des Femmes du Digital organisé pendant la Digital Week 2018 – Léonie Ferreira, pour Womenwalk, Sophie Comte pour Makidoo

Ici, le premier adage, c’est “take a chance !”

et la designer Nina Missir – seront invitées au Printemps numérique à Montréal en avril prochain. « Nous allons les mettre sur le devant de la scène pour qu’elles puissent tirer profit de cet échange » , explique Mehdi Benboubake­ur qui, à son tour, organisera un Prix avec l’associatio­n Femmes Alpha, dont les heureuses élues seront accueillie­s à Nantes pour la Digital Week à l’automne 2019. « La question de la présence des femmes dans les organisati­ons numériques est un vrai sujet pour Montréal et le Québec en général, où les femmes comptent pour 10 % à 20 %. Or, plus nous aurons un écosystème diversifié plus la créativité sera forte », affirme-t-il. De son côté, l’écosystème nantais, soutenu par un volontaria­t internatio­nal en entreprise (VIE) recruté par la Métropole, la CCI et Nantes-Saint-Nazaire Développem­ent, peaufine sa venue sur le territoire canadien. Le Quartier de la Création nantais prépare trois opérations croisées à destinatio­n des quartiers des Spectacles et de l’Innovation à Montréal. Deux appels à projets sont en cours d’études pour accueillir des startups québécoise­s et pour expériment­er l’usage d’un mobilier urbain connecté. Un autre partenaria­t serait engagé entre le quartier de la Création nantais et le pôle de créativité Mosaic d’HEC Montréal pour former des managers experts en innovation face à la disruption de l’environnem­ent économique.

DES AMÉRICAINS QUI PARLENT FRANÇAIS

Jusque-là surtout prisé par les prestatair­es de l’industrie aéronautiq­ue et de l’automobile de l’ouest de la France, le marché nord-américain, considéré comme une porte d’entrée vers les États-Unis, commence à séduire l’écosystème numérique. Outre les liens universita­ires sur l’IA, notamment, l’école de design Nantes-Atlantique, l’école de graphisme Pivaud viennent d’y implanter des satellites. Très tôt tourné vers l’internatio­nal (Chine, Amérique du Nord…), l’éditeur nantais de logiciels libres de modélisati­on Obeo y est allé par étapes. D’abord, avec l’implantati­on d’un VIE à Montréal pour consolider les liens commerciau­x existant avec l’Agence spatiale canadienne et son partenaria­t avec le chef de file de l’open source Savoir-Faire Linux. Ensuite, avec la création d’une filiale à Vancouver au printemps dernier. Cofondateu­r d’Obeo, Stéphane Lacrampe y est venu en famille pour mener ce projet. « Une décision personnell­e où la dimension immigratio­n n’est pas simple. Même à Montréal où, si nous parlons la même langue, nous n’avons pas la même culture. Ici, tout va beaucoup plus vite. Mais les gens sont très ouverts » , observe-t-il. Pour Nicolas Tronchon, fondateur de Transway, éditeur de solutions intelligen­tes pour des déplacemen­ts urbains doux ou alternatif­s, le constat est identique. Lui vient de signer ses deux premiers contrats sur le territoire nord-américain, à Montréal et à Sherbrooke. « Les Québécois, ce sont des Américains qui parlent français. Et, ici, le premier adage, c’est “take a chance!” Lorsque vous présentez un projet en France on vous dit: quels sont les risques ? Ici, une fois les questions de lobbying évacuées, ils se demandent: qu’est-ce qui est intéressan­t pour moi? Ils sont pragmatiqu­es et plus simples à aborder », dit-il, persuadé que les territoire­s nantais et montréalai­s ont des perspectiv­es de développem­ents communes. « Au-delà des tailles, leurs approches sont similaires sur l’innovation et le monde du digital. Des deux côtés, les idées foisonnent, les expériment­ations sont nombreuses et l’on est vraiment dans le partage des bonnes pratiques » , explique le fondateur de Transway, dont les logiciels, fondés sur le principe de la récompense, permettent aux utilisateu­rs de la ligne d’autocars Orléans Express entre Montréal et Québec et aux habitants de Sherbrooke de gagner des points ou des cadeaux s’ils optent pour le vélo, le bus ou le covoiturag­e, plutôt que pour leur propre véhicule. « Mais les abonnement­s téléphoniq­ues sont tellement coûteux ici que, pour être adoptées, les applis doivent pouvoir fonctionne­r off line ou en wifi. Travailler dans ces pays nous ouvre énormément de solutions… » , se félicite-t-il.

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Nantes met en avant sa créativité. Ici, les Anneaux de Daniel Buren.
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Montréal est un mondial de l’intelligen­ce artificiel­le, le troisième pôle mondial pour les jeux vidéo et le quatrième pour la fabricatio­n de blockbuste­rs.

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