La Tribune Hebdomadaire

«!Le taxi aura toute sa place dans la ville de demain!»

ENTRETIEN Pour le dirigeant du groupe Rousselet, ce moyen de transport restera un modèle incontourn­able de la mobilité de demain, y compris dans un environnem­ent multimodal.

- PROPOS RECUEILLIS PAR NABIL BOURASSI

LA TRIBUNE – Près de trois ans après la!fin des troubles liés à l’arrivée d’Uber, peut-on dire que les choses se sont apaisées et que chaque partie a désormais trouvé son territoire et son modèle"?

NICOLAS ROUSSELET – Nous avons fait face à la fin des années 2010 à un véritable choc d’offres. Ce sont près de 35"000#chauffeurs VTC qui sont arrivés sur le marché parisien pour 15"000 taxis… avec un nombre de clients qui est resté le même"! Il y avait aussi l’arrivée récente du statut d’auto-entreprene­ur et ses allègement­s de charges dont les taxis étaient privés. Nous avons dû nous adapter à#ce$e nouvelle donne. Aujourd’hui, je souhaite rendre hommage aux chauffeurs de taxi qui se sont mobilisés pour réussir la montée en gamme de leur service et accomplir ainsi une véritable révolution culturelle dont bénéficien­t nos clients.

À propos du statut d’auto-entreprene­ur, la Cour de cassation vient justement de décider que les chauffeurs Uber étaient bien salariés. Quelles seront les conséquenc­es de cette décision, selon vous, pour le marché mais aussi dans votre rapport aux chauffeurs, qu’ils soient VTC ou taxi"?

Cette décision ne concerne pas les taxis et n’aura donc pas d’impact sur nous. Rappelons qu’un chauffeur affilié G7 réalise environ 50"% de son activité en dehors de notre plateforme, directemen­t avec les clients chargés dans la rue. C’est ce qui fait des taxis des artisans indépendan­ts. Le succès de G7, c’est aussi la relation équilibrée que nous avons su nouer avec nos chauffeurs qui sont au coeur du service que nous apportons à nos clients.

Avec le recul, estimez-vous que cette libéralisa­tion du secteur a été salutaire pour les chau#eurs de taxi"?

Nous n’avons pas de problème avec la concurrenc­e, mais il faut que celle-ci soit loyale. L’essentiel, c’est de faire respecter les règles qui encadrent notre secteur. Ainsi, par exemple, alors que lenombrede­chauffeurs­VTCaétémul­tiplié par trois, il est indispensa­ble que lesmoyensq­uiperme$entdecontr­ôler leur travail évoluent en conséquenc­e. C’est notamment le cas dans les aéroports parisiens, où il faut absolument lutter contre le phénomène, illégal, d’occupation­delachauss­éepardesVT­C qui espèrent être hélés par un client. La# réglementa­tion du taxi reste aujourd’hui le meilleur gage de qualité : lestarifss­onttranspa­rentsetrég­lementés, les chauffeurs sont des profession­nels qui connaissen­t Paris et le casier judiciaire du chauffeur est contrôlé.

La mobilité va beaucoup évoluer à l’avenir, comment vous préparez-vous à ce nouveau monde"?

Le taxi aura toute sa place dans la ville de demain et s’impose d’ores et déjà comme une véritable alternativ­e à la voiture individuel­le. C’est une solution de mobilité partagée – puisqu’un véhicule transporte en moyenne 20#personnes par jour – mais aussi connectée, avec 65"% des réservatio­ns de G7 faites sur Internet ou par l’appli. Enfin, c’est un mode de transport respectueu­x de l’environnem­ent puisque G7 dispose de la première flo$e verte d’Europe avec 40"% de nos véhicules qui sont hybrides ou électrique­s, un chiffre que nous allons faire monter à 50"% d’ici à 2021.

N’aviez-vous pas été pris de court par l’irruption des VTC, ce qui vous contraint aujourd’hui à être plus prospectif"?

L’arrivée de nouveaux acteurs nous a évidemment obligé à nous adapter. Mais il ne faut pas oublier que, par exemple, notre appli a débarqué sur l’iPhone dès sa sortie, en 2008. Nous étions pionniers en la matière mais nous ne l’avons pas suffisamme­nt fait savoir… Il est vrai que nous sommes face à des acteurs aux moyens quasi illimités qui, pour leur part, sont les champions du « faire savoir ». Nous avons bien rattrapé notre retard depuis et ce$e révolution culturelle que nous avons menée a permis aux Taxis G7 d’être plébiscité­s par les Francilien­s et d’enregistre­r une hausse de 28"% de l’activité en deux#ans.

Vous persistez donc à faire du taxi le coeur de votre modèle de demain"?

Je vous le dis, le taxi est un métier d’avenir, en particulie­r à l’heure où les métropoles se transforme­nt. Il répond à tous les enjeux d’une mobilité plus verte, plus connectée et plus responsabl­e. Le taxi, c’est un espace de bien-être, de sécurité et de sérénité, un service qui repose sur l’humain grâce à des chauffeurs profession­nels formés à exercer leur métier. Ce$e vision du taxi se trouve au coeur de notre ADN, nous allons donc continuer d’investir afin d’offrir un service de mobilité toujours plus qualitatif et toujours plus sûr. C’est cette expérience client que je veux promouvoir. Mais le groupe Rous–selet est également présent sur d’autres segments de mobilité, par exemple avec la société de location Ada que l’on retrouve sur l’ensemble du territoire.

Demain, pourtant, de nombreux opérateurs de mobilité préparent ce qu’on appelle le MaaS (Mobility as a Service). Comment vous inscrivez-vous dans cette révolution qui va inventer une nouvelle intermédia­tion de la mobilité multimodal­e et risque de mettre au second rang les purs opérateurs de mobilité comme vous-même"?

Le MaaS est évidemment un sujet majeur pour tous les acteurs de la mobilité et nous étudions les opportunit­és que cela peut représente­r ainsi que la valeur ajoutée que nous pouvons apporter dans ce cadre. Mais desdoutese­tdesobstac­lesdemeure­nt. Je pense par exemple à la problémati­que du contrôle de la billetteri­e. Cette intermédia­tion de la relation client nous fait courir le risque de perdre des flux d’informatio­ns qui nous sont indispensa­bles pour aboutir au très haut niveau d’expérience client que nous souhaitons garantir.

Si le MaaS s’impose demain, ne craignez-vous pas d’être exclu d’une!importante partie du marché de masse ou d’être à la merci de ces acteurs dits d’intermédia­tion"?

Cela va d’abord nous inciter à être encore plus premium. Mais le plus important pour nous, c’est que rien ne biaise la concurrenc­e entre les différents acteurs du marché. Aujourd’hui, je vois bien qu’il y a déjà une distorsion avec les comparateu­rs de prix. Les tarifs de mes concurrent­s sont soumis à un algorithme dont le procédé est tout à fait opaque. Parfois, ces comparateu­rs affichent d’ailleurs des prix très compétitif­s mais qui sont en réalité parcellair­es. Le client croit que le taxi est onéreux et finit par payer plus cher en choisissan­t un autre mode de transport. Nous verrons d’ailleurs si les autorités se saisissent un jour de ce sujet.

Les collectivi­tés locales sont les premières à réclamer l’avènement du MaaS, notamment à Paris. Avec la LOM (loi d’orientatio­n des mobilités), elles ont obtenu des prérogativ­es de régulation de la mobilité notamment à travers l’ouverture des données (open data). Il y a quelque chose d’inéluctabl­e…

Le coût d’un ticket de métro n’est supporté qu’à hauteur de 25"% par l’usager, et il est donc bien normal que la RATP transme$e ses données.

«!G7 dispose de la première flotte verte d’Europe avec 40"% de nos véhicules qui sont hybrides ou électrique­s, un chi#re que nous allons faire monter à 50"% d’ici à 2021!»

Le problème de l’open data, c’est qu’il va perme$re aux géants du digital, aux moyens souvent illimités, de l’emporter. Faudra-t-il transme$re gratuiteme­nt la géolocalis­ation des taxis aux Gafa et aux Natu au nom du MaaS"? Dans un tel scénario, nous n’avons aucune chance face à des acteurs qui pèsent déjà le poids d’un marché de 350 millions de consommate­urs, et qui ne paient toujours pas ou peu d’impôts en France.

La question de la mobilité a pris ces dernières années une forte empreinte politique. N’est-ce pas un biais qui entrave la promotion d’un modèle de mobilité e$cient et donc pérenne"?

Nous partageons tous le même objectif : faire baisser la place de la voiture individuel­le en ville, afin d’y réduire la pollution tout en améliorant les conditions de circulatio­n. Et le taxi est la meilleure façon d’y parvenir parce qu’il s’agit d’un transport partagé qui contribue ainsi à optimiser l’espace urbain. Par ailleurs, l’émergence de nouvelles solutions de mobilité, comme les trottinett­es ou les#vélos en location, impose que l’on organise l ’ e s pace public a f i n d’en#assurer un partage cohérent entre l’ensemble de ceux qui occupent la chaussée. Aujourd’hui comme demain, la mobilité urbaine repose sur un éventail varié de solutions de transport. C’est ce qu’attendent les citadins et le rôle des autorités publiques est de garantir#un cadre de fonctionne­ment harmonieux au sein duquel tous les acteurs plébiscité­s par les usagers pourront trouver leur place.#

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%ÉLODIE GRÉGOIRE& Nicolas Rousselet se félicite que l’activité des taxis G7 ait augmenté de 28 % en deux ans.

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