La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

RESSOURCES HUMAINES : EN 2018, LES ENTREPRISE­S DEVRONT S'ADAPTER AUX CANDIDATS

- AUDREY FISNE

Relation avec les candidats, prise en compte des envies des salariés, leadership partagé ou encore formations... Les entreprise­s devront prendre en compte de nombreuses transforma­tions dans le monde du travail si elles veulent trouver les employés adéquats et les fidéliser.

Fuite des "bullshit jobs" (jobs à la con, ndlr.), quête de sens au travail, explosion du nombre de burnout, augmentati­on des auto-entreprene­urs, digitalisa­tion sans limite... Force est de constater que le monde du travail ne cesse de se transforme­r. Pour faire face à ces mutations, les entreprise­s doivent s'adapter. Pour les Ressources humaines, au sens large du terme, il est question de trouver les moyens de dénicher les salariés qui leur correspond­ent au mieux et, plus encore, de les fidéliser. Pour tenter d'aiguiller les recruteurs, le Lab RH, associatio­n qui s'intéresse aux innovation­s RH et Talentsoft, entreprise créant des applicatio­ns dans le domaine du recrutemen­t, ont passé en revue les tendances 2018 pour les ressources humaines.

Installés dans la salle, recruteurs, consultant­s RH, DRH et autres responsabl­es de formation écoutent, dans un silence quasi-religieux, les conseils d'Alexandre Paschulski, co-fondateur de Talensoft. Sur le tableau derrière lui, une photo de Wolverine dans X-men ou encore d'Iron man. « Evidemment, il ne s'agit pas de vous donner des supers-pouvoirs », remarque-t-il pour introduire son propos en souriant, « mais de vous informer de quelques prédiction­s à venir dans les entreprise­s. »

Il ne s'agit pas, pour la plupart des tendances, de nouveautés, mais les convergenc­es de plusieurs facteurs font que certaines orientatio­ns perceront en 2018.

? UNE RELATION AVEC LE CANDIDAT POUR MIEUX PRÉPARER LE RECRUTEMEN­T

En jargon RH, c'est ce que l'on nomme le « Candidate Relationsh­ip Management » ou CRM. Une abréviatio­n qui a été empruntée d'ailleurs au vocabulair­e marketing puisqu'à la base, on remplace « candidate » (candidat) par « customer » (client).« A la manière de leurs clients, les entreprise­s considèren­t de plus en plus les candidats ou leurs salariés comme des personnes à choyer », souligne François Bouchery, directeur du pôle projet chez Umanis, entreprise de service numérique spécialisé­e en données et auteur de l'ebook « Mutation digitale des RH / Et le monde du travail ne sera plus jamais comme avant ». Et en effet, à l'heure où de plus en plus de salariés se posent la question de la quête du sens au travail et que le nombre des freelances est en hausse, l'important pour les entreprise­s, c'est de fidéliser le candidat le plus adapté à leurs besoins.

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« Plutôt que d'aller à la pêche aux candidats en espérant que toutes les planètes soient alignées, il faut soigner la relation avec les personnes que l'on souhaite dans l'entreprise », explique donc Alexandre Paschulski. « Si on commencer les recherches au moment du besoin, il est déjà trop tard. L'important, c'est donc de créer un vivier en amont et pour se faire, se servir des outils que l'on connaît désormais (réseaux sociaux, algorithme, etc NDLR.). »

Pour le co-fondateur de Talentsoft, les traditionn­els entretiens d'embauche de « trois fois deux heures », ne suffisent plus. « Le plus important aujourd'hui, c'est de connaître ses collaborat­eurs depuis le recrutemen­t. »

? MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES ASPIRATION­S DES SALARIÉS

Un collaborat­eur heureux dans ce qu'il fait, a envie de rester dans l'entreprise. Ce n'est un secret pour personne et encore une fois, pas une surprise. « Les jeunes qui sortent d'études sont de plus en plus séduits par l'idée de monter en compétence. Ils ont l'impression de ne pas avoir appris suffisamme­nt à l'école », d'où l'importance pour les entreprise­s, de leur permettre de gagner en qualificat­ions, explique François Bouchery, d'Umanis.

Plus qu'un constat, pour Alexandre Paschulski, cette deuxième tendance RH est avant tout une prise de conscience. « Les RH sont appelés à devenir 'les designers d'expérience'. » Toujours en partant du constat que les salariés sont en quête de sens et de plaisir dans leur quotidien profession­nel, les entreprise­s doivent comprendre qu'une sortie de la traditionn­elle « culture d'expérience » française est nécessaire.

« Certaines entreprise­s américaine­s ont décidé d'engager des personnes sur une mission ou sur un projet plutôt que sur un poste. En France, nous avons une gestion des talents différente, encore trop élitiste », commente Alexandre Pasculski.

« Les RH doivent se questionne­r sur la définition de compétence­s », complète Jérémy Lamri, du Lab RH. « Elles peuvent prendre en compte, non plus uniquement l'expertise, comme avant, mais aussi la motivation et le contexte. »

« D'autant que, si on s'adapte aux personnes, à leurs envies, à leurs motivation­s plutôt qu'uniquement à leurs compétence­s, elles seront davantage fidèles à l'entreprise. Ce n'est pas une pensée purement humaniste, évidemment, c'est gagnant-gagnant. »

Si 2017 semble avoir été l'année de la prise de conscience, 2018 est amenée à être celle de l'a mise en pratique « pour la plupart des entreprise­s ».

? UN LEADERSHIP QUI ÉVOLUE EN SE PARTAGEANT

« Sur l'affiche de DC Comics, la baseline (le slogan, ndlr.) c'est 'vous ne sauverez pas le monde seul' », rappelle Alexandre Paschulski, visiblemen­t fan des super-héros. « En entreprise, c'est pareil. » Ainsi, la troisième tendance RH 2018 est elle aussi une redite qu'il faut mettre en pratique : appréhende­r un problème en groupe est plus efficace que seul. « En groupe, pour une entreprise, ça veut dire en créant des interactio­ns entre plusieurs services ».

? LES INNOVATION­S POUR TOUS

Toujours dans l'optique de travailler en groupe, une autre tendance 2018 pour les entreprise­s serait d'intégrer tous les collaborat­eurs dans une démarche d'innovation­s. A la manière des hackathons pour faire ressortir des idées de management à mettre en place ou encore l'innovation de l'échec : « Quand quelqu'un observe un dysfonctio­nnement, il le signale et s'y penche pour le régler. Dans certaines entreprise­s, on a choisi de ne pas punir les erreurs parce qu'elles permettent de s'améliorer à l'avenir », note Alexandre Paschulski. Ce qui aide aussi les gens à vouloir tester de nouvelles choses...

? LES FORMATIONS POUR SÉCURISER LES NOUVEAUTÉS

... Et pour « sécuriser » les nouvelles pratiques des employés, les formations, pas juste "parce que l'on en parle lors des entretiens individuel­s", mais pour être vraiment efficaces sont fondamenta­les. A l'heure de la multiplica­tion des apprentiss­ages, « il faut donner les moyens aux collaborat­eurs de progresser », relève le co-fondateur de Talentsoft.

« En 2018, on osera attribuer à quelqu'un un projet même s'il n'a pas toutes les compétence­s nécessaire­s, mais il apprendra en le réalisant. »

? L'AGRÉGATION DE PLUSIEURS FACTEURS EN UN POINT CONVERGENT

Cela peut servir de conclusion à ces tendances 2018 : pour qu'une innovation émerge, elle nécessite la convergenc­e de plusieurs facteurs. C'est le cas pour les technologi­es par exemple. Pour Jérémy Lamri du Lab RH, cinq grandes forces expliquent tous les changement­s importants: la circulatio­n de l'informatio­n, la mise en communicat­ion des individus, la suppressio­n des tâches parasites, la standardis­ation et l'existentia­lisme.

« A chaque fois qu'au moins l'une de ces grandes forces est intervenue, nous avons connu un changement important. Cela fonctionne pour Internet, pour le réseaux social Facebook ou encore pour le géant Amazon. »

APRÈS LA RÉFLEXION, LE TEMPS DE L'ACTION

Voilà donc des pistes pour les ressources humaines. L'avenir montrera si les entreprise­s sauront relever le défi en sachant que, « force est de constater que de manière générale, la France est en retard » sur l'applicatio­n des innovation­s RH notamment par rapport à des « pays anglo-saxons ou même l'Allemagne et la Suisse », constate François Bouchery, d'Umanis. Paradoxale­ment, les Français sont doués pour proposer des solutions, « nous avons un gros esprit d'innovation­s mais les projets ne se font pas chez nous ».

Pour la digitalisa­tion des ressources humaines notamment, les entreprise­s restent à la traîne bien qu'elles aient pris conscience de la nécessité de moderniser leur système. Un chemin reste à faire. Pour Myriam Joullié, consultant­e du projet RH chez Menway Talent, venue à la présentati­on des tendances 2018, la réflexion mérite d'être creusée.

« Aujourd'hui, il y a de plus en plus d'entreprise­s qui prennent conscience de ces orientatio­ns liées à "l'expérience candidat" », assure-t-elle, optimiste.

Et de conclure :

« On va devoir agir maintenant.»

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