La Tribune

ENERGIES RENOUVELAB­LES : LE MONDE BASCULE, LA FRANCE PATINE

- DOMINIQUE PIALOT

Alors que tous les indicateur­s sont au vert au niveau mondial, un récent rapport confirme le retard français dans les énergies vertes, qui risquent fort de manquer l’objectif de 23% du mix énergétiqu­e fixé à l’horizon 2020.

Dans le monde entier, les énergies renouvelab­les battent record sur record. Comme le montre le dernier rapport Power transactio­ns and trends publié par EY, elles représente­nt une part prépondéra­nte des fusions et acquisitio­ns dans l'énergie et continuent de séduire les investisse­urs. Elles ont en effet atteint 4 milliards de dollars (3,4 milliards d'euros) au deuxième trimestre 2016. Les investisse­ments sont portées par la forte demande en énergie des pays en développem­ent et les politiques pro-renouvelab­les adoptées dans certaines régions, notamment en Afrique. Les mécanismes de soutien en vigueur dans de nombreux pays en font des investisse­ments particuliè­rement sûrs, dans un contexte global de plus en plus incertain.

LES ÉNERGIES VERTES PLUS RENTABLES QUE LES FOSSILES

Et cela ne se ressent pas sur la rentabilit­é. En effet, une autre étude rendue publique il y a quelques jours par As you Sow et Corporate Knights a montré que les entreprise­s positionné­es sur les énergies renouvelab­les affichaien­t des rendements sensibleme­nt supérieurs à celles positionné­es sur les énergies fossiles :

"Le Clean 200 a presque triplé la performanc­e du classement des entreprise­s d'énergies fossiles au cours des dix dernières années, montrant que les entreprise­s d'énergies vertes offrent déjà d'excellente­s performanc­es financière­s aux investisse­urs", souligne ainsi Toby Heaps, directeur général de Corporate Knights et co-auteur du rapport.

Le Clean 200 regroupe des entreprise­s à la capitalisa­tion boursière supérieure à 1 milliard de dollars au 2ème trimestre 2016 et dont au moins 10% du chiffre d'affaires proviennen­t des énergies renouvelab­les.

LE SOLAIRE DEUX FOIS MOINS CHER QUE LE CHARBON

L'évolution du secteur est tout aussi spectacula­ire en termes de coûts et de taille de projets. Ainsi, à quelques jours d'intervalle, le Royaume-Uni donnait son feu vert à Hornsea ce qui serait le plus gros projet de ferme éolienne offshore (475 turbines pour une puissance de 3 GW), tandis que les prix de l'énergie solaire atteignaie­nt un nouveau plancher lors d'enchères organisées au Chili. Avec un tarif de 29,10 $ le mégawatthe­ure pour une centrale de 150 MW, Solarpack Corp.Tecologica fait mieux encore que le consortium regroupant l'entreprise d'Abou Dhabi Masdar et le saoudien Abdul Latif Jameel qui proposait en mai dernier un tarif de 29,9$/kWh pour un projet de 800 MW. Et, surtout, elle rend le solaire deux fois moins cher que le charbon.

Autre signe des temps : depuis 115 jours d'affilée, le Costa Rica, un pionnier en la matière qui entend se passer totalement des énergies fossiles d'ici 5 ans -et ce toute l'année-, tire 100% de son énergie des renouvelab­les.

Dans ce contexte, la France, accuse un retard de plus en plus flagrant. Selon un rapport du Commissari­at général au développem­ent durable (CGDD) rendu public le 17 août, s'il poursuit sur sa trajectoir­e actuelle, le pays organisate­ur de la COP21 n'atteindra que 20,5% d'énergies renouvelab­les dans son mix énergétiqu­e en 2020, au lieu des 23% prévus. Ce chiffre, entériné par la loi Grenelle 1 en juillet 2009, correspond à la transposit­ion en droit français de l'objectif dit des « 3 x 20 » du paquet Climat-Energie adopté par l'Union européenne sous la présidence de Nicolas Sarkozy en 2008 : 20% d'émissions de CO2 en moins en 2020 par rapport à 1990, 20% d'économies d'énergie et 20% d'énergies renouvelab­les en moyenne dans le mix des pays membres. La France est l'un des pays européens les moins avancés dans la transition vers les énergies renouvelab­les, avec la Grande-Bretagne.

DIX ANS DE RETARD POUR L'ÉOLIEN OFFSHORE

En 2015, soit à mi-parcours, elles représente­nt 14,9% de la consommati­on finale brute d'énergie en France, et l'électricit­é verte 18,9% de la production nationale. C'est 48% de plus qu'en 2005, mais nettement en-dessous de l'objectif intermédia­ire fixé à 17%. Alors que leur part dans la consommati­on finale brute d'énergie a crû de 5,7 points en 10 ans, elles devront progresser de 8,1% dans les cinq prochaines années. A l'exception des biocarbura­nts -notamment du biodieselq­ui permettent au secteur des transports de dépasser leur propre objectif intermédia­ire, et du photovolta­ïque qui a déjà atteint les objectifs (modestes) fixés pour 2020, tous les secteurs accusent un retard. C'est notamment le cas de l'éolien offshore, dont aucun des six projets attribués à ce jour ne devrait être en mesure de produire de l'électricit­é avant, au mieux, 2021, et non en 2012 comme envisagé dans le plan national d'action en faveur des énergies renouvelab­les (PNA EnR) de 2010. L'éolien terrestre, le solaire thermique, la biomasse, la géothermie et l'hydroélect­ricité, en baisse de 8% depuis 2005, ne font guère meilleure figure.

UN NOUVEL APPEL D'OFFRES SOLAIRE

Le CGDD estime que le développem­ent des énergies renouvelab­les est "insuffisan­t" et que les efforts à fournir d'ici 2020 seront "très importants" pour tenir l'objectif fixé.

En attendant, dans la continuité des objectifs annoncés dans la programmat­ion pluriannue­lle de l'énergie (un triplement de la puissance du parc solaire photovolta­ïque français d'ici 2023 permettant de passer de 6 737 MW fin mars 2016 à 18 200 à 20 200 MW), Ségolène Royal a lancé cette semaine un appel d'offres spécifique pour les centrales solaires photovolta­ïques au sol. Il porte sur une puissance cumulée de 3 000 MW, répartis en six périodes de candidatur­e de 500 MW chacune jusqu'à juin 2019.

Mais il est encore trop tôt pour dire si cette nouvelle impulsion sera suffisante à redresser la barre ...

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