Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
«Le Redoutable»
Michel Hazanavicius aime profondément le cinéma, et ne manque pas une occasion de nous le faire savoir. En redoublant d’anciens longs métrages pour créer une toute nouvelle histoire (« Le Grand détournement »), en faisant de l’espionnage comme dans les années 60 et 70 avec un agent aussi franchouillard que James Bond peut être classe (les « OSS 117 »), ou en osant le muet à l’heure de la 3D avec « The Artist ». Un pari fou mais réussi, qui l’a conduit aux sommets d’hollywood avec deux Oscars à la clé. Et c’est à ce moment-là que le cinéaste a trébuché avec le mélodrame « The Search », gros échec public et critique sorti en 2014. Mais que ses fans se rassurent, il est bel et bien de retour avec « Le Redoutable », comédie aux allures de biopic consacrée à l’une des plus grandes figures du 7ème Art : Jean-luc Godard. Oui, le chef de file de la Nouvelle Vague, auteur de chef-d’oeuvres tels que « À bout de souffle » et « Pierrot le fou », et que nous voyons ici se révolutionner. Au propre comme au figuré, puisqu’il participe aux manifestations de Mai 68 et tend vers un cinéma de plus en plus abstrait et en phase avec ses idées communistes, dans la lignée de la sortie de « La Chinoise ». Un cheminement chaotique, organisé comme une succession de saynètes et que nous suivrons grâce au regard (et à la voix-off) de son actrice et compagne de l’époque, Anne Wiazemsky, à qui Stacy Martin prête sa grâce et sa fragilité. Et fait figure de contrepoint parfait face à la performance logiquement plus haute en couleurs de Louis Garrel, que l’on reconnaît certes mais qui incarne plus Godard qu’il ne l’imite. Comme le long métrage en lui-même, qui reprend à son compte quelques caractéristiques stylistiques du metteur en scène sans tomber dans le pastiche. Ni l’hagiographie, car son personnage principal, dont il n’est pas nécessaire de tout connaître pour suivre, n’y est pas franchement sympathique. Mais Hazanavicius parvient, au milieu des bons mots, des scènes réflexives sur le cinéma, des adresses à la caméra et des gags de répétition, à saisir les doutes et fêlures de l’un des réalisateurs francophones les plus célèbres au monde. Et c’est notamment dans cette maîtrise visuelle et des tons que son « Redoutable » s’avère redoutablement malin et réussi.