Le Monde du Camping-Car

Alpes-de-Haute-Provence : un grand bol d’air.

- Texte et photos : Didier Houeix

À l’arrière-saison, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le cri strident des martinets s’en est allé. Mais cette Haute-Provence, entre garrigue et montagne, n’en demeure pas moins très attachante. Enchanté par le bleu de son ciel et de sa lavande, le voyageur en éveil roule et découvre des deux rives de la Durance un parcours dépaysant et reposant.

Si l’on se réfère à l’oeuvre de l’écrivain Jean Giono, la Provence est multiple. Ainsi donc, nous prendrons la direction de la HauteProve­nce. Loin des tumultes du bord de mer, cette Provence-là a le tempéramen­t d’un pays qui ne fait pas l’unanimité des foules. Tant mieux ! Et c’est une fleur, la lavande, qui va nous guider : fil idéal à suivre à suspendre au-dessus de l’autoroute A51. Elle sépare – au sud – les territoire­s de la lavande fine du lavandin, de Banon et de Valensole, divisés par le bornage naturel de la Durance. D’un côté comme de l’autre, l’été, c’est un four. Entre 28 et 30°C en moyenne. Voilà pourquoi le choix de l’automne est épatant : la températur­e y est douce.

Le petit libraire de Banon

Le voyage débute à Simiane-la-Rotonde et Banon, village discret où « Le soleil brille trois cents jours par an, dit le slogan et d’ajouter, la réputation du village de Banon est due à la beauté des paysages (…) et à son fromage, le Banon ». Pour vous donner envie d’y faire étape, voici un autre argument. Chacun sait que le bleuet, fleur délaissée des jardins domestique­s, a pris son baluchon pour s’installer en bordure des champs. À Banon – où vous aurez pris soin de stationner le camping-car sur le parking de la rue de la Grande-Fontaine –, le nom de bleuet se confond depuis 1990 avec celui d’un homme qui s’est s’installé ici, au milieu des champs de lavande. Au Café de France, lorsque vous demandez où se trouve “Le Bleuet”, les clients lèvent leur bras et pointent du doigt la place Saint-Just. La patronne, elle, se contente d’un « C’est juste en face ! », avec le sourire. Or, juste en face, il y a une jolie maison aux volets couleur… bleuet. Et lorsque l’on aime les livres, se retrouver face à cette improbable librairie – je vous rappelle que nous sommes dans une commune des Alpes-deHaute-Provence de, allez, mille cents habitants – est surprenant. Je ne vais donc pas bouder mon plaisir de consigner ici une si belle histoire, évoquée dans le roman Je me souviens de tous vos rêves de René Frégni. Tendez bien l’oreille. Extrait : « J’ai sans doute été trop long pour raconter l’étrange voyage du petit libraire de Banon. Personne ne sait où il s’achèvera. Les chemins qu’il a ouverts dans le coeur de tous ceux qui ont franchi le seuil de la maison jaune aux volets bleus poursuiven­t leur travail de chemins, invisible et profond. » Le Bleuet, librairie fondée par Joël Gattefossé était en 2011 la septième plus grande librairie de France en termes de référence d’ouvrages : deux cent mille livres. Littératur­e, essais, arts, BD, policiers, sport, jeunesse, maison… Et chacun d’être étonné de voir une si grande

librairie dans un si joli, mais petit, village. Aujourd’hui, “l’amoureux des livres” s’en est allé, mais la librairie est là toujours ouverte du lundi au dimanche non-stop. Et chacun s’accorde à dire, presque trente ans après, qu’elle continue de faire la richesse de Banon. Une histoire qui fait tourner la tête. À Simiane-la-Rotonde, la voisine, c’est la rotonde qui donne le tournis. À pied – de Simiane le bas vers Simiane le haut –, la marche est endurante. Ça grimpe. On découvre des trésors : une collection de portes et les halles couvertes du XVIe siècle qui plantent le décor d’une photograph­ie d’Henri Cartier-Bresson ! Les paresseux pourront stationner le campingcar aux Clapiers de Bicasson à deux pas de la rotonde ! Alors la rotonde… De l’extérieur, ce bloc – sorte de tour de Babel – ne laisse rien présager de son intérieur qui révèle la splendeur d’une vaste salle de style roman à la constructi­on très élaborée : une voûte, une coupole, extraordin­aire de conception, de lumière et de sonorité. De Simiane, rendez-vous est pris, de l’autre côté de la D18, par la tortueuse D451. À une poignée de kilomètres du Vaucluse, dans une garrigue où la lavande pousse à l’état sauvage et le mistral sèche tout ce qui pointe son nez dehors, voici la vallée de Valsaintes. Dans ce lieu isolé à six cents mètres d’altitude, une abbaye – d’où ne sortent plus de moines encapuchon­nés – et un hameau.

L’abbaye de Valsaintes

En 1995, Jean-Yves Meignen achète le tout (en ruine) avec un groupe d’amis pour le sauver de l’oubli. « Nous avions décidé de restaurer l’église. C’était une époque – il y a vingt ans – où le Guide du Routard parlait de Simiane comme d’un village fantôme. Alors notre hameau… Nous avons donné quatre ans de notre vie à dormir dans des caravanes, dans l’église… » Les copains sont partis. Jean-Louis Moine et lui sont restés pour boucler le premier épisode de ce gros chantier ! L’église est leur joyau : « Les coquilles que vous apercevez au plafond l’identifien­t comme un lieu de passage du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostell­e. Et surtout elle est attenante au rocher. Une particular­ité : au solstice d’hiver, la lumière pointe directemen­t sur son autel. Disons du 18 au 24 décembre… » Jean-Yves, pépiniéris­te et paysagiste, se passionne pour les roses qu’il soigne avec des huiles essentiell­es ! Et s’il a un faible pour “Sourire d’orchidée”, il les aime toutes ! La roseraie, les jardins de l’abbaye, un chêne classé arbre remarquabl­e, trois cents espèces étiquetées dans le jardin sec, de vieux oliviers survivants du grand froid de 1956, dix mille plantes en pépinière vendues sur place, des visites guidées, une interventi­on hebdomadai­re sur les ondes de France Bleu, les restaurati­ons en cours… L’emploi du temps de ces deux-là ressemble à une ascension du K2. De Banon, vers Forcalquie­r par Saint-Étienne-les-Orgues, la route traverse un paysage aride et tourmenté. Un drôle de phénomène géologique vous attend à hauteur de Fontienne. Certains parlent de curiosité ! Les Mourres, ces champignon­s de terre crayeuse, nourrissen­t l’imaginatio­n du visiteur qui se croit sur Mars ou peutêtre un peu en Turquie du côté de la Cappadoce. En tous les cas, sur une étrange planète. Une planète que le soleil transforme en four à micro-ondes. Ces grosses morilles ont alimenté les légendes populaires. Mais les plus pragmatiqu­es ne verront là que la puissance de forces naturelles,

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À Simiane-la-Rotonde, remarquabl­e village étape de ce périple, bat le coeur d’une Haute-Provence authentiqu­e.
 ??  ?? 1 et 2. Jean-Yves Meignen et Jean-Louis Moine ont sauvé l’abbaye de Valsaintes. 1 2 Perdue au milieu des champs de lavande, Banon réserve bien des surprises à ses visiteurs.
1 et 2. Jean-Yves Meignen et Jean-Louis Moine ont sauvé l’abbaye de Valsaintes. 1 2 Perdue au milieu des champs de lavande, Banon réserve bien des surprises à ses visiteurs.

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