Ne provençale 2
pour vous aviser que, dans ce pays labellisé de ces indices prometteurs, on respire un climat sain : le bon air de ses champs, ses prairies, ses forêts, ses montagnes et bon nombre de ses villages. Le premier d’entre eux sera Saint-Donat-sur-l’Herbasse. Dites Saint-Donat… Situé à 30 km au nord de Valence, Saint-Donat, perché sur sa colline, séduit le flâneur à pied qui aime se plier aux topographies urbaines accidentées, tel le coureur du Tour de France accepte la montée d’un col. En même temps il faut avouer que le plus beau de Saint-Donat gravite autour de sa collégiale, là-haut. Vous poserez votre camping-car, en bas, au parking de la rue du 19 mars 1962, ou, quitte à bivouaquer une nuit dans les parages de l’Herbasse, la rivière, aux abords du terrain de sport, route de Saint Bardoux. Vous trouverez une aire de vidange proche du local de l’A.S.D. (L’association sportive donatienne). À pied, partez prendre un café en terrasse, avenue Georges Bert, ou un cran plus loin, proche de l’office de tourisme, badigeonnez-vous le visage avec l’eau de la fontaine aux étoiles… européennes. De là, direction la boulangerie. « Ô peuchère ! Pas n’importe quelle boulangerie » . Le dimanche… On y vient à pied, on y fait la queue… et le trafic de voitures peut dépasser la dizaine dans le quartier. Car on se bouscule pour acheter son pain, ses viennoiseries, ses gâteaux chez le successeur d’Antoine Ronjat. La devanture ne paie pas de mine. Le camouflage parfait, dont seuls, les initiés savent, ce que signifie (depuis 2007) la série des plaques émaillées d’un célèbre routard, pointées au mur.
Louis et Elsa
Leur arcane ? La famille Ronjat est une vieille dynastie de fabricants de « pognes » du 26. Depuis le XVIIIe siècle, huit générations se sont succédé devant le fournil, une recette jalousement gardée, subtilement améliorée pour le plaisir des amateurs de pogne. La « poignée », ancienne mesure, a donné son nom à cette généreuse brioche en forme de couronne. Saint-Donat-surl’Herbasse vaut plus que le coup d’oeil. Et au moins pour une raison que les lecteurs de Louis Aragon ne manqueront d’éclaircir : un pan de la vie de cet auteur se décline au 52 rue Pasteur, sous le nom d’emprunt Andrieux. Le couple qu’il forme avec Elsa Triolet s’est réfugié à Saint-Donat. Et pendant que Louis, Desnos, Prévost et d’autres, prennent résolument parti contre le nazisme, Elsa publie des journaux de résistance comme « La Drôme en armes ». Il était arrivé ici, craignant un ennui désespéré, « village aux rues grises, écrasé sous sa massive collégiale, collines monochromes à perte de vue… » . Il en est reparti en écrivant : « C’est ici, à Saint Donat, que nous avons vécu les journées peut-être les plus émouvantes de notre vie. » Vous quitterez Saint-Donat non sans avoir pénétré dans l’enceinte de sa collégiale avant de récupérer votre véhicule, endormi sur les bords de l’Herbasse. L’Herbasse… Cette rivière s’étire nonchalante et traverse, plus au nord – à peine 5 kilomètres – le village de Charmes-sur-l’Herbasse. Je n’évoquerai pas ce nom s’il n’avait un rapport direct avec notre rendez-vous de l’après-midi. Mais filons, dare-dare, en écoutant dans le camping-car Ferrat chanter Aragon – Un jour, un jour… – pour une entrevue, fictive, avec le plus atypique et populaire personnage de la Drôme. Un certain « Cheval », facteur de son état, prénommé Ferdinand, né à Charmes-sur-L’Herbasse mais dont le nom est rattaché à celui de Hauterives. On pousse donc plus au nord encore (D538) vers cette bourgade de 1 600 habitants. Si elle n’avait eu la chance d’avoir Ferdinand comme facteur, elle serait sans doute restée dans l’anonymat. Mais voilà,