Le Pays Malouin

Olivier Valade : « Un restaurant étoilé, ce n’est pas qu’une assiette »

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Olivier Valade, 41 ans, est depuis octobre 2013 le chef du restaurant étoilé La Gouesnière, de la Maison Tirel Guérin. Nous l’avons interrogé sur la pression et le travail qu’induit une telle distinctio­n.

Quelle est la recette pour décrocher et/ou conserver une étoile au Guide Michelin ?

C’est à la fois difficile et facile. Depuis mes débuts, j’ai travaillé dans des restaurant­s étoilés. J’ai par exemple travaillé sept ans chez Bernard Loiseau. J’ai baigné dans cet esprit, cette quête de l’étoile. Celle-ci est basée sur des codes, et je les ai appris : la cuisson minute, le respect et la mise en valeur des produits… Après, ce n’est pas parce que vous les avez appris que vous serez étoilés. Il faut apporter une âme.

C’est-à-dire ?

Un restaurant étoilé, ce n’est pas qu’une assiette, c’est aussi l’esprit d’une équipe. En cuisine mais aussi en salle, cette dernière étant les yeux du cuisinier. Et ça, ça ne s’apprend pas. Il y a un triangle d’or à respecter : en premier le client, en deuxième des produits locaux, en trois un chef. Le client doit trouver une cuisine marquée par un chef et aussi se retrouver dans l’endroit où il est. L’alchimie ne sera pas la même à Paris intra-muros, à Saint-Malo face à la mer où comme chez nous au coeur du pays malouin au milieu des champs… Je ne dis pas que c’est la règle, c’est juste ma vision.

Comment vit-on la pression qui peut être exercée dans cette quête aux étoiles ?

La pression, ce n’est pas le guide qui la met. Ou plutôt, il ne la met qu’une fois par an. La vraie pression, ce sont les clients, à chaque service.

Qu’est-ce que cela fait de gagner ou perdre une étoile ?

Quand on s’aperçoit que le macaron a disparu, c’est assez difficile. Nous l’avons vécu en 2015. On ne sait pas pourquoi et le chef prend la responsabi­lité de cette perte. Il y a beaucoup de déception, il faut retrouver le lendemain ses équipes, il y a une perte de crédibilit­é… Heureuseme­nt, dans mon cas, cette déception n’a pas duré longtemps. Nous avions déjà commencé à changer les orientatio­ns de la maison et on s’est dit qu’il fallait vraiment tout remettre à plat. Aujourd’hui, nous faisons ma cuisine, avec notre style de restaurant. Nous nous sommes affranchis du passé. Résultat, nous avons regagné l’étoile l’année d’après.

Et au niveau du restaurant, qu’apporte une étoile ?

En principe l’étoile apporte une augmentati­on de clientèle. Ou une perte quand on la perd. Chez nous, cette règle ne s’est pas vérifiée. Je pense que cela s’explique du fait que nous avions déjà lancé le processus d’évolution de notre cuisine. Il faut aussi comprendre que la pression n’est plus sur une cuisine, mais sur des intérêts financiers. Plus on monte dans les étoiles, plus la perte est dramatique. Car les étoiles ont amené un investisse­ment très lourd. Remarquez-vous les inspecteur­s du Guide Michelin ?

Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus discrets. Ils peuvent venir à un ou deux. Ils changent de région d’une édition à l’autre. Ils ont aussi des façons de faire différente­s. De toute façon, il ne faut pas chercher à changer ses habitudes. Les inspecteur­s sont des personnes qui font des restaurant­s tous les jours, qui connaissen­t le métier, qui vont sentir s’il y a un petit changement dans quelque chose.

Quel regard portez-vous sur l’avis des clients ?

Nous y sommes très attentifs. Quand nous avons un avis négatif, nous allons essayer de comprendre pourquoi. Est-ce parce qu’il souhaitait telle table et que nous n’avons pas pu la lui donner ? Un serveur lui a-t-il répondu trop directemen­t ? S’agit-il d’une erreur dans l’assiette ? J’ai l’humilité de dire que l’on peut faire des erreurs. Ce qu’il faut, c’est qu’elles doivent nous faire avancer.

Qu’ont pensé vos clients de ce changement d’orientatio­n de cuisine ?

Les réactions ont été diverses. Certains habitués nous ont dit que cela n’avait rien à voir avec ce qui était fait avant et qu’ils préféraien­t avant justement. D’autres habitués nous ont dit qu’ils ne venaient plus car ils avaient l’impression de toujours manger la même chose et eux étaient contents de ce renouvelle­ment. D’autres expliquaie­nt qu’ils étaient satisfaits de l’ancienne cuisine, un peu vieillissa­nte, mais qu’ils étaient aussi très contents de découvrir autre chose…

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