Le Petit Journal - L’hebdo local de l’Ariège
Un des derniers survivants est ariégeois
René Dupuy est aujourd’hui en maison de retraite. Il est né il y a 90 ans. Il aime se rappeler sa vie bien remplie. Ce qui l’a vraiment marqué et qu’il n’oubliera jamais, ce sont ses 20 ans en Indochine...
René Dupuy est aujourd’hui en maison de retraite. Il est né à Cazères (31) il y a 90 ans. Il aime se rappeler sa vie bien remplie. Ce qui l’a vraiment marqué et qu’il n’oubliera jamais, ce sont ses 20 ans en Indochine. Saïgon était magnifique, construite sur un ancien marais. Et puis il y avait le «Continental», on y voyait toutes les «huiles» entrer et sortir. Un serveur était colonel vietminh, il avait eu le mal jaune…
Le papa de René Dupuy a «fait» la guerre de 14-18. Son frère Claude a fait la guerre d’algérie. René Dupuy, lui, avait à peu près 18 ans quand il s’est décidé pour l’indochine. Il aurait pu rester à la ferme, s’occuper des vaches, mais ça ne lui plaisait pas. Il s’engage donc après 1945, passe 2 ou 3 mois en Allemagne, puis part en Indochine. La France y était avant la deuxième guerre mondiale, mais suite à la capitulation de la France devant l’allemagne, le Japon a envahi l’indochine. Après la guerre, le général De Gaulle souhaitait reconquérir l’indochine «pour l’honneur du drapeau». La guerre d’indochine a commencé dès le 19 décembre 1946, lorsque Ho Chi Minh a lancé son offensive contre le colonisateur français à la citadelle d’hanoï.
La femme de René Dupuy l’a suivi. Là-bas, le jeune soldat a progressé dans sa carrière, il est devenu adjudant-chef. Au moment de la bataille de Dien Bien Phu, il a été affecté dans le bataillon Atlante qui était censé faire diversion. Il a connu des moments très durs. Il est resté en embuscade 84 heures d’affilée avec 222 hommes. Il a dû faire des déplacements de 20 à 30 km par jour, puis à la fin, même, 40 km par jour, sans dormir ! A un moment, il a été porté disparu pendant deux ou trois jours. Après Dien Bien Phu, il est allé en Algérie, il était à Bône au moment du putsch.
Mis à la retraite à 40 ans, il a travaillé comme agent technico-commercial chez Chaffotaux et Maury. Il a également été 18 ans au secrétariat de mairie à Toulouse.
Aujourd’hui en maison de retraite à Saint-girons, il vit paisiblement entouré de photos qui lui rappellent de nombreux souvenirs. Il a encadré au mur, également, ses sept médailles gagnées au combat (voir la photo). Des documents authentifient ses citations, nomment ses médailles et témoignent de la progression de sa carrière :
— René Dupuy, soldat de 2e classe, «a obtenu la Médaille Coloniale avec agrafe Extrême Orient», à Saïgon, le 15 mars 1947.
— René Dupuy, 2e Classe, 6e Régiment d’infanterie Coloniale, cité le 30 mai 1947 [20 ans] «pour avoir mis hors de combat 2 adversaires… au Tonkin», «attribution de la Croix de guerre des Théâtres d’opérations Extérieures avec étoile de Bronze».
— Un Ordre du jour, daté du 9 avril 1954 à Nha-trang, adressé à tout le groupement opérationnel du Sud Annam, décrit en détail le difficile combat que René Dupuy et ses compagnons ont du mener.
— René Dupuy, Sergentchef, Forces Terrestres du Vietnam, cité, entre autres parce qu’il «s’est particulièrement distingué le 24 juin 1954 sur la Route Nationale n°19 au PK 15… en contenant tous les assauts d’un adversaire supérieur en nombre, malgré un feu violent de toutes armes» [27 ans]
— René Dupuy, Adjudant des TOM, à Duzerville le 30 novembre 1958, «la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre avec agrafe : Algérie».
— René Dupuy, Adjudant, cité à l’ordre de la Brigade, le 14 mai 1959, dans le Constantinois («a effectué une manoeuvre d’encerclement qui a permis la capture de deux rebelles, la récupération de leurs armes ainsi que des documents qui ont permis la saisie d’un important matériel de sabotage et de destruction»). Avec attribution de la Croix de Guerre des Théâtres d’opérations Extérieures avec étoile d’argent.
— René Dupuy, Adjudant, 63e Régiment d’infanterie de Marine, à Bône, le 15 juin 1959, citation comportant «l’attribution de la Croix de la Valeur Militaire avec étoile de Bronze».
Un détail de ses services et mutations diverses montre qu’il s’est retiré de l’armée le 14 mai 1962 pour s’établir à Aucazein (09). Le 1er novembre 1962, il est nommé Adjudant chef de réserve.
Ils ne sont plus nombreux, les anciens d’indochine en Ariège aujourd’hui. Et René avance en âge… c’est pourquoi il a tenu à parler de ce qui a marqué sa vie, et à le faire connaître à tous les Ariégeois.