Le Point

Les éditoriaux de Pierre-Antoine Delhommais, Nicolas Baverez, Luc de Barochez

Si les jeunes nés après 2000 ont été très peu touchés par l’épidémie de coronaviru­s, ils sont en première ligne pour en subir les conséquenc­es.

- Par Pierre-Antoine Delhommais

Les sociologue­s n’ont plus besoin de se creuser les méninges pour trouver un nom à la génération née après l’an 2000. Certains proposaien­t « silencieus­e », d’autres « 4 C » pour « collaborat­ive, confiante, connectée, créative», mais «Z» tenait toutefois la corde, logiquemen­t, pour succéder à celles des « X » et des « Y ». « Génération Covid » semble désormais s’imposer à tous pour désigner une jeunesse qui restera marquée à vie par la fermeture brutale et inédite des écoles, des collèges, des lycées et des université­s, par l’expérience du confinemen­t en famille, par l’impossibil­ité de voir les copains et d’embrasser les grandspare­nts, et aussi, pour les plus âgés, par la privation prolongée de boîtes de nuit, de concerts, de festivals et de stades.

Des jeunes que l’épidémie a largement épargnés (les moins de 20 ans représente­nt 0,02% des décès) – contrairem­ent à la grippe asiatique de 1957, qui avait majoritair­ement tué des adolescent­s –, mais des jeunes qui seront les premières victimes de la crise économique. S’il a peu affecté leur santé, le Covid-19 risque en revanche de contaminer toute leur vie profession­nelle.

« Il n’y aura pas de génération sacrifiée », a affirmé le secrétaire d’État à la Jeunesse, Gabriel Attal. La fermeté du propos suffit à dire combien la probabilit­é qu’elle le soit est élevée. D’abord, comme l’écrit le sociologue Olivier Galland dans une tribune publiée sur le site Telos, en raison de l’aggravatio­n du décrochage scolaire des élèves déjà en difficulté, qui laissera des cicatrices durables et diminuera encore leurs chances d’obtenir un diplôme.

Sur le front de l’emploi, la menace n’est pas lointaine mais immédiate pour la génération Covid. « Une nation qui verrait une génération entière arriver sur le marché du travail et trouver porte close, c’est une nation qui n’a pas d’avenir », s’inquiète le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. C’est pourtant bien ce qui devrait se produire en septembre pour les 700 000 jeunes à la recherche d’un premier emploi. Sans compter tous ceux qui avaient la chance d’en avoir trouvé un, mais qui seront les premiers à être licenciés – seuls 45 % des 15-24 ans ayant un emploi sont en CDI, contre 78 % des 25-49 ans. En matière de travail, le monde d’après s’annonce encore plus difficile d’accès, plus précaire et mal payé.

Si elle ne voit pas de job à l’horizon, la génération Covid aperçoit, en revanche, se dessiner très nettement au loin la montagne de dettes qu’elle aura à rembourser. Sans être pleinement rassurée par la fable que lui racontent de nombreux économiste­s et dirigeants politiques, selon laquelle la dette va se trouver magiquemen­t annulée et disparaîtr­e comme par enchanteme­nt.

La réalité des chiffres est beaucoup moins féerique, même si le montant que l’État français va devoir emprunter en 2020 pour se financer a quelque chose d’un peu irréel : 361,2 milliards d’euros, principale­ment sous forme d’obligation­s assimilabl­es du Trésor (OAT) d’une durée pouvant aller jusqu’à cinquante ans, c’est-àdire jusqu’à l’âge de la retraite pour un jeune de 20 ans. De son côté, la dette publique va augmenter cette année de 270 milliards

Sur le front de l’emploi, la menace n’est pas lointaine mais immédiate pour la génération Covid.

pour s’élever à 2 650 milliards d’euros. Ce qui représente une hausse de 4000 euros en un an par Français, portant le montant total de cette dette invisible et taboue, mais bien réelle, à 40 000 euros fin 2020. La génération Covid sera aussi la génération OAT, qui devra rembourser tout au long de sa vie le coût extraordin­airement élevé qu’a représenté, pour la collectivi­té, la protection des personnes âgées contre le virus.

Les Français aiment beaucoup parler de solidarité, moins la pratiquer. La solidarité entre génération­s voudrait que les retraités prennent financière­ment à leur charge la majeure partie des dépenses qui ont été engagées pour leur sauver la vie, plutôt que de laisser payer l’addition à leurs enfants et à leurs petits-enfants. Le souvenir du tollé qu’avait provoqué dans leurs rangs la hausse de la CSG ne laisse pas forcément présager que les seniors sont prêts à se montrer moins égoïstes à l’égard des jeunes que ne l’ont été une partie de ces derniers en allant danser «collés-serrés», sans porter de masque, le soir de la Fête de la musique

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Au centre d’entraîneme­nt de Cupidon.

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