Quand est-ce qu’on se réveille ?
Il n’y a pas que la bêtise qui, en France, donne une idée de l’infini. La fatigue, aussi. Observez comme elle accompagne le lent délitement de la société française, rongée par les incivilités, l’aquoibonisme, ce synonyme de lâcheté, de pétainisme.
La République est malade, mais la démocratie aussi. Pour preuve de notre déliquescence, l’abstention qui a culminé à des niveaux record lors des six élections législatives partielles de dimanche dernier, jusqu’à 87 % dans la 5e circonscription du Val-de-Marne. Le coronavirus a bon dos ! Quelle légitimité peuvent avoir, après, les maires, les députés élus avec si peu de voix ? Faut-il continuer à organiser des élections ?
La prolifération des squatteurs de résidences principales ou secondaires est un autre signe de l’affaissement français, quand tout devient permis. À Théoule-sur-Mer, Saint-Honoré-lesBains, Marseille ou ailleurs, des propriétaires de maison se sont fait accueillir par des occupants illégaux, sûrs de leur droit. «On est ici chez nous», clamaient-ils, jouant sans vergogne sur la loi et la tolérance des pouvoirs publics pour ce type de délit.
« La tolérance et l’apathie sont les dernières vertus d’une société mourante », fait-on souvent dire à Aristote, formule géniale quoique apocryphe, paraît-il. Que la police et la justice soient souvent restées de marbre devant ce genre d’atteintes au droit, on en a l’habitude. Mais qu’aucune voix ne se soit élevée, en haut lieu, contre ces occupations doublées de déprédations, cela ne montre-t-il pas que le pouvoir vit horssol, dans les limbes ?
Autant vous dire que cette épidémie de squats a été le grand sujet de conversation de la France d’en bas, celle des gens de peu qui économisent toute leur vie pour avoir leur maison : elle a découvert avec effroi, si elle ne le savait déjà, que la loi bafoue le droit de propriété, « droit inviolable et sacré » selon l’article 17de la Déclaration des droits de l’homme, attachée à la Constitution de 1958, qui stipule par ailleurs que nul ne peut en être « privé ».
Désormais, tout est cul par-dessus tête: si le propriétaire veut récupérer rapidement son bien, il peut se faire attaquer par le squatteur pour « violation de domicile » et risquer alors une peine plus lourde que celui-ci (trois ans de prison et 30 000 euros d’amende contre un an de prison et 15 000 euros). Le gouvernement va bien tenter d’accélérer les procédures d’expulsion, mais les professionnels sont plus que sceptiques.
Premier de tous les droits, la vie non plus n’a pas tant d’importance, en France. La justice n’a-t-elle pas, parfois, la main plus molle avec les assassins qu’avec les violeurs, qu’il faut évidemment punir ? Ne lui est-il pas arrivé aussi de faire preuve d’une complaisance insane dans des cas patents de féminicide ? Là encore, on dirait que tout est à l’envers, qu’il n’y a plus aucune valeur qui tienne.
Notre époque obscure est décidément celle de l’indécence à tous les étages, quand tout est possible et que, par exemple, France Culture, radio de « service public », financée par nos impôts, consacre Edwy Plenel, saint patron de l’ultragauche et de l’islamo-gauchisme, dans son excellente émission À voix nue, en plein procès Charlie, journal martyr dont le pseudo-journaliste reste l’indécrottable contempteur et sur lequel il a tenu des propos abjects. Pitié pour nos morts, Cabu, Wolinski et les autres !
De l’air ! De l’air ! Si, comme l’auteur de ces lignes, vous avez souvent le sentiment d’étouffer sous les mauvaises nouvelles, vous devez lire de toute urgence Bat Ye’or (traduire : la « fille du Nil ») qu’on a peu de chances d’entendre sur les ondes de France Culture : cette chercheuse figure, selon toute vraisemblance, sur les listes noires de la station de « service public » pour avoir beaucoup travaillé et publié sur la dhimmitude, autrement dit le traitement discriminatoire infligé par les pays islamiques aux juifs et aux chrétiens.
«Moïse», de Bat Ye’Or (1), juive originaire d’Égypte, est le premier tome d’une somptueuse saga familiale qui commence au Caire (Al-Kahira) au XIXe siècle. Un livre qui, en cet automne, brille comme une lumière dans un tunnel. C’est l’histoire d’un homme et, à travers lui, d’un peuple sur fond d’esclavage, d’humiliations, de persécutions et de massacres, dans un monde où l’Éternel reprend sans cesse ce qu’il a donné et où les vies passent comme les eaux boueuses du Nil. Non, ce n’était pas mieux avant.
Deux siècles plus tard, ce peuple est toujours là, vigoureux comme jamais. L’amour, c’est-à-dire la vie, est, comme dit la Bible, toujours plus fort que la mort. Il suffit simplement de se réveiller. Réveillons-nous !
■ 1. Moïse, de Bat Ye’or (Les Provinciales, 270 p., 23 €).