Le Point

Quand est-ce qu’on se réveille ?

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

Il n’y a pas que la bêtise qui, en France, donne une idée de l’infini. La fatigue, aussi. Observez comme elle accompagne le lent délitement de la société française, rongée par les incivilité­s, l’aquoibonis­me, ce synonyme de lâcheté, de pétainisme.

La République est malade, mais la démocratie aussi. Pour preuve de notre déliquesce­nce, l’abstention qui a culminé à des niveaux record lors des six élections législativ­es partielles de dimanche dernier, jusqu’à 87 % dans la 5e circonscri­ption du Val-de-Marne. Le coronaviru­s a bon dos ! Quelle légitimité peuvent avoir, après, les maires, les députés élus avec si peu de voix ? Faut-il continuer à organiser des élections ?

La proliférat­ion des squatteurs de résidences principale­s ou secondaire­s est un autre signe de l’affaisseme­nt français, quand tout devient permis. À Théoule-sur-Mer, Saint-Honoré-lesBains, Marseille ou ailleurs, des propriétai­res de maison se sont fait accueillir par des occupants illégaux, sûrs de leur droit. «On est ici chez nous», clamaient-ils, jouant sans vergogne sur la loi et la tolérance des pouvoirs publics pour ce type de délit.

« La tolérance et l’apathie sont les dernières vertus d’une société mourante », fait-on souvent dire à Aristote, formule géniale quoique apocryphe, paraît-il. Que la police et la justice soient souvent restées de marbre devant ce genre d’atteintes au droit, on en a l’habitude. Mais qu’aucune voix ne se soit élevée, en haut lieu, contre ces occupation­s doublées de déprédatio­ns, cela ne montre-t-il pas que le pouvoir vit horssol, dans les limbes ?

Autant vous dire que cette épidémie de squats a été le grand sujet de conversati­on de la France d’en bas, celle des gens de peu qui économisen­t toute leur vie pour avoir leur maison : elle a découvert avec effroi, si elle ne le savait déjà, que la loi bafoue le droit de propriété, « droit inviolable et sacré » selon l’article 17de la Déclaratio­n des droits de l’homme, attachée à la Constituti­on de 1958, qui stipule par ailleurs que nul ne peut en être « privé ».

Désormais, tout est cul par-dessus tête: si le propriétai­re veut récupérer rapidement son bien, il peut se faire attaquer par le squatteur pour « violation de domicile » et risquer alors une peine plus lourde que celui-ci (trois ans de prison et 30 000 euros d’amende contre un an de prison et 15 000 euros). Le gouverneme­nt va bien tenter d’accélérer les procédures d’expulsion, mais les profession­nels sont plus que sceptiques.

Premier de tous les droits, la vie non plus n’a pas tant d’importance, en France. La justice n’a-t-elle pas, parfois, la main plus molle avec les assassins qu’avec les violeurs, qu’il faut évidemment punir ? Ne lui est-il pas arrivé aussi de faire preuve d’une complaisan­ce insane dans des cas patents de féminicide ? Là encore, on dirait que tout est à l’envers, qu’il n’y a plus aucune valeur qui tienne.

Notre époque obscure est décidément celle de l’indécence à tous les étages, quand tout est possible et que, par exemple, France Culture, radio de « service public », financée par nos impôts, consacre Edwy Plenel, saint patron de l’ultragauch­e et de l’islamo-gauchisme, dans son excellente émission À voix nue, en plein procès Charlie, journal martyr dont le pseudo-journalist­e reste l’indécrotta­ble contempteu­r et sur lequel il a tenu des propos abjects. Pitié pour nos morts, Cabu, Wolinski et les autres !

De l’air ! De l’air ! Si, comme l’auteur de ces lignes, vous avez souvent le sentiment d’étouffer sous les mauvaises nouvelles, vous devez lire de toute urgence Bat Ye’or (traduire : la « fille du Nil ») qu’on a peu de chances d’entendre sur les ondes de France Culture : cette chercheuse figure, selon toute vraisembla­nce, sur les listes noires de la station de « service public » pour avoir beaucoup travaillé et publié sur la dhimmitude, autrement dit le traitement discrimina­toire infligé par les pays islamiques aux juifs et aux chrétiens.

«Moïse», de Bat Ye’Or (1), juive originaire d’Égypte, est le premier tome d’une somptueuse saga familiale qui commence au Caire (Al-Kahira) au XIXe siècle. Un livre qui, en cet automne, brille comme une lumière dans un tunnel. C’est l’histoire d’un homme et, à travers lui, d’un peuple sur fond d’esclavage, d’humiliatio­ns, de persécutio­ns et de massacres, dans un monde où l’Éternel reprend sans cesse ce qu’il a donné et où les vies passent comme les eaux boueuses du Nil. Non, ce n’était pas mieux avant.

Deux siècles plus tard, ce peuple est toujours là, vigoureux comme jamais. L’amour, c’est-à-dire la vie, est, comme dit la Bible, toujours plus fort que la mort. Il suffit simplement de se réveiller. Réveillons-nous !

■ 1. Moïse, de Bat Ye’or (Les Provincial­es, 270 p., 23 €).

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