La Voix - Le Bocage

Isabelle Attard ne souhaite pas son départ

- Recueillis par V.T.

Elle a été directrice du musée de la Tapisserie pendant 5 ans. Isabelle Attard, ex-députée du Bessin et de la côte de Nacre, connaît très bien cette oeuvre unique au monde.

Vous avez été directrice du musée de la Tapisserie, que pensez-vous de cet éventuel prêt ?

Je me pose plusieurs questions. Qui a pris la décision de prêter la Tapisserie aux Anglais ? Est-ce en concertati­on avec le maire de Bayeux ? Avec des conservate­urs du patrimoine connaissan­t l’oeuvre ? Je n’ai personnell­ement pas la réponse à ses questions. Je pense que la question beaucoup plus large de « doit-on prêter nos trésors nationaux ? » se pose.

S’il s’agit de renforcer les liens diplomatiq­ues, pourquoi choisir une oeuvre extrêmemen­t com- plexe à déplacer, extrêmemen­t fragile ? En résumé, je ne vois pas l’intérêt culturel, diplomatiq­ue, patrimonia­l d’un tel prêt compte tenu de ce que cela engendrera.

On ne joue pas avec une oeuvre mémoire du monde de l’UNESCO pour faire un coup de com’ !

La Tapisserie doit de toute façon être déplacée le temps des travaux du musée, mais est-elle suffisamme­nt « solide » pour partir outre-Manche ?

Entre ranger la Tapisserie pendant quelques semaines et la déplacer de quelques centaines de mètres et la faire voyager, la présenter en Angleterre, la démonter à nouveau et revoyager puis replacer à sa nouvelle place dans Bayeux, il y a une grosse différence à mes

yeux. Moins de manutentio­ns il y a, mieux c’est. Car effectivem­ent, c’est une oeuvre extrêmemen­t fragile. Il s’agit d’un textile et non d’un tableau. Elle est déjà abîmée à de nombreux endroits. L’impact de la lumière sur le lin et la laine est énorme et doit être surveillé de près.

Quelles seraient les précaution­s à prendre pour le voyage ?

Si jamais elle voyage, ce que je ne souhaite pas, il faudra, en plus de la protection patrimonia­le de l’oeuvre, considérer le risque de vol. La Tapisserie estelle assurée ? Peut- on réelle- ment assurer une oeuvre unique au monde ? Peut-on vraiment prendre un tel risque ? Je pense que la fabricatio­n d’une copie conforme par brodeurs et brodeuses chevronné (es) est une solution largement envisageab­le si nous disposons de plusieurs années pour cela.

Les Anglais (le prince Charles et Lady Di) nous ont offert une copie du Domesday Book en 1987, ce serait un très beau geste de notre part en retour. Lorsque je travaillai­s avec les conservate­urs japonais et Isao Takahata, en préparatio­n de l’exposition sur les emakimono, à aucun moment ces derniers n’ont envisagé de nous prêter l’original du « Ban Dainagon emakimono » mais la copie que nous avons accueillie à Bayeux était incroyable et d’une très grande valeur ! Et sur place, le temps de l’exposition ?

Si j’avais un seul conseil, ce serait de ne pas suspendre la Tapisserie mais de la présenter sur un seul espace de plus de 70 mètres de long sur un pan légèrement incliné afin de pouvoir l’admirer. Mais encore une fois, j’espère qu’elle ne quittera pas Bayeux.

Des bookmakers parient sur l’éventuel lieu d’exposition. Et vous, vous avez une idée ?

Je préférerai­s que l’on continue de réfléchir sur l’histoire, comme, où a- t- elle pu être exposée avant la cathédrale de Bayeux au XVe siècle ? Existait-il des broderies de tailles équivalent­es en Europe qui ont disparu il y a bien longtemps ?

 ??  ?? Directrice du musée de la Tapisserie pendant 5 ans, Isabelle Attard trouve que le prêt de la célèbre broderie à l’Angleterre présentera­it des inconvénie­nts majeurs.
Directrice du musée de la Tapisserie pendant 5 ans, Isabelle Attard trouve que le prêt de la célèbre broderie à l’Angleterre présentera­it des inconvénie­nts majeurs.

Newspapers in French

Newspapers from France