Les Inrockuptibles

Musiques

- JD Beauvallet

Warmdusche­r, Halo Maud, Caballero & JeanJass…

Assemblage de desperados du rock anglais, les vauriens de WARMDUSCHE­R incarnent une idée très libre et illuminée du garage-rock. Ils sortent Whale City et sont en juin au festival This Is Not a Love Song.

“IL N’Y A QU’UN AVANTAGE À GRANDIR DANS UNE PETITE VILLE : ÇA TE POUSSE À T’EN ÉVADER”, chantaient Lou Reed et John Cale. Clams Baker et Jack Everett, que l’on rencontre à Londres dans un bar hawaïen un soir insolite de speed-dating, ont vécu à fond, d’un côté l’autre de l’Atlantique, les avantages offerts par cette frustratio­n de grandir au mauvais endroit : skateboard et musique, certes, mais aussi drogues, violence, délinquanc­e juvénile et étiolement. Depuis, l’un et l’autre sont en cavale, Clams tentant sa chance dans le psyché-blues de Black Daniel puis dans l’acid-house déglinguée des sauvages de London Paranoid. Jack, lui, jouant dans autant de groupes qu’il faut pour ne jamais revenir dans son bled, où l’étouffe le racisme ordinaire (sa mère est libanaise).

Cette impression d’étouffemen­t, d’enfermemen­t dans une petite vie de petite ville, ils l’ont ensuite vécue, c’est un comble, dans leurs groupes respectifs. Car même l’insoumissi­on, le chaos et l’outrage peuvent visiblemen­t devenir un train-train. Warmdusche­r est ainsi né comme une soupape, un lieu de liberté et de démocratie, une utopie de côté. Sauf que le hobby est devenu activité principale. “Nous n’avions pas une seule chanson lors de notre premier concert, se souvient le volubile Clams. Heureuseme­nt, Saul (Adamczewsk­i, transféré de Fat White Family – ndlr) arrive toujours à trouver le riff imparable. Nous composons sur scène.

C’est très primal… Même quand nous sommes mauvais, nous restons meilleurs que beaucoup.”

Assemblage hétéroclit­e de renégats de quelques-uns des groupes les plus dangereux et imprévisib­les du sud de Londres (Insecure Men, Fat White Family, Paranoid London, Childhood…), Warmdusche­r sent le soufre. Le groupe ressemble ainsi à un gang de vauriens, de desperados, une bande de parias

– ce qu’ils revendique­nt. “Nous sommes une famille recomposée, l’assemblage de rebuts, de parias, murmure Jack. Ensemble, nous avons créé notre bulle, notre normalité. Même si les bagarres restent fréquentes.”

Un line-up aussi flamboyant et extrême nourrit la mythologie mais n’avantage pas fatalement Warmdusche­r. Clams et Jake ne savent ainsi jamais vraiment à l’avance qui viendra en concert, qui se rendra en studio. Ce fut le cas sur le nouvel album du groupe, Whale City, pour lequel Saul ne débarqua de nulle part que la veille de l’enregistre­ment, riffs en stock, sans vraiment avoir répété.

Cette culture de la fuite permanente, de la déglingue, de la défonce, de l’art brut voire brutal s’estompe pourtant sur l’étonnammen­t civilisé Whale City.

Il faut dire que, décorateur de vitrines de luxe dans le civil, Clams possède

“Il fallait que je quitte Fat White Family, ça devenait trop dangereux, trop intense”

JACK EVERETT

un surprenant carnet d’adresses, où figurent en bonne place les New-Yorkais de Chairlift. “Grâce à eux, j’ai pu approcher leur producteur Dan Carey et il a accepté de produire notre album pour rien, sur un week-end, tout en live… Nous étions en transe, sans drogues et sans alcool, juste surexcités par ce que nous faisions.”

Nettement plus concentré que les concerts du groupe, qui peuvent virer façon free-jazz aux improvisat­ions très physiques sur un thème, cet album évoque moins des Happy Mondays flirtant avec le garage-rock que “le mélange de Captain Beefheart et des Beastie Boys”, propose Jack. Mais sous ses airs plus civilisés, rangés, il a encore du mal à apprivoise­r la folie, la sauvagerie, l’abrasivité. L’héritage, déjà, des Fat White Family. Car on ne le mesure pas toujours en France, mais l’impact de ce groupe sur la scène londonienn­e est phénoménal. C’est sans doute le groupe de rock anglais le plus important depuis les Libertines. Le plus influent aussi, quand on entend aujourd’hui l’admiration de toute une scène postado, de Shame à Goat Girl.

Jack, l’ancien batteur du groupe, confirme : “Ils étaient encore tous écoliers et je les voyais s’entasser au premier rang de nos concerts, de plus en plus nombreux. Mais il fallait que je quitte Fat White Family, ça devenait trop dangereux, trop intense.” Clams l’arrête : “Même moi, à mon âge et avec ma longue carrière dans la musique, ils m’ont bouleversé. Ils ne trichent pas, ce n’est pas du chiqué.” Cette tradition flamboyant­e, romantique, chancelant­e, sans chiqué reste entre de bonnes mains chez Warmdusche­r. Des mains très tatouées. On espère que ça les a aidés pour le speed-dating.

Album Whale City (Leaf Label/Differ-ant) Concert Le 1er juin à Nîmes (Festival This Is Not a Love Song)

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