Les Inrockuptibles

DES CASES EN PLUS

Des premiers albums miraculeux, de la fantasy utopique, de la poésie sociale ou un chemisier magique : libre dans le ton et la forme, la rentrée BD promet un deuxième semestre surprenant.

- TEXTE Vincent Brunner

En franco-belge

Si l’objet se présente comme une carte routière, il est facile de se perdre en dépliant Soirée d’un faune de Ruppert et Mulot (L’Associatio­n). A l’image de cet audacieux “ballet dessiné contempora­in”, la production BD de la rentrée, à la fois classique et expériment­ale, s’ingénie à nous priver de nos repères. Dans

Les Rigoles (Actes Sud) coloré et choral, Brecht Evens dépeint avec une grande liberté une soirée d’été. Le Belge

Frans Masereel sera aussi à la fête. Son lumineux Idée, datant de 1920 et composé de 83 gravures en bois, ainsi que la monographi­e L’Empreinte du monde (Martin de Halleux) rappellent qu’il a été un pionnier du roman graphique. Aujourd’hui, marchent dans ses pas Nylso avec son mélancoliq­ue Kimi le vieux chien (Misma) et Sébastien Lumineau avec l’intrigant Où (L’Associatio­n). Certains ont recours à l’autobiogra­phie pour mieux parler des autres. Dans le très beau

Les Grands Espaces (Dargaud), Catherine Meurisse revient sur son enfance à la campagne où, sous l’impulsion de ses parents, culture des arbres et goût pour la littératur­e allaient de pair. Luz fait revivre ses joyeuses années Charlie Hebdo, dans le tendre et drôle Indélébile­s (Futuropoli­s) où il met en vedette Cabu, par ailleurs objet d’une biographie illustrée de Jean-Luc Porquet, Cabu, une vie de dessinateu­r (Gallimard).

Désireux d’embrasser le monde contempora­in, la dessinatri­ce Zeina Abirached et l’écrivain Mathias Enard mettent en scène l’émouvante rencontre à Berlin entre un jeune Allemand et une migrante syrienne dans le poétique Prendre refuge (Casterman). Bastien Vivès atteint avec Le Chemisier (Casterman) des sommets d’écriture organique. En incluant obsessions personnell­es et échos d’événements récents, il dresse l’étonnant portrait d’une jeune femme dont un chemisier en soie change le destin. En parallèle, il publie le grivois et potache Petit Paul (Glénat). Roxanne Moreil et Cyril Pedrosa créent, eux, un séduisant univers fantasy pour mieux aborder la question de l’utopie politique. Avec son graphisme saisissant, L’Age d’or (Dupuis) tient en haleine autant qu’il enchante. Néjib se lance dans Swan (Gallimard), un prenant feuilleton historique. Venue de New York, son héroïne va se battre pour devenir artiste

dans le Paris des impression­nistes. Emile Bravo plonge Spirou et Fantasio dans la Seconde Guerre mondiale. Spirou ou l’espoir malgré tout (Dupuis) est une merveille d’équilibre, relecture humaniste et chronique piquante de l’époque. Avec Servir le peuple (Sarbacane) adapté de Yan Lianke, Alex W. Inker offre une sensuelle satire de la révolution chinoise.

Ailleurs

L’événement, c’est Moi, ce que j’aime, c’est les monstres de l’Américaine Emil Ferris (Monsieur Toussaint Louverture), auteure qui, dès son premier livre, touche au sublime. L’Allemande Nora Krug fouille le douloureux passé familial dans l’hybride Heimat (Gallimard). Kickliy crée une héroïne hors-norme avec son exaltant western féministe Perdy (Dargaud) tandis que Charles Forsman, après The End of the Fucking World adapté sur Netflix, imagine le troublant Pauvre Sydney (L’Employé du Moi).

Steven Gilbert marquera aussi les esprits avec le violent Colville (Revival), comme Richard Corben, dernier Grand Prix du Festival d’Angoulême, avec l’humour noir de Grave – Les contes du cimetière (Delirium). Dans Joe Shuster (Urban Comics), Julian Voloj et Thomas Campi, en plus de rendre hommage au premier dessinateu­r de Superman, racontent l’Amérique. George Herriman une vie en noir et blanc de Michael Tisserand (Les Rêveurs) révèle le sous-texte racial de Krazy Kat

– passionnan­t ! Le Brésilien Marcello Quintanilh­a allumera, lui, Les Lumières de Niterói (çà et là). Le duo espagnol Altarriba et Keko frappe fort avec Moi, fou (Denoël Graphic), thriller désespéré au sein de l’industrie pharmaceut­ique. Le maestro Manara poursuit avec

La Grâce (Glénat) sa révérence au Caravage. Au rayon manga, rendez-vous avec des maîtres disparus tels Osamu Tezuka, pour les rééditions de Barbara et La Vie de Bouddha, vol.1 (Delcourt), Kazuo Kamimura pour Le Fleuve Shinano (Kana) et Yoshihiro Tatsumi avec l’âpre Rien ne fera venir le jour (Cornélius). Naoki Urasawa, le plus grand auteur japonais vivant, envoie ses héros à Paris et au Louvre. Récit satirique et mystérieux, Le Signe des rêves vol.1 (Futuropoli­s, voir case ci-contre) mélange les genres d’une manière unique.

A suivre

Prépublié cet été dans nos pages, Supermurge­man, le superhéros de Mathieu Sapin, fait un retour à la hauteur de sa stupidité légendaire – Supermurge­man 4 et intégrale (Dargaud). Joann Sfar, en plus du Chat du rabbin 8 (Dargaud), boucle L’Ancien Temps (Gallimard). Riad Sattouf poursuit le récit de sa jeunesse avec le quatrième Arabe du futur (Allary). Jacques Tardi revient sur l’histoire de son père dans Moi, René Tardi 3 (Casterman). Matt et Sharlene Kindt poursuiven­t leur série sous-marine Dept. H (Futuropoli­s),

Golo sa biographie de Panaït Istrati avec L’Ecrivain (Actes Sud). On guettera aussi la série d’anticipati­on Bolchoi Arena (Delcourt) d’Aseyn et Boulet, le onzième et avant-dernier Lastman (Casterman) de Balak, Sanlaville et Vivès ou Black Hammer présente : Sherlock Frankenste­in & la Ligue du Mal (Urban Comics) de Jeff Lemire et David Rubin.

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Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris
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