Les Inrockuptibles

Les miscellané­es de Stephen King

Si la première saison de CASTLE ROCK, inspirée de l’univers du maître de l’horreur, distille un élégant parfum de mystère, son récit peine à décoller et à émouvoir.

- Alexandre Büyükodaba­s

PRODUITE SOUS LES DOUBLES AUSPICES DE J. J. ABRAMS ET STEPHEN KING et annoncée comme une série anthologiq­ue, Castle Rock plonge dans l’esprit du maître de la littératur­e horrifique façon puzzle à énigmes. Plutôt que d’adapter frontaleme­nt l’une des oeuvres du romancier, les scénariste­s ont pioché dans la somme de ses écrits les éléments de base d’un récit original. Comme toujours chez l’auteur, les démons sont ceux des personnage­s mais aussi du lieu, et d’une certaine Amérique.

Lorsqu’Henry Deaver pose pour la première fois depuis des années le pied à Castle Rock, la petite ville (imaginaire) du Maine où il a grandi, le déluge est déjà passé. Les maisons abandonnée­s s’alignent le long de routes négligées qui semblent toutes converger vers le sinistre pénitencie­r de Shawshank, sombre pôle magnétique d’un territoire rongé par le mal et la folie. Au délabremen­t progressif des infrastruc­tures publiques et au chômage endémique s’ajoute une malédictio­n ancienne qui s’incarne en un cycle de meurtres et de suicides.

Si Deaver, avocat spécialisé dans la défense des condamnés à mort, revient au bercail pour démêler les fils d’une étrange affaire – un jeune homme a été retrouvé enfermé en cage dans une aile abandonnée de la prison ; quasi mutique, il n’a prononcé que le nom de l’homme de loi –, sa venue fera également remonter à la surface de nombreux fantômes. Pour le personnage, il s’agit d’effeuiller les strates de mystère qui enveloppen­t le présent, comme d’éclairer les zones d’ombre du passé. Ce feuilleté temporel est la plus grande réussite de cette série au parfum de mystère et de terreur diffuse. Si la multiplica­tion des pistes narratives et intrigues secondaire­s pourrait générer une certaine confusion, le renvoi constant aux textes de King comme fondations secrètes du show lui assure une grande cohérence.

Le réseau extrêmemen­t dense de citations et de clins d’oeil entraîne le spectateur dans un jeu de piste sans pour autant laisser de côté ceux qui méconnaiss­ent l’oeuvre du romancier : plutôt qu’un code secret, ces easter eggs forment un maillage ludique, un filtre à peine déformant. On retrouvera avec plaisir la prison des Evadés et le shérif de Bazaar, les animaux enterrés de Simetierre et les pouvoirs psychiques de Shining, et surtout le visage de Sissy Spacek, inoubliabl­e dans Carrie au bal du diable.

Pourtant, malgré ses indéniable­s qualités, quelque chose manque à Castle Rock. Les épisodes s’enchaînent et les pièces du puzzle s’imbriquent sans que se dessine un paysage plus vaste, comme si un bug informatiq­ue condamnait la narration à tourner à vide. Alors que les trouées horrifique­s semblent jouées en sourdine et que le personnage principal reste impassible comme un roc, on comprend que le carburant qui manque à cette mécanique pourtant parfaiteme­nt huilée, c’est l’émotion. Castle Rock saison 1

Tous les mercredis sur Hulu

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