Les Inrockuptibles

INTERVIEWS SEXPRESS

Jehnny Beth et Johnny Hostile, Luc Bruyère, Félix Moati, Kevin Lambert et Asia Argento ont accepté de répondre à nos questions sur LEUR VISION DE L’ÉROTISME.

- “Avec les filles, c’est mieux !” TEXTE Carole Boinet et Bruno Deruisseau

L’érotisme selon Asia Argento, Jehnny Beth et Johnny Hostile, Kevin Lambert, Félix Moati et Luc Bruyère

L’actrice et réalisatri­ce évoque son image de sex-symbol et les rôles que cela lui a valus, la manière dont elle aime faire l’amour et sa bisexualit­é.

Comment va le sexe en 2020 ?

Asia Argento — Pas de sexe cette année, alors ça ne va pas très bien ! Je n’ai pas envie, je n’ai pas rencontré quelqu’un qui me plaît… Et puis moins tu le fais, moins tu veux le faire. Je ne me masturbe même pas. Ça a dû être difficile le confinemen­t pour les gens qui n’étaient pas en couple ou qui ne vivaient pas ensemble. Mais je pense aussi avec horreur au confinemen­t avec un amant. Je n’aime pas habiter avec mes amants. Je dois habiter seule. La vie en couple, c’est une horreur. Pendant le Covid, je n’imagine pas que des gens aient voulu s’échapper de la réalité grâce au sexe. Pour bien faire l’amour, il faut être relâché ! S’abandonner dans le corps, dans la tête.

Pourquoi est-ce une horreur d’habiter à deux ?

J’habite avec mes trois enfants. Amener un mec qui n’est pas leur père et qui va se révéler un cauchemar comme tous les hommes… non.

La première scène érotique que tu aies vue ?

Je voyais beaucoup les films de mon père (Dario Argento – ndlr), qui avaient quelque chose de sexy et de violent.

Quand j’étais petite, il y a ce film qui est sorti, Le Lagon bleu avec Brooke Shields, très jeune, et un mec. Ils habitaient une île sauvage. A un moment, ils se poursuiven­t dans l’eau, ils jouent et la caméra filme au fond de la mer et on voit la bite du jeune. Je me rappelle que ma nounou et ses copines faisaient des rewinds en riant ! Moi, j’étais bouleversé­e. Et aussi, en Italie, il y avait des émissions tard le soir où des filles enlevaient leurs brassières ou montraient leurs fesses… mes parents n’étaient pas souvent là donc je regardais aussi des soft porn. J’ai su très jeune beaucoup de choses à propos du sexe. Une icône érotique quand tu étais ado ?

Mike Tyson ! J’avais toutes ses photos autour de mon lit. C’était mon rêve. Je voulais être son amante. Je devais avoir 12-13 ans. Il était très beau, et j’adorais sa petite voix que je trouvais très sexy. Cette voix féminine avec son corps masculin. Vers 17 ans, j’ai commencé à faire de la boxe pour lui.

Et une incarnatio­n d’une féminité sexy ?

Ma mère avait un livre sur Marilyn Monroe avec des photos incroyable­s. J’ai dû le regarder mille fois. Je regardais tous les détails. Toutes ses nuances de blond, ses vêtements, la piscine, puis elle qui boit vers la fin… elle me semblait très libre sexuelleme­nt, à l’aise avec son corps. On sait maintenant que c’était une façon de survivre dans le cinéma et de se protéger. C’est un masque. J’ai vécu aussi le fait d’être un sex-symbol. On te demande de jouer ce jeu. Pour quelqu’un de mal à l’aise avec son corps comme je l’étais, c’était une façon de dépasser ma honte en jouant quelqu’un d’autre, très à l’aise. Une double personnali­té.

Tu sembles le regretter…

Non. C’est en moi. Je peux encore le faire maintenant. Ça m’a un peu éloignée de l’essence de ce que j’étais, la gamine. Ça m’a aidée à survivre dans ce milieu qui est un monde un peu… difficile.

Ça fait quoi d’être un sex-symbol ?

Parfois, des mecs me disent qu’ils se sont branlés sur telle ou telle photo de moi quand j’étais plus jeune. Ça, ça fait un peu bizarre ! Penser que des gens qui ne me connaissen­t pas se branlent sur des photos de moi… Je n’ai jamais fait ça.

Je ne regardais pas de photo d’Alain Delon en me disant “je vais baiser ce fasciste” !

“C’est comme un portail qui s’ouvre, les esprits peuvent sortir et rentrer. On est ensemble à ce moment si on jouit ensemble. C’est très sérieux là” ASIA ARGENTO

Tu ne fonctionne­s pas sur les images ?

Plutôt à partir de ce que j’invente, avec des gens qui n’existent pas ou quelqu’un que j’ai rencontré et avec qui j’ai déjà consommé l’acte. Là, je peux m’en inspirer. Qu’est-ce qui est sexy ? Quelqu’un qui est sensible, intelligen­t, car il amènera ça dans le rapport sexuel. La plupart des hommes ne savent pas faire l’amour. Pas comme ça me plaît à moi, c’est-à-dire quelque chose de gentil, sensuel, où l’on respire ensemble. Je n’aime pas qu’on prenne mon corps pour se branler. Ça m’est souvent arrivé de dire “arrête”, de m’asseoir et d’expliquer comment on fait l’amour. Je me suis souvent sentie très, très seule après des premières fois, quand on ne se connaît pas… Je dois donc imaginer quelque chose d’autre. Ou quelqu’un d’animal qui ait l’instinct, qui vive le moment…

Le sexe, ça s’apprend ?

Oui ! J’explique comment le corps bouge, etc. Mais il faut être ouvert !

Après, j’ai des copines qui aiment faire le lapin, mais moi non ! Quand j’étais jeune, je pensais être frigide. Je pouvais jouir seule, mais avec les mecs, les jeunes mecs, jamais. Et puis j’ai compris comment je devais gérer le corps masculin pour qu’il me donne du plaisir.

Ça ne t’a pas poussée vers les filles ?

Mais je suis bisexuelle depuis toujours ! Avec les filles, c’est mieux ! C’est plus simple. Les filles savent, elles. Comment se prépare-t-on à jouer une scène de sexe ?

Vodka !!! Deux, trois verres ! On a honte quelquefoi­s. On ne connaît pas l’autre, tout le monde regarde… ce n’est pas simple. Je l’ai souvent fait, mais c’est souvent embarrassa­nt. Pour oublier, j’ai toujours bu un peu de vodka, du cognac ou du whisky. On doit boire ! Une fois, j’étais vraiment dans la scène. Ça a duré très longtemps. Et après j’ai vu que le réalisateu­r avait fait un gros plan de ma chatte… Je n’ai pas aimé ça. J’étais là, bourrée, je bougeais n’importe comment avec l’acteur…

C’était dans quoi ?

Peu importe, un film de merde !

Une scène de sexe culte au cinéma ?

Love de Gaspar Noé, incroyable.

J’ai même dit à ma fille de le regarder.

Je le trouve extrêmemen­t romantique et très vrai. Sinon, une scène que j’ai réalisée moi-même dans Scarlet Diva. J’avais 23 ans. J’avais raconté à ce DJ que je connaissai­s que je voulais faire un film avec de vraies scènes d’amour. Il m’avait dit qu’il rêvait de faire du porno. Alors on a fait ce film où les scènes ne sont pas simulées, avec une actrice. Il n’y avait que moi et un caméraman. J’étais planquée derrière le sofa et je regardais le petit écran. Ça se voit même dans les pieds de l’actrice que c’est du vrai sexe ! Je ne l’aurais pas fait moi… trop puritaine. Le sexe exige-t-il du sérieux ?

Oui, au niveau spirituel. Surtout dans la jouissance… C’est comme un portail qui s’ouvre, les esprits peuvent sortir et rentrer. On est ensemble à ce moment si on jouit ensemble. C’est très sérieux là. C’est comme partir ensemble sur une

autre planète. On peut se perdre. Il faut partir et revenir ensemble. Faire confiance. Cela exige de l’amour ?

Seulement de l’amour ! Ce n’est pas possible pour moi de le faire sans amour. C’est dégueulass­e. Qu’est-ce que tu aimes ? Un corps ?

Ça t’a gonflée d’être un objet de désir ?

Ça fait genre trente-cinq ans que je suis dans le cinéma. Je comprends bien comment ça marche. C’est très difficile de sortir de cette cage, de ce cliché de toi-même. J’ai été une prostituée dans je ne sais combien de films : la prostituée lesbienne, celle qui fait un strip-tease, deux fois, celle qui est folle, la prostituée du roi, la prostituée d’époque, dans la rue, même dans mon film ! Toutes les prostituée­s ! C’est comme les Variations Goldberg, on n’arrive jamais à la perfection. Je suis la Glenn Gould de la prostituti­on (rires) !

Une scène de littératur­e sexy ?

Les poèmes érotiques d’Apollinair­e, ceux qu’il écrivait pendant la guerre pour Lou et Madeleine. Parce que c’est érotique et romantique. Pour eux, sexe et romantisme se mélangeaie­nt, c’est pour ça que c’était tellement puissant.

Tu es une grande romantique en fait.

Ça fait longtemps que je n’ai pas été amoureuse comme une gamine, que je n’ai pas pensé à l’objet du désir avec obsession… J’ai eu des relations, mais pas vraiment ardentes. Je ne veux pas être avec quelqu’un juste pour être avec quelqu’un. Quel est ton rapport au porno ?

J’aime bien le porno. Mais quand je cherche du porno, je cherche genre “couple romantique et amour sensuel”. Pas “bite géante avec trois putes blondes à gros seins”.

Une musique sexy ?

DAF ! La musique la plus sexy du monde. Brad Pitt ou Tom Cruise ?

Mais quelle horreur ! Je m’échapperai­s avec leurs femmes et elles seraient très contentes de s’échapper avec moi !

Ton mot préféré du sexe ?

Doucement.

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