CHRONOLOGIE DE L'ACTIVATION DE SEGWIT
modifier une des propriétés d’une transaction sans modifier son numéro de transaction » , ajoute Renaud Lifchitz. Le Segwit a été activé le 24 août dernier. Mais en parallèle de l’accord initial, un hard fork était également au programme afin d’augmenter la taille des blocs, de 1 à 2 Mo. Début 2017, la communauté s’est encore écharpée, car beaucoup n’ont pas adhéré à cette idée. C’est ce qui a donc donné lieu à Segwit2x, un nouvel accord stipulant l’activation de Segwit en plus de l’augmentation de la taille des blocs, mais qui n’est pas actuellement activé. Face à ce constat, la communauté s’est divisée et cela a abouti le 1er août à la création du Bitcoin Cash, une cybermonnaie dérivée du Bitcoin originel. Il y a donc aujourd’hui bel et bien deux monnaies Bitcoin distinctes : le Bitcoin ( Core) et le Bitcoin Cash. Actuellement, le Segwit2x rencontre une vive opposition dans la communauté. Ceci a été particulièrement remarqué lors de la conférence Breaking Bitcoin qui s’est déroulée à Paris les 9 et 10 septembre derniers. Nombre de participants arboraient des autocollants « No2x » , et des messages ont même été envoyés pendant les conférences ! Pourquoi une telle opposition à augmenter la taille des blocs ? Les réponses sont multiples. Elles sont d’ordre pratique tout d’abord, dans le sens où mettre à jour un système blockchain comme Bitcoin est complexe. « Cela revient à changer une roue tout en roulant » , résume Fabrice Drouin. Elle est aussi contestée car elle est issue d’une concertation entre plusieurs entités qui représentent une grosse partie du pouvoir du Bitcoin, lors de ce que l’on appelle l’accord de New York, de mai 2017. Il faut savoir qu’aujourd’hui, seuls 3 ou 4 gros mineurs contrôlent la majorité du Bitcoin ; ils sont principalement Chinois. Enfin, une autre raison est sécuritaire : augmenter la taille des blocs reviendrait à fragiliser la sécurité du protocole. « Plus de transactions en moins de temps, cela signifie fatalement une atténuation de la sécurité » , ajoute Renaud Lifchitz.
Dit Bitcoin, « c'est quand qu'on va où ? »
La fin de l’année 2017 ne s’annonce pas de tout repos pour Bitcoin et sa communauté. En effet, depuis la fin juillet environ, le très influent Jeff Garzik, PDG de Bloq, a pris officiellement position en faveur du Segwit2x. Il estime que pendant le mois de novembre 2017, soit environ 90 jours après l’activation du Segwit, « un bloc dont la taille est comprise entre 1 et 2 Mo sera généré par les mineurs de Bitcoin afin d’augmenter la capacité du réseau. Il est ainsi attendu que plus de 90 % de puissance de calcul du réseau Bitcoin poursuivra la chaîne commencée par ce grand bloc » . Jeff Garzik a pour lui, et derrière lui, le soutien de nombreuses entreprises. Mais étant donné l’opposition que rencontre le projet, il n’est pas certain qu’il voit le jour. À l’heure de l’écriture de ces lignes, un scénario est encore envisageable : une nouvelle séparation au sein de la communauté, qui pourrait aboutir à la création d’un troisième Bitcoin en plus des Bitcoin ( Core) et Bitcoin Cash ! Mais finalement, ces guerres internes ne sont pas toujours les plus intéressantes : les challenges techniques auxquels fait face le Bitcoin le sont d’autant plus, et pourraient être en mesure de faire passer la cybermonnaie de confidentielle à une alternative crédible. Concrètement, l’avènement des transactions hors chaîne ( ou « off chain » ) pourrait être un des éléments qui permettrait cette révolution en faisant du Bitcoin un moyen de paiement compétitif. « L’idée a été proposée par des chercheurs américains il y a deux ans : réaliser les transactions Bitcoin en dehors de la chaîne. Il s’agit d’utiliser ce qu’on appelle les transactions multi- signatures, des sortes de comptes joints. On crée les transactions sans les publier et ce n’est qu’une fois que toutes les opérations sont terminées qu’on les publie sur la chaîne » , explique Fabrice Drouin. C’est le concept de Lightning Network.
L’IDÉE DES TRANSACTIONS OFF CHAIN A ÉTÉ PROPOSÉE PAR DES CHERCHEURS AMÉRICAINS IL Y A DEUX ANS Fabrice Drouin directeur technique chez Acinq
Ce système suscite beaucoup d’intérêt dans la communauté car ses avantages sont simples : il permet d’éviter la saturation du réseau Bitcoin mais aussi d’autoriser les paiements instantanés et donc les micro- paiements. Pour faire concret : c’est ce qui permettrait de pouvoir payer tous les jours avec une carte bancaire en Bitcoin dans le magasin du coin… La bonne nouvelle étant que Segwit, validé depuis la fin août dernier, facilite la création de protocoles hors chaîne. En avril dernier, Acinq, dont Fabrice Drouin est directeur technique, a réalisé un test sur une autre cybermonnaie, Litecoin. Et tout a bien fonctionné. L’entreprise française, qui travaille sur l’implémentation et les standards de Lightning Network, s’apprête par ailleurs à proposer un portefeuille électronique ( wallet) mobile qui gérera à la fois Bitcoin et Lightning Network. La machine semble lancée pour persévérer dans cette voie et pourquoi pas, ouvrir le chemin aux micropaiements avec des cybermonnaies.
Big Bang : quand la Chine dit non
Tous ces éléments mis bout à bout, du Segwit aux problèmes communautaires en passant par la création du Bitcoin Cash et l’éventualité de Segwit2x, sont une partie de la réponse à notre question de départ. Mais un autre élément survenu début septembre explique aussi les énormes fluctuations de la cybermonnaie. Le 4 septembre, la banque centrale chinoise a décidé de bannir les ICO, ces moyens de lever de l’argent en faisant appel à la communauté mondiale des personnes qui disposent de cybermonnaies. Dans un communiqué, elle explique que par ce biais elle souhaite lutter contre la spéculation mais aussi contre ceux qui pourraient se livrer à des activités financières illégales « perturbant l’ordre économique et financier » . La mesure est très contraignante, d’autant plus qu’elle est rétroactive : les entreprises qui ont levé de l’argent via une ICO devront rembourser l’argent aux investisseurs. Celles qui ne coopèrent pas pourraient voir leur licence commerciale révoquée. Cette décision de la part de la Chine est très importante pour le monde de blockchain au sens large. D’autant plus que la SEC, le gendarme de la Bourse aux États- Unis, est lui aussi en train de regarder comment encadrer ces nouvelles pratiques qui commencent à faire de l’ombre aux services financiers traditionnels ; plus de 500 millions de dollars ont été levés par des ICO au premier semestre 2017. Reste une interrogation : la Chine est le pays qui héberge le plus d’entreprises spécialisées dans le minage, majoritairement de bitcoins. Selon plusieurs sources, le pays a même favorisé l’installation de ces entreprises en proposant une électricité à très bas coût – le « minage » est extrêmement consommateur en ressources énergétiques. Cette décision de freiner un business en plein essor peut donc sembler paradoxale. ❍