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Amélie Nothomb: « Personne n’est obligé d’aimer »

- Propos recueillis par Baptiste Liger

Avec l’histoire d’une petite fille jalousée par sa génitrice qui va trouver une mère spirituell­e en la personne d’une professeur­e de cardiologi­e, Amélie Nothomb signe l’un de ses meilleurs romans. Poignant, cruel et formidable­ment maîtrisé dans l’écriture et la narration. Retour sur les sources et la gestation de Frappe-toi

le coeur avec son auteure. D’où vous est venue l’idée de Frappe-toi le coeur?

> Amélie Nothomb: J’avais 10 ans quand, à l’école, j’ai fait la connaissan­ce dans ma classe d’une fillette qui disait que sa mère ne l’aimait pas et, pire, était même jalouse d’elle. Je n’arrivais pas à concevoir pareille situation, car ma mère, elle, m’aimait beaucoup. Mais je me suis aperçue qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé. J’ai alors compris que je n’étais pas si différente car, à force de demander de l’affection à ma mère, celle-ci a fini par dire un jour, excédée, que personne n’est obligé d’aimer à ce point. Rien ne la forçait. Et que, parfois, être aimé devait se mériter.

Pourquoi avoir situé l’action de votre roman dans la France des années 1970 à 2000?

> A.N.: C’est une époque que j’ai connue et, dès lors, c’était plus facile pour moi. Aussi, je crois que, jusqu’en 1975 environ, nous étions encore dans un temps où l’on ne vivait pas dans le culte de l’enfant chéri. Mon héroïne, Diane, a eu la malchance de naître trois ans trop tôt… Et si Frappe-toi le coeur se déroule sur toutes ces années, c’est pour montrer tout le cheminemen­t de celle-ci. Aussi, cela permettait de mettre en écho l’histoire de Diane avec la douleur d’une autre fille, dans la deuxième moitié du livre…

A quel moment avez-vous trouvé ce titre?

>

A.N. : En cours d’écriture, je suis tombée sur cette célèbre phrase de Musset. Et je me suis soudain dit : « Ne cherche plus, tu le tiens, c’est ton titre. » Tout était contenu dans celui-ci.

L’écriture, très épurée, semble très différente de nombre de vos autres romans. Vous êtes-vous imposé ce ton dès l’entame de la rédaction de Frappe-

toi le coeur?

> A.N. : Oui, c’est un sujet qui demandait une certaine humilité. Je me devais aussi de ne pas me laisser déborder par les émotions et, dès lors, il me fallait réduire au minimum les effets de langue. Sinon, mon histoire ne pouvait pas marcher.

Comment avez-vous opté pour cette narration, très elliptique, où l’on passe très rapidement d’une année à une autre?

> A. N. : Vous savez, c’est le quatre- vingtsepti­ème roman que j’écris et, au fil du temps, j’ai appris qu’il fallait se séparer de tout ce qui n’était pas nécessaire. Dès qu’on voit qu’une scène ou une explicatio­n n’est pas indispensa­ble, il faut la supprimer.

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