La vice-présidente
Les derniers secrets d’un couple de pouvoir
Poids lourd incontournable du gouvernement Valls, l’ex-compagne du chef de l’Etat est l’un de ses derniers atouts en vue de la présidentielle de 2017. La complicité du couple HollandeRoyal s’est reconstituée, et la ministre de l’Ecologie est redevenue omniprésente
Jusqu’au bout, il a hésité. Son entourage lui avait déconseillé cette sortie. Mais elle a fini par le convaincre de venir célébrer l’événement à ses côtés: donner, à Rochefort, le départ de la frégate « l’Hermione », la réplique du fameux bateau du marquis de La Fayette, parti, deux siècles auparavant, soutenir les indépendantistes américains et leur chef, le général Washington. Ce samedi 18 avril, aux côtés du président, Ségolène Royal est rayonnante. Sur le pont du navire, devant quarante mille personnes amassées sur les quais, elle apparaît sereine, apaisée. François et Ségolène sont sur un bateau… Trois ans après son échec cinglant de La Rochelle, elle revient sur les lieux du crime, là où elle a failli être anéantie. Ségolène Royal, la miraculée, est à nouveau aux premières loges. Oubliés le tweet vengeur de Valérie Trierweiler, les petites trahisons, les désillusions, les ambitions en berne, la dépression. Elle avait alors tout perdu, son poste de député, qui devait la conduire à la présidence de l’Assemblée nationale, puis son fief régional. La reine était à terre. Blessée mais pas tuée. Aujourd’hui, elle reprend la place qu’elle estime lui revenir: le devant de la scène. Mieux: elle est un des piliers du gouvernement de Manuel Valls. Et peut-être même plus, tant François Hollande apparaît de plus en plus isolé et affaibli par une popularité désespérément en berne. A l’Elysée, on ne cache pas qu’elle est un « poids lourd politique », indispensable, incontournable. Intouchable? Le président la consulte de plus en plus. Oui, elle a une ligne directe avec lui. Oui, ils ont de nombreux et réguliers tête-à-tête, sans en référer à Matignon. Oui, elle agace de nombreux ministres, qui ont du mal à accepter son statut privilégié. Elle est celle qui parle à l’oreille du président. Elle dit souvent autour d’elle : « Je suis sa vigie. »
Dans son bureau du ministère de l’Ecologie, boulevard Saint-Germain, Ségolène Royal sourit avec gourmandise en entendant les échos qui reviennent de l’autre rive de la Seine. Son retour en grâce après sa traversée du désert? « Il n’a pas été simple, croyez-moi, confie-t-elle. De nombreux ministres ne voulaient pas de moi, sous prétexte que j’allais réintroduire un aspect people dans le gouvernement Valls. Il y a eu de gros barrages. Toujours les mêmes… » Que redoutaient les opposants au « come-back de la reine mère » ? Que les affaires de famille polluent à nouveau la fin du mandat du président. « Je suis avant tout une femme politique qui a une légitimité, une histoire marquée par de douloureux combats, revendique-t-elle. Pour ceux qui voudraient l’oublier, j’ai été candidate à l’élection présidentielle de 2007. Et la première femme à être présente au second tour. » De ces années de batailles, elle porte des cicatrices, des blessures, mais aussi des victoires qui la rendent incontournable. Ségolène Royal en dérange certains ? « Je ne
nommerai personne, pouffe-t-elle sur un petit ton de
revanche. Ce que je peux dire, c’est que Manuel Valls, lui, a été favorable à ma participation à son gouvernement. » Ce qu’elle ne peut pas dire ? La farouche guérilla contre elle menée par un quarteron d’irréductibles, les antiSégolène viscéraux, Aquilino Morelle, Arnaud Montebourg, Claude Bartolone, Jean-Marc Ayrault et Laurent Fabius. Tous voyaient dans cet attelage au sommet de l’Etat un petit côté « monarchie décadente », selon la formule de l’un d’eux. « Tout cela est ridicule, rétorque Ségolène Royal en haussant les épaules. Nous sommes en 2015, en France, pays des droits de l’homme et de la femme… pas à Versailles sous Louis XIV. » Certes, mais comment ne pas se laisser embarquer par le roma-
nesque de la situation? Cette réhabilitation de la madone du Poitou, après deux années de purgatoire, n’était pas forcément prévue au programme de l’hôte de l’Elysée. Le « président normal » prenant comme numéro trois du gouvernement Valls la mère de ses quatre enfants! Pas simple.
LES CLINTON À L’ÉLYSÉE ?
Qui aurait osé écrire pareil scénario ? Sûrement pas la presse anglo-saxonne, qui ausculte, fascinée et soufflée, cet incroyable équipage politico-affectif où tout se mêle, famille, pouvoir, sentiments. « Ségolène » propulsée dans un rôle de vice-présidente. Les Clinton à l’Elysée? « Au conseil des ministres, raconte un membre
du gouvernement, elle est souvent assise à sa droite. Il suffit de les observer un peu pour comprendre qu’ils n’ont besoin que d’un clignement de paupières pour savoir ce que pense l’autre. Certains ministres ont du mal à s’habituer à cette… comment dire… particularité de la situation. » Une antienne revient en boucle : leur complicité crève l’écran. Certains osent lâcher que « le chef de
l’Etat lui passe tout », qu’il la « surprotège », comme pour se faire pardonner les errements passés. Celui-ci répète souvent, au cours des réunions, à propos des thèmes de campagne de son ex-compagne en 2007, l’ordre juste, la défense du drapeau tricolore ou la démocratie participative, que « Ségolène avait raison ». Surprise des ministres. A l’époque, François Hollande jugeait ces mots d’ordre fantaisistes, voire loufoques. Le président en pleine repentance? Pour couper court à toute critique de favoritisme dont pourrait bénéficier la « vice-présidente », le message de François Hollande, relayé par son entourage, est simple : Ségolène Royal n’est pas une Mme deMaintenon moderne. Elle est une femme politique d’expérience. Son CV la rend plus que légitime. Ancienne ministre de François Mitterrand, ancienne candidate à la présidence de la République, ancienne présidente d’une grande région. Sa compétence dans le domaine de l’écologie est incontestable. N’était-elle pas déjà, en 1992, alors qu’elle était enceinte de sa fille Flora, présente au sommet de Rio, première grand-messe internationale en faveur du développement durable ? Ségolène, pionnière de l’écologie moderne…
Les grincheux qui chercheraient à la transformer en reine mère de retour au palais auraient tout faux. « Ces
deux-là ont un lien politique insécable, soutient l’avocat Jean-Pierre Mignard, ami des deux et parrain des deux garçons de l’ex-couple. Hormis les enfants, rien, pour eux, n’est au-dessus de la politique. C’est leur ADN. Bien sûr, ils se connaissent par coeur. Ils ont traversé tant d’épreuves ensemble. Paradoxalement, même les tsunamis intimes ont fini par les voir se rapprocher. » Explication : « Quand on rembobine le film de leur histoire, confie un proche de la ministre de l’Ecologie, il faut savoir que l’affaire du tweet de Trierweiler, le 12 juin 2012, a favorisé leur rapprochement. Le soir même,