Noureev s’enfuit
CONFESSIONS INÉDITES, PAR RUDOLF NOUREEV, ARTHAUD, 178 P., 19,90 EUROS.
Rudolf Noureev ne fut jamais un grand chorégraphe. Mais le danseur possédait le génie du théâtre. C’est ce goût de la mise en scène qui l’a poussé à écrire son autobiographie alors qu’il n’avait que 24 ans. Elle commence par son envol vers la liberté, pour les Occidentaux, ou sa désertion, pour les Soviétiques. En réalité, sa seconde naissance. Cet événement eut un écho planétaire. On imagine mal, aujourd’hui, ce que représenta la demande d’asile faite par Noureev à la France à l’aéroport du Bourget, le 16 juin 1961, alors que des commissaires du peuple avaient ordre de le reconduire en Union soviétique. La défection de l’artiste trahissait la réalité du monde carcéral communiste. Dans ce que Noureev livre de sa vie d’avant (avec prudence, car sa famille et ses amis étaient retenus au sein du système), tout montre combien l’individu était écrasé au profit du collectif, combien cet homme au caractère indépendant ne pouvait qu’être broyé par une idéologie mortifère. Pour bien connaître la vie de Noureev (photo, 1962), il faut lire la biographie d’Ariane Dollfus, qui signe la remarquable préface de ces « Confessions », publiées en Grande-Bretagne en 1962 – elles ne couvrent donc que la moitié d’une épopée glorieuse, capricieuse et solitaire. Mais c’est là qu’on comprendra ce que fut ce Tatar de culture musulmane et pourquoi cette âme forte, qui se serait étiolée dans un système totalitaire, était vouée à fuir pour devenir un danseur mythique.