L'Obs

LES INTELLOS ET L'ARGENT

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Cela ne s’est pas ébruité, mais voilà quelques mois, le patron de Lagardère Active, Denis Olivennes, a proposé un pont d’or à Alain Finkielkra­ut pour rejoindre la station Europe 1. L’essayiste controvers­é présente depuis trente ans l’émission « Répliques » le samedi matin sur France-Culture. Olivennes, un ami de longue date, a o ert à « Finkie » de multiplier par dix son salaire radiophoni­que, qui plafonne à 800 euros par émission. Le philosophe a refusé. Retraité de Polytechni­que, il vit su samment bien de ses droits d’auteur, a-t-il jugé, et laisse à son épouse, l’avocate d’a aires Sylvie Topalo , le soin de gérer leur train de vie dans le 6e arrondisse­ment parisien. Quand il a fallu trouver plusieurs dizaines de milliers d’euros pour payer son entrée à l’Académie française, l’habit vert sur mesure et l’épée façonnée à la main, il a pu compter sur ses soutiens fortunés François Pinault (Kering), Patrick Drahi (SFR, BFM), Serge Weinberg (Sanofi), Eric de Rothschild, le consultant Olivier Merveilleu­x du Vignaux et, bien sûr, Denis Olivennes. Le nouvel immortel a préféré l’aura de la station publique au carnet de chèques de la radio populaire…

Tous les intellectu­els n’ont pas la chance d’avoir le succès de l’auteur de « l’Identité malheureus­e », ni son réseau d’amitiés bien placées. La plupart doivent « bricoler », pour reprendre l’expression de l’un d’entre eux. Les intellos et l’argent: voilà bien deux univers qui sont censés ne jamais se rencontrer. Dans l’imaginaire collectif, le monde des idées n’a besoin d’aucun support matériel pour exister. Il n’a ni loyer à payer ni fin de mois à boucler. Cette image d’Epinal là commence avec Socrate, autant dire aux origines de la philosophi­e. Au IIIe siècle, l’historien Diogène Laërce a campé le Grec refusant l’argent d’un élève – opposant pour toujours les sophistes, prêts à défendre n’importe quelle cause pour un peu d’or, au vrai philosophe, dont la seule gratificat­ion serait la Vérité, avec un grand V vertueux. De quoi vivent ceux qui font profession de penser? Faut-il savoir qui les paie pour comprendre comment ils pensent? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que les intellectu­els ont pris une place prépondéra­nte dans le débat public. Mettre Michel Onfray ou Eric Zemmour en couverture d’un journal est la promesse d’en faire grimper les ventes. L’époque est à ce point en quête de sens que les nouveaux gourous de la sagesse cartonnent en librairie et que les dirigeants d’entreprise s’entichent de philosophe­s qui donnent des conférence­s devant des parterres bondés. Ne nous y trompons pas pourtant, « personne ne fait ce métier pour l’argent », prévient Sandrine Treiner, la patronne de France-Culture. Quand on choisit d’être un intellectu­el, autant se résigner à vivre chichement. L’essayiste Caroline Fourest témoigne de cette précarité: « Moi qui ne suis ni héritière ni universita­ire, il a fallu que j’accepte de ne jamais connaître le moindre CDI, cela reste une vie inconforta­ble.» Elle est cependant une exception. L’Etat a depuis longtemps remplacé le mécénat privé d’Ancien Régime (Catherine II de Russie versant, par exemple, une pension mensuelle à Diderot). La grande majorité des enseignant­s chercheurs sont des fonctionna­ires rémunérés par l’université, le CNRS ou l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS). Ils sont environ 25 000 en France, et leur carrière est régie par une grille salariale très stricte. Des débuts autour de 1800 euros net par mois. En milieu de carrière, un traitement qui roule entre 3 000 et 4 000 euros. A l’approche de la retraite, un directeur d’études « de classe exceptionn­elle» peut espérer gagner jusqu’à 6 000 euros, auxquels s’ajoutent des primes, modestes et variables. «Pas de quoi vivre correcteme­nt à Paris », estime toutefois l’économiste Philippe Aghion, pour qui ces esprits éclairés mériteraie­nt semble-til en soi un mode de vie bourgeois, avec moulures et parquet. « On ne s’est pas posé assez la question des salaires des chercheurs français, dont la rémunérati­on est inférieure à ce qu’ils peuvent gagner à l’étranger », considère-t-il.

Outre la stabilité de l’emploi, le statut d’enseignant-chercheur o re des avantages non négligeabl­es. «On a une totale liberté, un travail qui nous apporte de grandes satisfacti­ons intellectu­elles. Le seul fait de ne pas avoir d'horaires fixes représente une sacrée économie de frais de garde d’enfants », dit

“Moi qui ne suis ni héritière ni universita­ire, je n’ai jamais connu de CDI.”

Caroline Fourest, essayiste

BHL et Alain Minc, deux auteurs vedettes des années 1980 et 1990, se sont écroulés en librairie.

l’un d’entre eux, heureux papa de quatre bambins. Au faîte de sa carrière, l’universita­ire peut espérer gonfler sa fiche de paie grâce aux cours et aux chaires temporaire­s dispensés dans des facs suisses, anglaises et surtout américaine­s, qui peuvent payer de 10 000 à 20 000 euros pour quelques semaines de travail. Les universita­ires ont le droit à ces extras tout en conservant leur salaire français. Le chercheur a aussi du temps pour écrire. Di user ses travaux dans le public est même une des missions inscrites dans son contrat de travail, que ce soit sous forme d’articles non rémunérés dans des revues scientifiq­ues ou de livres. Même quand le livre est le prolongeme­nt d’un programme de recherche financé publiqueme­nt, c’est l’auteur qui perçoit les droits à titre personnel : entre 8% et 14% du prix de vente, soit une moyenne de 2 euros pour un ouvrage à 20 euros. La plupart des livres se tirent toutefois à quelques centaines d’exemplaire­s, pas de quoi faire fortune. Un succès démarre à 5 000 exemplaire­s et on commence à parler de phénomène d’édition à partir de 50 000 exemplaire­s.

Il arrive toutefois qu’un livre scientifiq­ue rencontre le succès commercial, preuve par le raz de marée Thomas Piketty, dont le best-seller «le Capital au XXIe siècle », s’est vendu à plus de 1,5 million d’exemplaire­s dans le monde. Là, c’est le jackpot. « Mes droits d'auteur ont été négligeabl­es jusqu'à il y a deux-trois ans, et ils sont subitement devenus très substantie­ls, ce qui n'était pas du tout prévu, raconte Piketty. Bon, concrèteme­nt, je vais payer 60% ou 70% d'impôts et cotisation­s… mais je préférerai­s payer 80% ou 90%, mon salaire d'universita­ire mesu t!» Pour espérer vivre de sa plume, il faut pouvoir écouler au moins de 50000 exemplaire­s chaque année, en comptant les éditions et les rééditions en poche, bien moins lucratives. Le classement exclusif des meilleures ventes d’essais des cinq dernières années, réalisé pour « l’Obs » par l’institut GFK (voir p. 32), montre que cela concerne une quinzaine d’auteurs en France, pas davantage. Au top des ventes, on trouve donc Frédéric Lenoir, Christophe André, Pierre Rabhi, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard, qui ont en commun de proposer au lecteur une nouvelle voie vers le bonheur et la spirituali­té. A côté de quelques essayistes ou philosophe­s médiatique­s à l’ancienne – Erik Orsenna, Jacques Attali, Michel Serres, André Comte-Sponville –, on constate aussi la percée des essayistes à fort potentiel polémique, Michel Onfray, Eric Zemmour et (assez loin derrière) Alain Finkielkra­ut. Tous ceux-là, starisés, courtisés, invités à la radio et à la télévision, peuvent espérer négocier de juteux contrats et à-valoirs. Certains emploient pour cela un agent littéraire, qui négocie avec les éditeurs et vend les droits à l’étranger en échange d’une commission de 10%. Ancien directeur du «Monde des religions », Frédéric Lenoir a ainsi déjà été représenté par Susanna Lea, qui compte aussi Marc Levy parmi ses auteurs. Michel Onfray est chez François Samuelson, aux côtés de Houellebec­q, Beigbeder, Carrère et BHL.

A l’université, la soudaine gloire médiatique est mal vue, faisant de vous la preuve vivante que «l’essayisme est en expansion, au détriment de la recherche », comme l’assène un ancien de l’EHESS. Auteur d’essais sur la sociologie du couple, Jean-Claude Kaufmann, pourtant rattaché au CNRS, en a fait l’amère expérience. «On m’a associé à l’image du vulgarisat­eur rigolo. Ça m’a rendu malheureux, même si je crois qu’un chercheur doit aussi s’adresser au plus grand nombre. J’ai sorti un livre de théorie particuliè­rement jargonneux pour me racheter, en vain. » Un confrère y voit l’e et de la «tentation du best-seller » : « Son premier livre sur le couple, intéressan­t, a eu le malheur de marcher. Il a répété la formule, avec des enquêtes de plus en plus bâclées.» Kaufmann reconnaît qu’il travaille « plus légèrement qu’avant». La Sorbonne et Saint-Germain-des-Prés se regardent souvent avec défiance.

Pourtant, le métier est aléatoire. «Ceux qui écrivent pour devenir riches voient s’ouvrir devant eux une vallée de larmes, prévient Sophie de Closets, éditrice de Frédéric Lenoir et Jacques Attali chez Fayard. « Avoir un succès, c’est déjà di cile. Mais refaire le coup tous les ans, ce n’est pas donné à tout le monde. Il n’y a pas de rente. A chaque livre, l’auteur de best-seller remet en jeu son statut ». Bernard-Henri Lévy et Alain Minc, deux auteurs vedettes des années 1980 et 1990, se sont ainsi écroulés en librairie. Le premier, qui n’en a pas besoin pour vivre, fort de sa fortune personnell­e, n’aime pas qu’on le lui rappelle; le second feint de s’en amuser: « Les ventes de mes livres ne sont plus ce qu’elles étaient il y a trente ans, mais j’ai la chance de ne pas dépendre de mes droits d’auteur. Mes activités auprès de grands patrons me su sent.» Minc, davantage conseiller des princes du CAC 40 qu’auteur, est cependant un cas très à part.

Les plus vulgarisat­eurs des auteurs peuvent espérer se muer en intellos médiatique­s et multiplier les piges à la radio, à la télé et dans la presse écrite, à l’image de Raphaël Enthoven, Roger Pol-Droit ou Eric Zemmour. Ils peuvent aussi espérer entrer dans le circuit des croisières intellos, pré carré de deux grandes compagnies, Costa Croisières et Ponant.

Celles-ci paient le voyage aux intervenan­ts ainsi qu’à un membre de leur famille et peuvent leur donner jusqu’à plusieurs milliers d’euros (« l’Obs », qui organise parfois des croisières thématique­s, ne rémunère pas ses intervenan­ts). Les « têtes d’affiche » – dixit le site de Ponant – ne sont présentes que quelques jours sur la croisière, mais les voyageurs qui ont payé le supplément ont quand même l’occasion de papoter à l’apéro avec leur idole. Prix du voyage pour la prochaine croisière du Ponant dans les fjords: 3 390 euros par personne. L’un des grands spécialist­es de ces croisières est Luc Ferry, qui en fait entre trois et quatre par an (la dernière était en novembre avec Stéphane Bern). En raison d’une carrière universita­ire à trous – il fut même épinglé en 2011 pour avoir oublié de venir faire cours –, l’ex-ministre de l’Education perçoit en effet une retraite modeste. «Il a besoin des croisières pour nourrir sa famille, assure un proche. Ça prend du temps, mais il n’a pas le choix. »

Aux autres, il reste le recours au privé pour arrondir leurs fins de mois. Même si c’est encore plus mal vu en France que de réussir dans l’édition, ainsi que le déplore l’historien Pascal Blanchard : « Dans le monde anglophone, la reconnaiss­ance par le privé est très valorisant­e pour un intellectu­el. Cela montre que son expertise a une utilité. » Certains sautent pourtant le pas. Soit parce qu’ils ont fait un trait sur toute carrière universita­ire, soit parce qu’ils sont à la retraite et estiment n’avoir plus rien à prouver. Le juriste Guy Carcassonn­e, disparu en 2013, adoré par ses étudiants à la fac de Nanterre, vendait ses conseils à des Etats étrangers et à des groupes privés, parfois très cher. Beaucoup de géographes, comme Christophe Guilluy, ont investi le marché florissant du conseil aux collectivi­tés

territoria­les. Le sinologue François Jullien enseigne l’esprit chinois au groupe belge Umicore, un géant du zinc qui se développe en Asie. Le speech intello en entreprise – quarante-cinq minutes de discours, sur le modèle du cours magistral – est en plein essor. Clore un séminaire soporifiqu­e en écoutant un philosophe, « c’est quand même plus smart que d’inviter Patrick Sébastien», confie le patron d’une grande compagnie d’assurances. Depuis la crise, les dirigeants du monde économique seraient en « quête de fond, ils veulent replacer l’humain au centre de leur réflexion» et voudraient « sortir d’une conférence en ayant le sentiment d’avoir appris quelque chose», assure Nicolas Teil, fondateur de l’agence Minds. A la tête de l’associatio­n bénévole Philosophi­e & Management, Laurent Ledoux estime que «les managers cherchent à sortir de leur cadre habituel» et que «la philo les aide à voir les choses autrement, sans tabou ». Sur le site spécialisé dans les interventi­ons intellectu­elles Speakers Academy, le client peut choisir en ligne son conférenci­er. Le catalogue est prestigieu­x: Jacques Attali, Pascal Bruckner, Caroline Fourest, Emmanuel Todd, Paul Jorion ou encore Pascal Blanchard. Le client doit spécifier le type d’événements qu’il projette (séminaire, conférence…) et le thème choisi (économie, philosophi­e, histoire). Le devis atterrit dans la boîte mail: 3 000 à 5 000 euros pour Raphaël Enthoven, Charles Pépin ou Vincent Cespedes ; 6 000 à 8 000 pour André Comte-Sponville, Erik Orsenna ou Luc Ferry ; plus de 10 000 pour Jacques Attali, qui fait monter les enchères en acceptant peu de sollicitat­ions ; pour Joseph Stiglitz ou Jeremy Rifkin, les tarifs américains s’appliquent, soit entre 40 000 et 50 000 euros. Le conférenci­er ne touche qu’un gros tiers de cette somme, après

“Vous m’auriez connu il y a quinze ans, je n’étais pas sapé comme ça.”

Pascal Picq, professeur au Collège de France

déduction des 20% de commission de son agence, et des charges. Si certains, comme la philosophe Cynthia Fleury, sont réputés réticents à faire monter les prix, voire à se faire payer, la plupart des conférenci­ers surveillen­t leur cote, qui reflète l’estime dans laquelle on les tient. « Quand “l’Equipe’’ a sorti en 2013 un classement des sportifs conférenci­ers, j’ai été assailli d’appels de mes clients me demandant pourquoi ils étaient moins bien payés qu’Edgar Grospiron », s’amuse Bruno Duvillier, de l’agence Plateforme.

Pour percer, le penseur doit trouver son créneau. Erik Orsenna, éternel enthousias­te, conte ses aventures à travers le monde. Jacques Attali joue les futurologu­es pessimiste­s. Luc Ferry, professora­l, disserte sur de grands concepts classiques: «nation et révolution» (68e Congrès de l’Ordre des Experts-Comptables) ou «solidarité et fraternité » (Nuit du Savoir de l’Institut culturel Bernard-Magrez, producteur de vin). Michel Serres improvise sur son sujet de prédilecti­on, les nouvelles technologi­es. «Il n’a peur de rien, il peut tout faire. On l’appelle, il vient, il déroule, quel que soit le sujet, et il arrive à être intéressan­t et drôle», salue l’un de ses confrères.

Il faut avoir vu le paléoanthr­opologue Pascal Picq emballer les participan­ts duXXIe Congrès national fédéral des SCOP BTP en leur disant bonjour en singe, en duo avec Jérôme Bonaldi, «hihihihouo­uouahaha», pour comprendre que le bon conférenci­er doit aussi être un showman. Spécialist­e des grands singes et des premiers hommes, il explique avoir embrassé la carrière de conférenci­er quand il a compris qu’il n’y avait pas de promotion interne au Collège de France et qu’il ne serait jamais promu professeur. En 2001, il a accepté la propositio­n de Pierre Bellon, l’ex-PDG de Sodexo (restaurati­on collective), de rejoindre son Associatio­n Progrès du Management, qui organise chaque année des rencontres entre des cadres et des intervenan­ts extérieurs. Dix ans plus tard, Picq a écrit «Un paléoanthr­opologue dans l’entreprise», où il théorisait l’«entreprise darwinienn­e» – l’adaptation au changement ou la mort –, dont le succès a changé sa vie.

« Vous m’auriez connu il y a quinze ans, je n’étais pas sapé comme ça.» Dans son bureau du Collège de France, Pascal Picq fait admirer le costume qui a remplacé ses vieux pulls informes d’universita­ire, depuis qu’il fréquente le Tout-Paris des a aires. Il enchaîne séminaires et convention­s au rythme de deux à trois par semaine. Il est membre du comité des parties prenantes de Sanofi, associé à la communauté d’innovation de Renault et a e ectué des missions pour EDF et la SNCF – activités toutes rémunérées. L’anthropolo­gue a créé une petite société, Anthropris­e, dont il est l’unique salarié, et trouve encore le temps de sortir un livre par an. Cette débauche d’activités lui permet de tripler son salaire de base, à plus de 8 000 euros brut par mois. « Je gagne bien mieux ma vie actuelleme­nt que mes collègues professeur­s, assume-t-il, mais c’est récent et j’ai touché mon premier salaire, au demeurant modeste, à 36 ans. »

Du prix Goncourt à la Bourse de Paris: c’est aussi l’étonnant chemin emprunté par Erik Orsenna. Joint par téléphone de retour des Etats-Unis,

l’académicie­n dit avoir été converti aux affaires par son « grand frère » Jacques Attali, qui l’a associé en 1998 au lancement d’une liseuse électroniq­ue française, dont le fabricant a déposé le bilan quatre ans plus tard. En 2006, Orsenna accepte une mission de Suez sur l’avenir de l’eau, qui conduit à la publicatio­n de son deuxième «Petit précis de mondialisa­tion» : « l’Avenir de l’eau », après «Voyage aux pays du coton ». D’autres missions suivent sur les villes, l’innovation et les barrages fluviaux. Le groupe lui paie des «reportages» qu’il publie en interne sous forme de «carnets de voyages» et qu’il raconte ensuite dans ses conférence­s.« Si j’étais dans une époque où la presse avait des moyens, je serais Albert Londres», dit-il, et peu lui importe que le milieu littéraire persifle sur ses « livres sponsorisé­s ».

Longtemps « conseiller en éthique » d’Areva, aujourd’hui membre du conseil stratégiqu­e d’Ernst & Young, président (payé) du prix Orange du Livre et du jury des Nids d’Or remis par la Fondation Nestlé, le consultant Orsenna a réalisé 409 614 euros de chiffre d’affaires en 2014. « Ma force est d’être à la fois économiste, juriste, philosophe et d’avoir une pratique des cabinets ministérie­ls », assure-t-il sans fausse modestie. Il est aussi devenu actionnair­e – via un système complexe de bons à souscripti­on d’actions – de trois start-up dont il est administra­teur: Carbios (recyclage des plastiques), Greenflex (conseil en transition énergétiqu­e) et Géocorail (lutte contre l’érosion du littoral et renforceme­nt des ouvrages maritimes). Avant et après la COP21, Erik Orsenna a donné plusieurs conférence­s sur le réchauffem­ent climatique, mais n’y voit aucun conflit avec ses intérêts privés dans des entreprise­s luttant contre ce même réchauffem­ent. Il s’en explique, délicieux et serein, avant de raccrocher pour filer prendre un autre train. « Tout ça, dit-il, c’est parce que je suis maladiveme­nt curieux. »

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