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Haut-Karabagh, le « jardin noir » du Caucase

- ANAÏS COIGNAC JULIEN PEBREL/MYOP

Enfoncée dans son fauteuil usé, Gohar, 19 ans, a vécu des jours d’angoisse, happée par le petit écran de télévision qui crachait à intervalle régulier les nouvelles des soldats sur le front. Quelques jours plus tôt, l’armée du Nagorno-Karabagh est passée chercher des renforts, comme partout dans ce pays qui porte le nom de « jardin noir montagneux » en russe, en turc et en persan. Aram, son mari, a dû partir. Juste avant la naissance de leur premier enfant. C’était peu après la nuit du 1er au 2 avril 2016 et le début de la guerre des Quatre-Jours entre l’Azerbaïdja­n et le Haut-Karabagh, un Etat non reconnu dont le précédent revendique le territoire. Cette région peuplée d’Arméniens, qui vit sous perfusion de l’Arménie limitrophe, tente de se développer, d’obtenir la reconnaiss­ance de son indépendan­ce et d’assurer sa survie face à la puissance militaire de son voisin enrichi par le pétrole.

En 1994, les Arméniens du Haut-Karabagh s’étaient libérés de la tutelle de l’Azerbaïdja­n au terme d’une guerre de six ans qui avait fait 30 000 morts et plus d’un million de réfugiés. Depuis 2010, les tensions avaient redoublé d’intensité autour de la ligne de contact, où plusieurs dizaines de soldats étaient tués chaque année. Cependant, à l’intérieur du HautKaraba­gh, on vivait en paix. Dans des logements souvent précaires, des villages aux routes cahoteuses, au milieu de ruines, mais en paix, entouré de montagnes puissantes et orgueilleu­ses, encouragé par l’essor des infrastruc­tures en partie financées par la diaspora arménienne.

Le 5 avril dernier, la guerre des Quatre-Jours s’est achevée par un cessez-le-feu, laissant des villages exsangues à la frontière. Bilan o ciel : une centaine de morts de chaque côté, dont, au Haut-Karabagh, un enfant fauché dans la cour de son école et des soldats dont les corps ont été rendus décapités ; des dizaines de blessés de part et d’autre. Et une population désormais sur le qui-vive.

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 ??  ?? 14 avril 2016. Dans la grande église de Chouchi, deuxième ville du pays, les habitants se sont rassemblés autour du président Bako Sahakian, du catholicos (patriarche) du Haut-Karabagh et de celui d’Arménie, à l’occasion d’une messe pour la paix.
14 avril 2016. Dans la grande église de Chouchi, deuxième ville du pays, les habitants se sont rassemblés autour du président Bako Sahakian, du catholicos (patriarche) du Haut-Karabagh et de celui d’Arménie, à l’occasion d’une messe pour la paix.
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 ??  ?? Eté 2010. Mariage à Hak, bourgade reculée du Haut-Karabagh. La grand-mère de Silva, la mariée, se repose après la fête. La jeune femme vient de partir s’installer chez sa belle-famille, comme le veut la tradition.
Eté 2010. Mariage à Hak, bourgade reculée du Haut-Karabagh. La grand-mère de Silva, la mariée, se repose après la fête. La jeune femme vient de partir s’installer chez sa belle-famille, comme le veut la tradition.

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