De la saucisse à B.-H. Lévy
Où l’on voit qu’il faut se méfier des imitations
C’est d’Allemagne que vient l’alerte, nul ne s’en étonnera. Le ministre de l’Agriculture y dénonce un abus que nombre de ses compatriotes réprouvent et, pour l’occasion, de même que nous nous sentions anarchiste allemand en 1968 lorsque Daniel Cohn-Bendit fut interdit de séjour en France, nous nous sentons gastronome allemand devant les saucisses véganes. Disons-le, répétons-le : une saucisse, il y a de la viande dedans. Si pas de viande, pas de saucisse. Déjà que vous imitez l’aspect, trouvez un autre nom, enjoint le ministre Christian Schmidt aux producteurs allemands de nourriture pour végétariens, saucisse végane est une tromperie sur la marchandise. Il laisse prévoir une interdiction, souhaitons que l’Union européenne le suive, l’entrée en 2017 est déjà peu réjouissante, tous les pires sont à craindre, que celui-là nous soit épargné.
Saucisse pour végétariens, les mots n’ont plus de sens. Ils ne désignent plus les choses dont ils parlent. Ni les gens. Cette caissière, dans un hypermarché Auchan, qui a fait une fausse couche sur son siège, derrière sa caisse, parce qu’on lui refusait l’autorisation de se lever. Quand elle a passé outre, il était inondé de sang. Les pompiers ont retrouvé le foetus dans la cuvette des cabinets où elle était allée se réfugier. La direction de l’hypermarché, par un communiqué, s’explique. La caissière s’y voit désignée « hôtesse de caisse ». Comme si une caissière, dans ce type de magasins, faisait jamais o ce d’hôtesse. De même que plus haut pour la saucisse, dès l’appellation on vous trompe. Pas besoin de lire le communiqué de justification pour savoir qu’il raconte n’importe quoi.
Ces n’importe quoi qui font qu’on ne peut accorder la moindre confiance aux dépêches sur les guerres d’Irak et de Syrie. A propos de la coalition (dont nous) : « Un raid de l’aviation a tué 36 djihadistes. » A propos d’un raid de l’aviation turque : « 36 civils ont été tués. » L’aviation russe bombarde : « 36 victimes dont une majorité de femmes et d’enfants. » Qu’est-ce qui nous attend, en face de Poutine et de Trump, à la tête de la République française ? Espérons qu’après avoir poussé à la guerre contre la Libye de Kadhafi, avec les catastrophes qui se sont ensuivies, M. B.-H. Lévy, qui accède à tant d’oreilles puissantes, n’accédera pas à l’oreille du futur président. Ses déclamations, à l’instar des nouvelles d’Irak et de Syrie, ont perdu leur crédit auprès du public mais sa péroraison, qui n’a pas été remarquée, dans une tribune du « Monde », méritait une attention que nous lui accorderons. C’était le 17 décembre dernier, après la reprise d’Alep par Bachar al-Assad avec l’appui de Poutine : « Nous sommes les contemporains de cette hécatombe et, comme face aux hurlements sortis, hier, des camps de la mort, peu, très peu, ont le courage d’appeler à faire la guerre à la guerre et à bombarder les bombardiers. » En clair, dans cette pensée confuse : guerre à la Russie. B.-H. Lévy ? Tous aux abris.
Il n’y a pas que de faux écrivains. Un vrai vient de mourir. Michel Déon. Chacun y va de ses meilleurs livres. « Je vous écris d’Italie » est rarement cité. En cette période d’étrennes, on ne peut faire un cadeau à tout le monde, o rons ce conseil de lecture. Sous le titre « Un diable dans le bénitier », Gabriel Matzne publie un recueil de chroniques récentes qui sera en librairie à partir du 18 janvier (Stock, 390 p., 20,50 euros). Il n’y a plus que lui pour parler de diable. Et de bénitier. En connaissez-vous beaucoup qui vous parlent de Valère Maxime ? Matzne est de ceux-là. Il en lâche de belles. Des vertes. Et des mûres. Sa naïveté, sa liberté. Sa drôlerie. Un style qui n’est pas de caricature comme celui du boutefeu dont on parle plus haut, réformé psy lorsque le temps fut venu qu’il accomplisse son service militaire.
Une saucisse, il y a de la viande dedans.