Fishbach débarque
“À TA MERCI”, PAR FISHBACH (ENTREPRISE).
A 25 ans, elle fait une entrée remarquée, fracassante même, sur la scène française – où on s’ennuyait comme devant un feu de bois éteint. Heureusement la voilà, s’élançant « comme une guerrière dans la mêlée ». La curiosité pop du moment s’appelle Fishbach. Auteur, compositeur, elle déboule avec une guitare, ses claviers, un charisme certain, une silhouette toute fine et un regard clair, de ceux qui vous électrisent à votre corps défendant. Elle débarque surtout avec un premier album, « A ta merci », dont les sons électro pourraient lasser, à la longue, si une voix bourrée de charme, de mystères et de promesses ne s’en échappait. C’est cette voix envoûtante qui, chanson après chanson, réussit à séduire même quand on croit en avoir fait le tour. Pourtant, sur ses morceaux hypnotiques qui invitent à une transe sous psychotropes, la ravissante Fishbach nous annonce le pire. Jusque dans les chansons d’amour, son album est comme un monochrome sombre. « Si tu broies du noir, je veux bien me faire broyer », lance-t-elle en ouverture dans « Ma Voie lactée ». Juste après, elle « déclare le carnage » au son d’une ballade qui parle d’une romance floue, par écrans interposés. L’occasion rêvée d’envoyer, à la manière d’une Françoise Hardy qui aurait lâché l’affaire : « Vos paroles, vos mots doux, je m’en fous. » Mais il y a pire que ses amours foireuses, il y a toute une humanité sidérée qui s’apprête à basculer dans le vide, dans « Invisible dégradation de l’univers ». Ici, partout, la mort s’invite. Dans « On me dit tu », Fishbach se met dans la peau de l’invisible Faucheuse, histoire de rappeler aux étourdis : « Vous passerez tous à la trappe. » Quand elle annonce « le Meilleur de la fête », on se doute qu’il y a un loup, on flippe et on a raison puisque la chanson suggère le suicide. Cette jeune Ardéchoise a quitté ses plaines et ses forêts pour nous balancer ses pensées violentes et ses musiques entêtantes. Tout un monde où il fait nuit, où tout explose, qui effraye et fascine à la fois.