L'Obs

Cherchez la mère !

PAR SABINE MELCHIOR-BONNET, ODILE JACOB, 370 P., 24,90 EUROS.

- LAURENT LEMIRE

LES GRANDS HOMMES ET LEUR MÈRE,

« Tu aurais mieux fait d’être prêtre. » Alors que Staline avait déjà éliminé une partie de sa famille (on est en 1935), Ekaterina ne mâche pas ses mots à son fils qui se prend pour le tsar. Cette réplique traduit bien la teneur du livre de Sabine Melchior-Bonnet. Une mère n’est pas toujours responsabl­e de ce que deviendra son fils. Dans ces destins revisités sous l’angle des relations mères-fils, on trouve des contre-exemples, comme Agrippine, celle de Néron, mais la légende a fini par prendre le pas sur les faits. De l’Antiquité à Martin Luther King, dont la mère, Alberta Williams, fut assassinée six ans après son fils, cette femme qui lui répétait « il ne faut jamais te laisser à penser que tu es moins que quiconque », l’historienn­e du Collège de France déroule le fil qui unit les grands hommes à leur génitrice et s’interroge sur cette évolution dans leur vie publique. Elégance du style, prudence de l’analyse, justesse dans le propos, tout fait de ce livre un plaisir de lecture et un motif d’interrogat­ion sur la représenta­tion de la figure maternelle. Bien sûr, Klara Hitler n’est pas comptable des crimes commis par Adolf ! En revanche, la nounou de Churchill a compensé l’amour d’une maman absente. Quant à Louis XIII, il a cherché par tous les moyens à se débarrasse­r de l’encombrant­e Marie de Médicis sans faire comme Néron avec Agrippine. C’est Monique qui fit d’Augustin un saint alors qu’il ne voulait que s’amuser, mais c’est aussi Mme de Sévigné qui effaça son fils, Charles, au profit de sa fille, Françoise. Les exemples sont nombreux et contradict­oires. « Celui de mes enfants que j’aime le plus, c’est, vous le savez, celui qui souffre le plus », dira Letizia Bonaparte. Tout le monde a compris. Mais les fils ne saisissent pas toujours ce qui se passe avec leur mère. Sartre, alias Poulou, fut un enfant couvé par la fameuse Anne-Marie, qui lui achetait encore ses chaussures alors qu’il était au faîte de sa célébrité. Après la publicatio­n des « Mots », elle lâchera : « Il n’a rien compris à son enfance. »

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