Chromo pour être vrai
LOVING, PAR JEFF NICHOLS. DRAME HISTORIQUE AMÉRICAIN, AVEC JOEL EDGERTON, RUTH NEGGA, MARTON CSOKAS (2H03).
On aime le cinéma de Jeff Nichols (« Mud », « Take Shelter ») mais, depuis « Midnight Special », l’autocomplaisance gagne. Son nouveau film retrace l’histoire de Mildred et Richard Loving (Ruth Negga et Joel Edgerton), le premier couple interracial à s’être marié aux EtatsUnis dans les années 1950, ce qui fit d’eux des hors-la-loi dans leur Etat d’origine, la Virginie, où il était inconcevable qu’une Noire et un Blanc s’adressent la parole. On sait gré au cinéaste de contourner l’écueil du film « Dossiers de l’écran », d’aborder le sujet avec retenue et classicisme, et sans lâcher ses obsessions – c’est une fois de plus l’histoire d’une famille menacée par l’extérieur. Nichols filme le quotidien des Loving comme un éden terrestre – lui, ouvrier charpentier, et elle, couturière, parfaitement intégrés au sein de leurs familles respectives. Un paradis soudain brisé par le racisme qui forge la société américaine. L’attachement de Nichols aux valeurs simples et terriennes de l’Americana déborde de chaque plan. La seule chose qui l’intéresse, c’est la pureté rousseauiste de ce couple souillée par un ordre social absurde. Un idéal qu’à l’exception de quelques instants de grâce il fige dans un catalogue lénifiant d’images d’Epinal et de chromos taiseux où les non-dits finissent par ne plus dire grand-chose.