L'Obs

Une si brave côte

Un homme revient sur les plages catalanes où il a passé les vacances de sa jeunesse. Avec Eric Neuhoff, c’est plaisir garanti

- FRANÇOIS FORESTIER

COSTA BRAVA, PAR ÉRIC NEUHOFF, ALBIN MICHEL, 300 P., 19,60 EUROS.

En ce temps-là, les familles allaient passer des vacances sur la côte espagnole. Espadrille­s, musique de « West Side Story », gin tonic, 33-tours, sable chaud et, pour le narrateur, premiers émois. Les années passent, on retourne bien plus tard sur les lieux, rien n’a changé et tout a changé. Enthousias­mant roman ! Eric Neuho , la meilleure plume du « Figaro », tricote la saga des sixties, sur cette Brave Côte où les mois d’été poussaient les aoûtiens. Il se promène dans un passé, somme toute, proche, mais déjà aussi éloigné que le pliocène. Sommes-nous lors de l’été de « Loco » ou de « I’m Not in Love » ? Et les amours se succèdent – avec des trucs de magicien tocard. Ainsi, pour faire durer le plaisir, la rumeur veut qu’on pense à des chi res, à l’époque les magazines l’a rment. Notre héros se remémore donc le numéro de la plaque d’immatricul­ation de la 4L familiale, en pleine fantasia ! ça ne marche pas, cet exorcisme de la libido. Mais l’été suivant, et l’été suivant, et l’été de « Porque te vas », ça va mieux. Et puis vient le temps des bilans, à l’âge dit adulte : que sont-ils devenus, les copains de la Costa Brava ? Et les filles si désirées ? On les retrouve sur des vieilles photos, on fait remonter des souvenirs lors des dimanches de solitude, on sait désormais que les vacances se terminent toujours trop vite, et que la vie change de couleur. Lire du Neuho , c’est un plaisir semblable à ce repas extravagan­t au restaurant El Bulli, décrit par l’auteur : chaque plat est chic, chaque phrase a une saveur particuliè­re, et une singulière poésie passe entre les mots. C’est gai, c’est triste, c’est nostalgiqu­e, et ça coule de source, comme du Sagan électrique. L’auteur de « la Petite Française » renouvelle le genre du roman d’apprentiss­age, avec ironie et une feinte nonchalanc­e. Mais ce n’est que superficie­llement qu’il est superficie­l : en sourdine, la petite musique du coeur se fait entendre.

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