L'Obs

Billy Wilder, toujours drôle

LA GARÇONNIÈR­E, D’APRÈS BILLY WILDER ET I.A.L. DIAMOND. THÉÂTRE DE PARIS, PARIS-9e. 01-48-74-25-37.

- JACQUES NERSON

Encore un film porté au théâtre ? Quand il s’agit d’un tel chef-d’oeuvre, qui s’en plaindrait ? C’est d’ailleurs un retour à l’envoyeur puisque Wilder pensait d’abord écrire « la Garçonnièr­e » (« The Apartment », 1960) sous forme de pièce. S’il a au bout du compte préféré le cinéma, c’est qu’il ne voyait pas comment évoquer sur scène le gigantisme déshumanis­ant des immeubles de bureaux new-yorkais au temps d’Eisenhower. Cette difficulté, le metteur en scène José Paul et le décorateur Edouard Laug en triomphent en associant avec une virtuosité époustoufl­ante une tournette, des projection­s vidéo et des ombres chinoises. Si bien que le spectacle atteint la même fluidité que le film. Rappelons le scénario dans ses grandes lignes. Modeste employé d’une compagnie d’assurances, Baxter prête souvent son appartemen­t de célibatair­e à ses collègues mariés qui y abritent leurs amourettes clandestin­es. En échange, ils promettent de parler au big boss en sa faveur. Mais son avancement va surtout s’accélérer quand ce dernier, M. Sheldrake, lui demandera la clé à son tour. Baxter s’élève alors dans l’immeuble et la hiérarchie. Jusqu’au jour où il découvre que la maîtresse de Sheldrake n’est autre que la liftière qui le dépose chaque jour à l’étage, Fran, dont il est amoureux. Or il sait que Sheldrake, malgré ses serments, n’a aucune intention de divorcer… Là où Wilder et son complice Diamond (à qui l’on doit le génial « Nobody’s perfect ! » de « Certains l’aiment chaud ») se montrent malins, c’est qu’ils ne moralisent pas. Pas un mot sur la veulerie et l’arrivisme de Baxter. Ils laissent parler les faits. A la fin, la goutte d’eau fait toute seule déborder le vase… Shirley MacLaine et Jack Lemmon étaient Fran et Baxter à l’écran. Claire Keim et Guillaume de Tonquédec (photo) prennent ici la relève, entourés d’excellents comédiens, comme Jean-Pierre Lorit, qui campe sans vulgarité le patron cynique. Tous laissent transparaî­tre derrière l’humour de Wilder l’inconsolab­le nostalgie du juif viennois exilé d’une des capitales les plus évoluées de la terre pour se confronter au matérialis­me satisfait des Nord-Américains.

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