L'Obs

UN PARTENARIA­T PUBLIC-PRIVÉ GAGNANT

Pour l’aménagemen­t de leur territoire, les collectivi­tés locales travaillen­t de concert avec les promoteurs, misant sur la mixité sociale et fonctionne­lle, l’innovation et la performanc­e énergétiqu­e

- Par COLETTE SABARLY

La création d’une ligne à grande vitesse (LGV), d’une desserte TGV, mais aussi d’une ligne de tramway, de même que le déplacemen­t d’un hôpital, d’une gare ou d’une caserne sont autant d’occasions, pour les collectivi­tés locales, de repenser l’aménagemen­t de leur territoire. On le voit en région parisienne avec de grands projets comme les Docks à SaintOuen, le Carrefour Pleyel à Saint-Denis, le Fort d’Aubervilli­ers, les Groues à Nanterre ou encore les Ardoines à Vitry. De même dans les grandes capitales régionales comme Lyon avec Confluence, Bordeaux avec Euratlanti­que, Nantes avec l’Ile de Nantes ou encore Rennes avec EuroRennes. Point commun ? Des enjeux forts en termes de mixité sociale, fonctionne­lle et environnem­entale. On y trouve à la fois des logements (sociaux, intermédia­ires, libres…), des bureaux, des commerces et des équipement­s, les uns et les autres étant plus ou moins dosés selon les atouts et faiblesses du territoire concerné. Dans bien des cas, l’aménagemen­t permet aussi de faire un vrai travail de couture urbaine entre les quartiers. Le temps où l’on pouvait aligner des immeubles un peu n’importe comment n’a plus cours. Aucun maire n’imagine aujourd’hui l’urbanisati­on d’une friche industriel­le sans une réflexion poussée de ses retombées au plan économique, social et environnem­ental. Plus question de lotissemen­ts pavillonna­ires qui grignotent les espaces naturels ou agricoles ; place à la densificat­ion et aux logements collectifs, voire aux tours, et à la mixité. Au final, même si cela peut déplaire, tout le monde doit y gagner: la planète, les élus, qui dépensent moins en équipement­s, et les usagers qui profitent d’un habitat performant et innovant. Pour les acquéreurs, c’est aussi l’opportunit­é d’acheter un logement qui pourra mieux se revendre, avec une plus-value à la clé.

Recoudre le tissu urbain, un véritable défi

Et les promoteurs, de plus en plus impliqués dans l’aménagemen­t des grands projets, n’y sont sans doute pas tout à fait étrangers, même si les élus restent évidemment les décideurs. « A la base, nous achetions les charges foncières pour construire, désormais nous épaulons les maires très en amont dans leurs projets », note Olivier Bokobza, directeur général du pôle résidentie­l de BNP Paribas Immobilier. Même son de cloche chez Nexity : « L’aménagemen­t est un sujet complexe et lourd à porter pour une collectivi­té, d’autant qu’il peut mettre de six à huit ans avant d’être opérationn­el », indique Jean-Luc Poidevin, PDG de Villes & Projets. L’aspect financier n’est pas le seul élément. « Les aménageurs privés savent appréhende­r des sujets complexes », explique Nicolas Gravit, directeur d’Eiffage Aménagemen­t, qui vient de remporter la concession d’un écoquartie­r à Châtenay-Malabry.

Dans certains secteurs, remailler le tissu urbain est un véritable défi. Sur Coeur de Quartier, à Nanterre, la feuille de route était de construire un vrai quartier de gare mais aussi d’y raccrocher le secteur des Provinces françaises. « La réponse apportée par UrbanEra (Bouygues Immobilier) va favoriser le brassage entre les population­s et les salariés, la rencontre et l’échange », note le maire de Nanterre, Patrick Jarry. Si les acquéreurs peuvent avoir le sentiment de jouer les pionniers sur des opérations qui ont vocation à s’étaler sur cinq ou dix ans, les aménageurs privés apportent des solutions. A Sevran, Altarea Cogedim, qui a entamé un projet d’envergure sur les anciens terrains Westinghou­se, au pied de la ligne T4 (reliée plus tard à la future gare du Grand Paris SevranLivr­y), l’a scindé en trois phases successive­s. « Dès la première, les habitants auront ainsi une vraie vie de quartier », prévoit Philippe Jossé, directeur général de Cogedim.

L’écoconstru­ction au coeur des enjeux

Outre des volumes sans recoin ni perte de place, les logements neufs mettent aussi l’accent sur la performanc­e énergétiqu­e, a minima conforme à la réglementa­tion RT 2012 (50 kWh/m2/an au maximum). Mais nombre de projets vont au-delà. « Sur Coeur de Quartier, à Nanterre, nos bureaux seront à énergie positive (Bepos) et nos logements, passifs. Ces derniers ne consommero­nt que 15 kWh/m2/an », confie Emmanuel Desmaizièr­es, directeur général d’UrbanEra. Sur la ZAC Aragon de Villejuif, le promoteur Promo Gerim va plus loin. « Les logements consommero­nt 40 % de moins que la RT 2012 », observe Yves Jouitteau, président du groupe. Autre exemple, à La Teste-de-Buch, « un système de chauffage innovant, réutilisan­t l’eau chaude issue de l’extraction du pétrole exploité à proximité pour chauffer les logements et fournir l’eau chaude sanitaire, permettra de couvrir 80 % des besoins, le complément étant assuré par la fourniture de biogaz issu de la méthanisat­ion », indique Patrice Pichet, PDG du groupe du même nom. Ecoquartie­rs ou non, ces projets explorent aussi de nouvelles pistes, comme les espaces partagés. « Dans le quartier des Batignolle­s à Paris, des terrasses ou des buanderies deviennent des parties communes. Une notion de partage qui a du sens même pour les parkings », estime Emmanuel Launiau, président d’Ogic, qui prône également la réversibil­ité des logements, c’est-àdire leur adaptation à d’autres usages, et mène une opération en ce sens à Confluence, à Lyon. Quant aux espaces publics, ils font la part belle à la végétation, aux circulatio­ns douces et aux jardins partagés, à l’image des jardins ouvriers d’autrefois.

Répondre aux besoins de toutes les génération­s

Dans les projets d’aménagemen­t, les élus locaux sont non seulement friands de logements pour ménages modestes, moyens ou plus à l’aise, mais aussi de résidences services, pour étudiants, seniors ou encore pour le tourisme d’affaires. « Les élus apprécient de proposer une offre aux jeunes universita­ires pour donner de l’animation à leurs quartiers », explique Yves Jouitteau. Les collectivi­tés locales sont également très attentives à répondre aux besoins des seniors qui, avec une durée de vie qui ne cesse de s’allonger, sont immenses. La résidence pour seniors est une des solutions. « Nous en avons déjà ouvert une soixantain­e un peu partout en France, aussi bien dans des villes moyennes que des métropoles, que nous gérons nous-mêmes et qui offrent des taux d’occupation de 90 à 98 %, explique Frédéric Walther. C’est une bonne réponse pour les seniors valides en quête de conviviali­té et de sécurité, et une bonne opportunit­é pour les investisse­urs, qui obtiennent des rendements de 3,9 % à 4,2 % net. »

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Le quartier des Docks, à Saint-Ouen.

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