L'Obs

GOUSH, LE CARREFOUR LE PLUS DANGEREUX DE CISJORDANI­E

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Le « carrefour du Goush » était la preuve qu’un espoir était permis, vous répétaient les optimistes. Sur ce vaste rond-point qui commande l’accès au bloc de colonies du Goush Etsion, juifs et Palestinie­ns se croisaient pacifiquem­ent. Il y a six ans, Rami Levy n’avait-il d’ailleurs pas tenu à engager un personnel strictemen­t mixte pour le supermarch­é qu’il venait d’ouvrir à cet endroit ? Mais, depuis le début de la dernière vague de violence à l’automne 2015, le carrefour est devenu l’un des points les plus dangereux de Cisjordani­e. Postés par deux aux arrêts de bus, devant lesquels on a installé des plots destinés à stopper les voitures béliers, de très jeunes soldats attendent le prochain attentat palestinie­n : treize y ont été commis au cours des deux dernières années, dont le plus récent il y a deux mois. « Le danger fait partie de nos vies, nous y sommes habitués », prévient Haggai Segal, qui dirige « Makor Rishon », le grand quotidien de la droite religieuse, et lui-même habitant d’une implantati­on. Si l’on prend l’une des routes qui part du carrefour du Goush, on arrive chez Michal Froman, 33 ans et cinq enfants. En janvier 2016, enceinte de quatre mois, alors qu’elle venait d’être poignardée par un adolescent palestinie­n, elle avait surpris ses compatriot­es en demandant que l’on ne juge pas tout un peuple à l’aune de son assaillant. Un discours d’apaisement fidèle à l’enseigneme­nt de feu son beau-père, Menachem Froman, un rabbin célèbre pour ses tentatives d’établir un dialogue entre juifs et musulmans dans la région. Devenue l’icône paradoxale des partisans d’une solution à deux Etats, celle qui refuse pourtant d’imaginer l’abandon de la souveraine­té juive sur la région explique : « Les Palestinie­ns et nous devons nous libérer de notre peur réciproque. C’est elle qui nous dresse les uns contre les autres. » En attendant, l’enseigne Supersal, qui a récemment installé une grande surface juste en face de celle de Rami Levy, n’a pas souhaité imiter son concurrent : pas d’employés arabes, ça inquiète les clients.

 ??  ?? Enceinte de sa fille Shaked Ahava, ici dans ses bras, Michal Froman, qui vit à Goush, avait été poignardée par un jeune Palestinie­n. Elle a pardonné, dit-elle.
Enceinte de sa fille Shaked Ahava, ici dans ses bras, Michal Froman, qui vit à Goush, avait été poignardée par un jeune Palestinie­n. Elle a pardonné, dit-elle.

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