L'Obs

La France a la frite

En pleine tendance “healthy”, la cote de popularité de la frite ne se dément pourtant pas. Mais à une condition: qu’elle soit préparée dans les règles de l’art

- Par CHRISTEL BRION

Double ration de frites. » C’est ce qu’a proposé, sans rire, Nicolas Sarkozy pendant la primaire pour contourner les repas de substituti­on (sans porc) dans les cantines. Gageons, si la propositio­n n’avait pas été si déplacée, qu’elle aurait eu du succès. La dernière étude du cabinet Gira Conseil sur les modes de consommati­on alimentair­e hors domicile vient de révéler que la frite signe son grand retour. « Aujourd’hui, deux assiettes sur trois sont servies avec des frites, c’était une sur deux il y a dix ans », remarque Bernard Boutboul, le spécialist­e du secteur.

Croustilla­nte et pourtant moelleuse, elle a tout pour plaire, mais « les Français ne la font pas à la maison », poursuit l’expert. Voilà pourquoi, avec le bond spectacula­ire du burger dont elle est l’accompagne­ment idéal, la frite est plébiscité­e au restaurant.

Si la Belgique et la France s’en disputent la paternité, on n’en a toujours pas trouvé l’origine. N’en déplaise à Roland Barthes pour qui la frite était « un signe alimentair­e de la francité » (« Mythologie­s »), les Belges ont, de leur côté, milité pour inscrire la leur au patrimoine mondial de l’Unesco.

Elle serait née vers 1750 dans la région de Namur, où, la rivière étant gelée un hiver, les fritures de poissons ont été remplacées par des morceaux de pommes de terre. Côté français, on met en avant les « pommes Pont-Neuf » rissolées des marchands ambulants pendant la Révolution française. Quoi qu’il en soit, la frite a fait du chemin, « elle est devenue plus qualitativ­e, avec le retour des frites fraîches (non surgelées) et de la double cuisson », précise Bernard Boutboul. Car c’est là qu’est le secret pour qu’une frite soit dorée, moelleuse dedans, croquante dehors : il faut la cuire, puis la frire, en deux temps. C’est ce qu’explique, non sans une certaine cruauté, le Belge Pierre-Brice Lebrun, auteur d’un traité de la frite pour lequel il a suivi une formation de frituriste (profession­nel de la frite) : « La première cuisson surprend la frite, la seconde la terrorise. » Et de conclure : « Un bon frituriste doit donc avoir un coeur de pierre. »

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