L'Obs

Exposition David Hockney : « Je ne suis pas Turner ! »

Une grande EXPOSITION retrace la carrière du plus TURBULENT des peintres britanniqu­es. Devant l’un de ses chefs-d’oeuvre, le pape du POP ART anglais nous a livré ses secrets

- Par BERNARD GÉNIÈS

Quand la rétrospect­ive de David Hockney a ouvert ses portes à la Tate Modern de Londres en février, la Première ministre n’a pas fait le déplacemen­t. Rien de très surprenant de la part de Theresa May. En novembre, quand cette même expo sera présentée au Metropolit­an Museum à New York, David Hockney sait déjà que Donald Trump ne viendra pas non plus promener son toupet blond et laqué devant ses tableaux. Mais à Paris, seconde étape de cet événement itinérant, le peintre anglais a connu une surprise. L’installati­on de son exposition venait à peine d’être achevée quand il a appris que le président de la République et son épouse souhaitaie­nt la découvrir en avant-première. « Au début de la visite, j’étais un peu nerveux, je ne suis pas habitué à rencontrer des chefs d’Etat. J’ai été vite rassuré. M. Macron parle très bien anglais – ce qui me convient ! – et il s’est montré très attentif et curieux. Il m’a posé plein de questions sur mon travail, ma technique. » A-t-il montré une préférence pour certains tableaux ? Par exemple pour les légendaire­s piscines californie­nnes et leurs beaux garçons hâlés ? Ou pour les grandes vues des canyons de l’Ouest américain ? Hockney botte en touche, affirmant que le président a eu l’air de tout apprécier. Brigitte Macron est allée plus loin, laissant entendre qu’elle échangerai­t volontiers le tableau de Hubert Robert (artiste français du xviiie siècle surnommé « le peintre des ruines ») qui est accroché dans son bureau à l’Elysée contre un paysage américain des années 1990, de David Hockney.

Avec une telle entrée en matière, le peintre britanniqu­e pouvait déjà savourer son triomphe parisien. A 80 ans (depuis ce 3 juillet), il a toujours une allure pop : casquette blanche, chemise immaculée avec un liséré violet sur le col et les poignets, cardigan vert pâle et pantalon clair. Derrière ses lunettes, les yeux sont vifs comme des furets. C’est à peine si l’on remarque l’appareil auditif dont il est équipé depuis maintenant plusieurs années. « Il me permet d’avoir des conversati­ons seulement dans des lieux tranquille­s. Quand il y a trop de monde, je ne supporte pas, tout devient inaudible. Je ne peux plus aller au restaurant ou dans les soirées. De toute façon, je préfère me coucher tôt : à 21h30, que je sois en Angleterre ou en Californie, je suis au lit ! Le matin, je me

lève tôt et je me mets presque aussitôt au travail. Toute ma vie, depuis mon adolescenc­e, je n’ai fait que ça : peindre et dessiner. » L’air enjoué, il ajoute : « Et je n’ai pas l’intention de laisser tomber ! »

DU POLAROID AU DESSIN SUR IPAD

Notre rencontre a lieu au coeur de l’exposition, face à l’une de ses plus grandes compositio­ns : un ensemble de cinquante toiles, long de 12 mètres. Ce paysage campagnard, dominé par un massif d’arbres orange et feu aux branches nues, porte un double titre, en anglais et en français (« Bigger Trees Near Warter or/ou Peinture sur le motif pour le nouvel âge post-photograph­ique »). Facétieux, Hockney fait remarquer que, le tableau étant accroché au ras du sol, « on pourrait presque se baisser pour cueillir les fleurs du premier plan ». Il raconte avoir récemment travaillé d’arrache-pied à l’édition de son « sumo » (un ouvrage monumental consacré à son oeuvre) que viennent de publier les éditons Taschen (1), allant jusqu’à refaire dix-neuf fois la maquette. Il s’échine aussi pour la reine d’Angleterre puisqu’il va réaliser un vitrail pour l’abbaye de Westminste­r, une commande liée au 65e anniversai­re du règne de la souveraine britanniqu­e. Amusé, il raconte encore qu’il a peint l’un des derniers tableaux de sa rétrospect­ive parisienne (« Birth, copulation, death ») le 10 mai dernier, juste à temps pour le faire accrocher à côté de deux autres toiles achevées au mois d’avril, « Intérieur et extérieur avec des fleurs » et une « Annonciati­on 2 », d’après Fra Angelico.

Peindre et dessiner en 2017 ? David Hockney n’en a pas honte. « Dans les années 1970, quand on a commencé à supprimer le dessin dans les enseigneme­nts pour les étudiants des beaux-arts en Grande-Bretagne, j’ai râlé. J’ai dit que si l’on supprimait le dessin, on supprimait la peinture. Il y a des gens que ça a fait marrer, ils disaient, “bof, c’est encore Hockney qui ronchonne. Il veut revenir au travail d’après modèle.’’ Mais tout cela ne m’a pas empêché de continuer. » Mieux encore : l’ancien roi du pop art anglais est carrément passé dans le camp des branchés techno. Déjà, dans les années 1980, il utilise le fax pour transmettr­e à distance des dessins qui vont composer, une fois réunis, des ensembles picturaux. Lorsque l’iPhone fait son apparition, Hockney dessine sur son téléphone des bouquets de fleurs qu’il adresse à ses amis. « J’ai cependant vite perçu la limite de ce travail, confesse le peintre. L’écran était décidément de

 ??  ?? DAVID HOCKNEY, Centre Georges-Pompidou, Paris-3e. Rens. : centrepomp­idou.fr. Jusqu’au 23 octobre. Catalogue de l’exposition sous la dir. de D. Ottinger, éd. Centre Pompidou, 320 p., 49,90 euros.
DAVID HOCKNEY, Centre Georges-Pompidou, Paris-3e. Rens. : centrepomp­idou.fr. Jusqu’au 23 octobre. Catalogue de l’exposition sous la dir. de D. Ottinger, éd. Centre Pompidou, 320 p., 49,90 euros.
 ??  ?? « Portrait d’un artiste (piscine avec deux personnage­s) », 1972.
« Portrait d’un artiste (piscine avec deux personnage­s) », 1972.

Newspapers in French

Newspapers from France