COMMENT J’AI FAIT LA COUVERTURE DE “L’OBS”
Galeriste, commissaire d’exposition, rédactrice associée du numéro spécial street art (avec Clémence Wolff).
Avec la rédaction de « l’Obs », ce numéro spécial a été conçu à la manière d’une exposition, afin de montrer la richesse de ce qui s’impose sans conteste comme le mouvement artistique du xxie siècle. Depuis plus de quarante ans, des artistes qui en sont issus repoussent les limites de la création à travers le monde. Des stars incontestées comme Shepard Fairey (Etats-Unis), JR (France), Vhils (Portugal) aux jeunes talents à découvrir, tous nous offrent une vision d’un monde où les arts visuels ont su prendre une nouvelle place, parfois sans permission mais souvent avec brio. Au fil des pages, vous découvrirez des activistes de la première heure : le précurseur américain Crash, le Français Nasty, l’Anglais Remi Rough – dont le travail est actuellement exposé à la Villa Molitor –, ou encore L’Atlas, qui réinvente l’écriture graffiti au contact de calligraphies du monde entier. Chacun à sa manière constitue une des nombreuses facettes de ce mouvement passionnant. Après avoir représenté Christiane Taubira au moment où elle était l’objet d’attaques racistes et récemment, réalisé la campagne de Reporters sans Frontières pour la libération des journalistes turcs, vous faites cette semaine la couverture de « l’Obs » avec un portrait de Jean-Luc Mélenchon. Mélenchon, c’est un engagement pour vous? Je ne suis pas mélenchoniste, mais je suis sensible à certains des thèmes défendus par La France insoumise, notamment les éléments de son programme qui parlent de l’écologie. Sur les questions économiques, je suis plus indécis. Pour réaliser ce portrait, j’ai travaillé à partir d’un cliché de Joël Saget, un photographe de l’AFP. Le portrait a été peint sur des affiches collées dans la rue lors de la dernière campagne présidentielle. Elles ont rapidement disparu. La version de « l’Obs » est différente de l’original, j’ai apporté des modifications sur le visage et sur les couleurs. Comment faut-il lire ce portrait? Quand je fais un pochoir comme celui-là, je veux d’abord qu’il crée chez le spectateur une forme d’émotion. Mais je ne prends pas parti, je n’écris aucun texte, il n’y a aucun slogan. Par ailleurs, si vous regardez bien, ce portrait exprime une certaine ambiguïté. Jean-Luc Mélenchon apparaît, et c’est l’image de lui-même qu’il donne au photographe, sous un aspect à la fois assez solennel et inquiétant. Quand je l’ai posté sur mon compte Facebook, il a été liké plus de 10000 fois. Je sais que les partisans de Mélenchon ont apprécié, mais je me suis aussi fait traiter de pourri. Jean-Luc Mélenchon vous a contacté? Non. Et je n’attends aucun appel de lui. De toute façon, pour la présidentielle, je n’ai pas appelé à voter pour lui. PROPOS RECUEILLIS PAR BERNARD GÉNIÈS