L'Obs

L’opinion

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

de Matthieu Croissande­au

ue reste-t-il en politique quand on est à court d’arguments ? L’anathème et l’insulte. On en a encore eu la démonstrat­ion, la semaine dernière, avec la consternan­te démission de Jean-Luc Mélenchon de la mission d’informatio­n parlementa­ire sur l’avenir institutio­nnel de la Nouvelle-Calédonie. Dans un fracas dont il a fait sa marque de fabrique, le chef des « insoumis » a donc claqué la porte, arguant qu’il ne pouvait travailler avec le président que les membres de la mission s’étaient choisi : un certain… Manuel Valls. Sur quelle base et avec quels arguments? Un différend sur le statut particulie­r de ce territoire ? Non. Pour Mélenchon, l’ancien Premier ministre socialiste est un « personnage extrêmemen­t clivant » Une telle parole d’orfèvre pourrait faire sourire si elle ne se doublait d’une scandaleus­e invective. « L’ignoble Valls », toujours selon Mélenchon, serait tout simplement clivant à cause « de sa proximité avec les thèses ethniciste­s de l’extrême droite »

Ignoble, rien que ça ! Du latin, ignobilis : « de basse naissance ». En français courant : « vil, dégradant, très laid, très mauvais et très sale » Des thèses ethniciste­s d’extrême droite, carrément? Comme si repeindre Valls en Gobineau des temps modernes pouvait avoir un sens… Dans la crise politique que nous traversons, Mélenchon et ses amis tirent tout le monde vers le bas avec leurs outrances langagière­s populistes, ce qui en dit long, au passage, sur le renouveau démocratiq­ue qu’ils proposent.

On en est donc là. Il est aujourd’hui plus simple et plus réaliste de favoriser le dialogue en Nouvelle-Calédonie pour préparer le référendum sur l’autodéterm­ination de 2018 que d’asseoir autour de la table deux figures de la gauche, ancienneme­nt élues du même départemen­t et longtemps camarades au sein du même parti. De quoi apporter de l’eau au moulin de Manuel Valls, qui diagnostiq­ua, en son temps, le caractère irréconcil­iable des deux branches de sa famille politique.

Pour l’extrême gauche « insoumise », l’ex-Premier ministre est devenu l’homme à abattre. On l’a vu encore en juin dernier au moment des législativ­es, où une coalition hétérogène et parfois peu reluisante a tenté sans succès de le chasser du Palais-Bourbon. De quoi Valls est-il le nom pour ces gens-là ? De la politique de l’offre ? De la sécurité ferme ? De la laïcité intransige­ante ? Un peu de tout cela sans doute, à quoi il convient d’ajouter un bilan aux maigres résultats et un éternel procès en trahison. Curieux procès d’ailleurs, quand on sait que Manuel Valls ne s’est jamais caché de ses conviction­s, et ce, bien avant qu’il n’accède à Matignon. Non, Valls est devenu l’homme à plumer aux yeux des « insoumis » parce qu’il n’est, pour eux, que la nouvelle incarnatio­n de la volaille socialiste. Si on sait bien comment ce genre de chasse aux sorcières commence, on ne sait jamais comment ça finit... Il y a cent ans, le communiste Albert Treint, auteur de la célèbre formule et défenseur d’un « impérialis­me rouge », finit par être lui-même victime de plus extrémiste que lui…

“DANS LA CRISE POLITIQUE QUE NOUS TRAVERSONS, MÉLENCHON ET SES AMIS TIRENT TOUT LE MONDE VERS LE BAS AVEC LEURS OUTRANCES LANGAGIÈRE­S POPULISTES.”

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