Ettore Sottsass à Venise
Sa passion pour le travail d'Ettore Sottsass a incité l'architecte Charles Zana à mettre en dialogue les céramiques du designer avec les lignes originales que Carlo Scarpa a imaginées pour le Negozio Olivetti, sis place Saint Marc à Venise.
L'OFFICIEL ART : Quel a été le déclencheur de l'exposition consacrée au travail d'Ettore Sottsass, et quels ont été vos axes de monstration ?
CHARLES ZANA : Depuis longtemps, je considère Sottsass comme le plus grand architecte italien du 20e siècle, sa force créatrice est particulièrement perceptible dans son travail sur la ceramique durant la décennie 1960. J'ai donc naturellement souhaité exposer le fruit de ces dix années de travail pour la galerie Il sestante de Milan. La scénographie de l'exposition permet au visiteur de decouvrir le Negozio Olivetti, aussi bien que les collections de céramiques de Sottsass. Je suis volontairement intervenu le moins possible sur l'espace. J'ai simplement ôté les machines à écrire Olivetti pour les remplacer par les collections de céramiques. Scarpa est l'un de mes maîtres en architecture, et l'idée de faire l'exposition dans ce lieu m'est venue lors de la dernière biennale d'art en 2015. En effet, j'ai réalisé que le Negozio Olivetti était un chef-d'oeuvre d'architecture à faire découvrir. L'idée était donc de créer un dialogue entre les céramiques de Sottsass des années 1957-69, et l'espace créé par Carlo Scarpa en 1957-58. Carlo Scarpa et Ettore Sottsass ont, d'autre part, tous les deux travaillé pour Olivetti à la fin des années 1950 ; le lien m'est donc apparu comme évident, et ce dialogue est devenu l'axe principal de l'exposition.
A vos yeux, qu'est-ce que ce cheminement chronologique, de 1957 à 1969, fait-il apparaître de l'oeuvre de Sottsas ?
L'idée de l'exposition est de montrer que l'on suit la vie de Sottsass au long de ces collections, passant de l'optimisme dans les années 1957 à la maladie dans les années 1962 et enfin par le début de la culture hippie dans les années 1967. Sottsass est fasciné par la céramique, qu'il associe aux origines de l'humanité. Pour lui, les hommes ont toujours façonné la céramique ; ils ont toujours créé des vases. D'ailleurs, il a eu une phrase très célèbre pour la céramique ; il disait que “même la tour de Babel était faite de céramique”. Ce cheminement montre cet attachement très fort de Sottsass pour ce matériau, au début il apparaît plus comme un peintre sur céramique, alors qu'à la fin, avec les Ceramiche di Fumo, par exemple, la couleur n'est là que pour souligner la forme. Il n'hésite pas à retranscrire ses peurs face à la mort ou bien l'influence qu'a sur lui la spiritualité indienne, notamment dans les séries des Tenebre, des Shiva ou des Tantra. Le parcours permet de montrer les différentes épreuves que Sottsass a traversées, mais c'est également durant cette période, et cela se voit très bien dans l'évolution de son travail de la céramique, que Sottsass a défini le vocabulaire, le langage artistique qui allait devenir le sien pour le reste de sa carrière.
La céramique connaît depuis peu un regain d'intérêt, dont l'exposition “Céramix” (Sèvres et Maison Rouge) a été un point d'orgue au printemps 2016. Dans ses multiples expressions, la céramique bénéficierait-elle, enfin, d'une place de choix au rang des médiums artistiques ?
Je me suis toujours intéressé à la céramique. Tout d'abord la céramique francaise (Jouve, Borderie) autour du fameux livre de Pierre Studenmayer, puis la céramique italienne autour d'Ettore Sottsass. Depuis un an, on observe de plus en plus d'expositions consacrées à la céramique. C'est un matériau noble, aujourd'hui utillisé par des artistes comme Johan Creten et des designers comme Charpin ou les frères Bouroullec. “Dialogo, Ettore Sottsass, Carlo Scarpa”, du 11 mai au 20 août, Negozio Olivetti, Place Saint Marc, Venise.