Le sommet des Amériques privé de sa tête d’affiche
UN SEUL ÊTRE VOUS MANQUE et tout est dépeuplé ! Annoncée mardi, l’annulation de la participation de Donald Trump au huitième Sommet des Amériques, qui se tient ces vendredi et samedi à Lima, au Pérou, a tout à la fois suscité déception et soulagement chez les partenaires latino-américains des Etats-Unis.
Signe d’un grand désintérêt pour le souscontinent, le président américain n’a toujours pas franchi le Rio Grande depuis son arrivée à la Maison Blanche, en janvier 2017. Sa venue suscitait donc de ce point de vue une grande curiosité. Un sentiment accompagné toutefois d’une certaine angoisse tant Donald Trump n’a pas lésiné pour autant sur les philippiques contre ces mêmes voisins, ces derniers mois, sur de nombreux sujets comme l’immigration clandestine, le commerce, Cuba ou le Venezuela… A en croire un récent sondage réalisé par l’institut Gallup, l’Amérique latine n’attend d’ailleurs rien de bon du président américain : son taux d’approbation avoisine à peine les 16 % dans la région (et même 7 % au Mexique). Le jour et la nuit avec son prédécesseur, Barack Obama, dont la popularité dépassait en moyenne les 50 %, dont 62 % auprès des seuls Mexicains !
Des deux côtés, le soulagement doit donc l’emporter. L’entourage de Donald Trump tremblait à la perspective d’une inévitable rencontre avec le dirigeant cubain Raul Castro, présent à Lima avant de quitter officiellement le pouvoir, le 19 avril prochain. Sans aller jusqu’à rompre les liens diplomatiques restaurés par son prédécesseur après un demi-siècle de guerre froide, ni à accorder automatiquement le droit d’asile à tout Cubain posant le pied aux Etats- Unis à partir de la mer ( « wetfoot/dry-foot immigration policy »), l’hôte de la Maison Blanche a sérieusement revu à la baisse le champ des coopérations avec Cuba.
Pour leur part, les dirigeants latino-américains appréhendaient surtout d’éventuels dérapages de l’occupant de la Maison Blanche sur le dossier vénézuélien, même en l’absence de Nicolas Maduro, instamment invité à rester à Caracas par le Pérou. Selon des journalistes du Washington Post et de Politico, les présidents argentin Mauricio Macri et colombien Manuel Santos, ainsi que plusieurs de leurs pairs, ont dû batailler ferme, en septembre 2017, en marge de l’assemblée générale de l’ONU à New York, pour dissuader Donald Trump d’envoyer ses marines au Venezuela.
En dépit du drame humanitaire qui secoue ce pays et des appels au secours de l’opposition, c’est un sujet qui continue de diviser le sous- continent. Il sera donc abordé avec prudence tout comme celui de la corruption, thème central de ce huitième sommet des Amériques. Or, tout le monde sait que l’on ne
Les dirigeants latino-américains appréhendaient surtout d’éventuels dérapages de Donald Trump sur le dossier vénézuélien
parle pas de corde dans la maison d’un pendu – en l’occurrence au Pérou où trois anciens présidents sont aujourd’hui visés par des enquêtes judiciaires liées au groupe de BTP brésilien Odebrecht, le même groupe qui est indirectement à l’origine de l’incarcération récente de Lula, au Brésil.
Après l’ancien président Ollanta Humala (2011-2016), placé l’an dernier en prison dans l’attente d’être jugé, et Alejandro Toledo (20012006), objet d’un mandat d’arrêt international, Pedro Pablo Kuczynski a été contraint de jeter l’éponge le 23 mars dernier, après avoir échappé de peu à une première motion de censure. Et c’est ainsi que Martin Vizcarra, qui cumulait le poste d’ambassadeur de son pays au Canada avec celui de vice- président du Pérou, se retrouve aujourd’hui l’amphitryon du huitième sommet des Amériques.