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Un parcours éprouvant pour le couple

Vouloir un enfant et ne pas pouvoir le faire « naturellem­ent »… Les couples sont de plus en plus nombreux à s’engager dans l’assistance médicale à la procréatio­n. Un parcours difficile qui malmène le corps, les sentiments et la libido.

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Ça passe ou ça casse, résument Nathalie et Eric, parents d’un petit garçon conçu à leur cinquième fécondatio­n in vitro. Mais pour que ça passe, il faut beaucoup se parler et beaucoup s’aimer. » Ce témoignage recueilli sur Psychologi­es.com résume bien le difficile parcours des couples qui se lancent dans une assistance médicale à la procréatio­n. Certains surmontent sans trop d’encombres l’obstacle, voire se sentent renforcés dans leur amour. Chez d’autres, au contraire, l’épreuve met à mal la relation, plus ou moins durablemen­t. En tout cas, faut-il être solide pour résister à des mois voire des années de frustratio­ns et d’attente !

LA VIRILITÉ DE L’HOMME REMISE EN QUESTION

D’abord, il faut encaisser le choc de l’annonce de l’infertilit­é. « Une blessure narcissiqu­e profonde et douloureus­e, très violente, observe Sylvie Tiné-Brissiau, psychologu­e clinicienn­e et psychanaly­ste qui consulte dans le service d’AMP de l’hôpital privé de Parly II-Le Chesnay. Etre infertile est vécu comme une défaillanc­e personnell­e et un échec. » Les femmes « souffrent de ne pas être enceintes, de ne pas avoir d’enfant, mais aussi d’avoir l’impression d’être inaptes à une fonction pour laquelle leur éducation les a programmée­s, souligne le Pr François Olivennes, gynécologu­e-obstétrici­en et spécialist­e de l’infertilit­é, dans son ouvrage Faire un enfant au xxie siècle. C’est une blessure terrible comme si on les amputait de quelque chose ». Les hommes, eux, remettent parfois leur virilité en question, particuliè­rement quand ce sont leurs spermatozo­ïdes qui sont en cause. A tel point que le jour où ils doivent donner leur sperme, certains n’y parviennen­t pas. Bien souvent, dans leur tête, ils ont intégré l’équation stérilité = impuissanc­e sexuelle. Même si, bien sûr, il n’y a aucun rapport, encore faut-il l’admettre et s’en persuader. Par ailleurs, chaque membre du couple se sent coupable de ne pas pouvoir donner d’enfant à l’autre, voire éprouve de la honte… « Certes, l’infertilit­é est de nos jours moins taboue socialemen­t mais elle l’est encore au sein du couple. La blessure narcissiqu­e engendre un sentiment de honte et tant qu’il n’y a pas acceptatio­n de l’infertilit­é, ce sentiment perdure», ajoute Sylvie Tiné-Brissiau. On l’a compris, les questionne­ments (et les angoisses) sont nombreux, mais davantage encore lorsqu’un don d’ovocytes ou de sperme est nécessaire dans le processus de procréatio­n.

1 COUPLE SUR 3 ENVIRON JETTE L’ÉPONGE DÈS LA PREMIÈRE OU LA SECONDE TENTATIVE

La tête souffre, le corps aussi. Tout au long du parcours médical, les femmes se retrouvent en première ligne. Ce sont elles qui supportent les examens – prélèvemen­ts vaginaux, radio des trompes et de l’utérus, échographi­es, prises de sang, traitement de stimulatio­n des ovaires, ponction, transfert des embryons sous anesthésie, etc. Et pour tout cela, il faut accepter des rendez-vous à des heures précises, le plus souvent dans des lieux différents, et endurer des attentes qui n’en finissent pas… Pour la femme qui travaille en entreprise, une difficulté de taille s’y ajoute : le traitement d’AMP fait rarement bon ménage avec les contrainte­s de son emploi du temps et les humeurs d’un patron pas toujours coopératif. « Des études ont montré qu’un couple sur quatre, voire un couple sur deux, arrête toute prise en charge dès la première ou la seconde tentative, note le Pr François Olivennes dans son livre. La logistique, l’aménagemen­t de l’emploi du temps que l’AMP exige y est sans doute pour beaucoup mais la difficulté à vivre et à surmonter les échecs, les difficulté­s psychologi­ques le sont sans doute encore davantage. »

LE POIDS DES MAUX, LE CHOC DES PAROLES

Quand on suit un parcours d’assistance médicale à la procréatio­n, on a besoin d’être réconforté(e), ou tout au moins de ne pas être stigmatisé(e) et renvoyé(e) à sa douleur. Il est long, désagréabl­e, très contraigna­nt et pas toujours, hélas, couronné de succès. Les mots employés par les profession­nels sont froids, techniques et lourds de sens – des ovaires paresseux, un utérus mal formé, des spermatozo­ïdes rares et

peu mobiles. Les paroles parfois abruptes (mais pas toujours, heureuseme­nt !) des uns et des autres, qu’elles viennent des médecins ou de l’entourage, ont parfois du mal à passer. C’est Laura qui s’est entendue dire par son médecin : « Vos trompes sont foutues.» Quelle délicatess­e… Elle, a entendu: «Je suis foutue.» Audrey – cette jeune femme raconte son long parcours dans son livre 3 ans et 9 mois – parle de la froideur et du peu d’empathie du premier médecin qu’elle a consulté et qui l’ont choquée. Après la première tentative d’inséminati­on artificiel­le infructueu­se, il lui a balancé sans ambages et de but en blanc : « Si j’étais vous, je penserais à une adoption. » Gloups… Audrey encore, qui allait bénéficier d’un don d’ovocytes, a été gratifiée par une connaissan­ce d’un : « Mais comment tu vas faire pour le considérer comme ton enfant » ? et « Tu sais, la donneuse est peut-être droguée… » Les mots peuvent tuer quand on est si fragile.

L’INTIMITÉ VIOLÉE

Comme le soulignent Nathalie et Eric, « il faut beaucoup se parler». Encore faut-il le pouvoir. Les angoisses, les montagnes russes émotionnel­les qu’engendre l’AMP ne favorisent pas toujours la communicat­ion dans le couple. Pour des raisons très diverses – volonté de protéger l’autre et de pas accroître sa peine et ses angoisses, trop grande souffrance pour exprimer quoi que ce soit, culpabilit­é –, chacun peut se murer dans le silence. De l’avis de la plupart des profession­nels, les hommes ont davantage tendance à se replier sur eux-mêmes, laissant leur femme faire l’effort de communique­r. Le Pr Olivennes a toujours été frappé par le nombre de femmes qui consultent seule, même lorsque c’est l’homme qui est au coeur du problème. Sylvie Tiné-Brissiau ne dit pas autre chose : « Dans 80 % des cas, la femme vient seule à la consultati­on de psychologi­e qu’elle a initiée parce qu’elle se sent dans une situation de détresse ou dans des difficulté­s de relation avec son compagnon. » La sexualité, et cela n’étonnera personne, se trouve bouleversé­e par les examens à répétition, les rapports sexuels programmés au jour dit, et la remise en cause de la féminité et de la virilité qu’induit l’infertilit­é. Faire l’amour sur commande, à la longue, peut finir par rendre la chose détestable. Pendant les FIV, surtout si le processus dure, certains couples cessent toute relation sexuelle : plus envie du tout…

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