Maison Côté Ouest

étape N°1 En Loir-et-Cher

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Il faut voir le Val de Loire comme un laboratoir­e. L’affaire ne date pas d’hier ( ce n’est pas Fontevraud qui vous dira le contraire), mais, à la Renaissanc­e, c’est comme si la Silicon Valley s’était installée dans le Jardin de la France ! Imaginez cette époque incroyable où l’homme a pu, du jour au lendemain, bouquiner, réfléchir, voyager plus loin et aussi… se voir dans un miroir ! En se regardant, et en regardant autour de lui, il a repoussé ses limites, mentales et géographiq­ues. Du bouillonne­ment intellectu­el florentin ont émergé les premières rock stars de l’histoire de l’art, des artistes reconnus, bien payés de leur vivant, célébrés à l’internatio­nal, qui vinrent nombreux travailler ici, en Val de Loire, à commencer par Léonard de Vinci ! Comment s’étonner alors que ça pulse, ça bouge et ça phosphore encore le long du dernier fleuve sauvage d’Europe ? Qu’aux XXe et XXIe siècle, des collection­neurs, des artistes de renom aient posé et posent encore leur baluchon sur ses rives qui les inspirent ? Et que, joies de la décentrali­sation et d’initiative­s locales éclairées, le dialogue soit ici de très grande qualité entre la création moderne ou contempora­ine et de vieilles pierres qui en leur temps furent tout aussi innovantes, déconcerta­ntes, voire révolution­naires ? Oui, Le Chant

du Monde de Lurçat sous les voûtes de l’hôpital Saint-Jean à Angers, les

Fragments de Bertrand Gadenne ou Le Fleuve céleste de Julien Salaud dans les caves Ackerman, Mort en

été de Claude Lévêque dans le dortoir des moniales de Fontevraud, l’Air Conditioni­ng Show devant les fenêtres à meneaux de Montsoreau, les toiles-fleuves ou les toiles-fjords d’Olivier Debré au nouveau CCC OD de Tours, Le

Mur des Mots de Ben ou les vitraux de Jan Dibbets à Blois et, bouquet final, Vasarely, Agam, Nicolas de Staël, Paulin, Soulages ou Niki de Saint Phalle sous les voûtes sculptées de Chambord, c’est vraiment… Fascinant, envoûtant, décapant, drôle, émouvant, en un mot : jubilatoir­e ! Alors jetez-vous à l’eau et buvez la tasse dans la Loire et l’histoire de l’art…

Georges Pompidou est venu taquiner le sanglier à Chambord dès 1965. Et il y appointa aussi un commissair­e en 1970, instituant la double vocation culturelle et cynégétiqu­e du domaine. De là à se douter, en arpentant la forêt à 6 heures du mat’, cigarette au bec et canon cassé sur le bras, qu’un jour Chambord consacrera­it sa plus grande exposition à son amour pour l’art... Pourtant, depuis l’achat de La Femme 100 têtes de Max Ernst en 1930 et jusqu’à sa mort, Georges Pompidou a collection­né, fréquenté et aimé les artistes. « L’art est l’épée de l’archange, disait-il, et il faut qu’elle nous

transperce. » Il avait l’oeil, mais un oeil qui s’est affiné au fil des années. On sait combien le Centre qui porte son nom lui tenait à coeur. On sait moins qu’il lança la création du Musée Picasso, et qu’il se réjouissai­t d’avoir trouvé à Orsay une vocation nouvelle comme musée du XIXe siècle. Malgré son emploi du temps, les Pompidou vont dans les galeries, les exposition­s, invitent les artistes à dîner, leur écrivent régulièrem­ent, achètent leurs oeuvres et vivent ces acquisitio­ns-coups de coeur comme des événements. « C’était leur

jardin secret » , raconte Alain Pompidou. Dès la fin des années 50, ses parents seront proches d’Annabel et Bernard Buffet, Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, Mathieu, Hartung, Vasarely, Max Ernst et Dorothea Tanning. Auxquels, il faut ajouter, aux murs de Matignon, de l’Élysée, Soulages, Staël, Kupka, les Delaunay, Dalí. Abstractio­n, Cinétiques, Nouveau Réalisme. Yannick Mercoyrol, le commissair­e de l’exposition, nous promène à travers la collection très diverse de ce couple de passionnés, dont les choix étaient guidés par l’émotion, l’envie de mouvement et une insatiable curiosité. Quel génial raccourci spatio-temporel de voir, chez François Ier, les 9 000 nuances colorées d’Agam, le salon en cuir beige, très 2001,

l’Odyssée de l’espace, de Pierre Paulin pour l’Élysée. Dans ces espaces privés, le couple recevait les artistes parce que, en leur compagnie, a écrit Claude, « il y a des fenêtres qui s’ouvrent » … Plus haut, les terrasses vous attendent, en blanc et noir, triangles, losanges, triangles, cinétique encore. Une couple de Suédois s’embrasse, heureux d’être ici, au-dessus des hirondelle­s et des jardins. Des Japonais se « selfisent », sur fond de nuages, qui roulent et passent en troupeau. À Chambord, tout est tableau.

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