Maisons Normandie

GIROUETTES

- Reportage : Corinne et Gilles Targat

Depuis plus de 37 ans, Jean-pierre Masquelier exerce une profession si rare que lorsqu'il souhaita s'établir, la chambre des métiers le rattacha aux couvreurs, la profession qu'il souhaitait déclarer n'existait pas. Avec la complicité de son fils, il devint Girouettie­r, inventant le métier et son nom en même temps.

En 1980, poussé par les vents du sud Jean Pierre opérait un retour vers les terres normandes de son enfance, après plusieurs années passées en Espagne. Au moment de choisir un nouveau métier, sensible à l'importance du vent qui « guide le paysan dans ses travaux, annonce une pêche abondante au marin ou l'avertit du danger », il décidera comme une évidence de perpétuer une tradition née avec les origines de la Normandie : il sera girouettie­r ! Descendue des pays du nord avec les drakkars vikings la girouette alors appelée wire-wite était alors un instrument de navigation. Au Xe siècle, une bulle papale impose un coq sur tous les clochers en guise de girouette, chaque église est ainsi dotée de son volatile emblème de la France, seule l'ile de Groix arbore un thon symbole de leur tradition de pêche ! Les pèlerins de saint jacques de Compostell­e feront voyager la mode des girouettes d'église en Espagne où on trouve de somptueuse­s pièces, notamment à Salamanque « la ville aux cents girouettes » ou à Venise qui se pare de magnifique­s oeuvres d'art qui virent au gré des vents. Il faudra pourtant, encore bien des années avant que leur usage se répande sur les toitures de nos maisons normandes. Au moyen âge, seuls les chevaliers bannerets ayant conquis une ville ennemie étaient autorisés à poser une girouette sur leur toit. Il faudra attendre 1792 pour que chaque citoyen puisse arborer la leur au faîte de sa maison !

Depuis plus de trente sept ans, Jean-pierre Masquelier réalise les rêves et les désirs de ses clients avec ses girouettes prêtes à défier le temps. Originelle­ment, elles étaient réalisées en fer, soumis à la corrosion puis en cuivre qui attirait la foudre ! Depuis deux siècles, le zinc s'est imposé comme le matériau idéal pour matérialis­er les vents et personnali­ser les maisons. Chaque girouette standard mesure 78 cm, avec une partie tournante de 35cm x 35cm, le point de pivot étant tout simplement une bille en verre qui permet une mobilité parfaite sans points de contact ; pour les plus gros modèles c'est une boule de pétanque qui tient ce rôle. Les oeuvres artisanale­s de Jean-pierre sont les héritières de ces girouettes qui, depuis plus de mille ans, tournoient au dessus de nos têtes au gré des caprices d'eole. Depuis plus de 37 ans, l'artisan a réalisé des centaines de pièces, des plus traditionn­elles aux plus insolites, illustrant des métiers, des sports, des animaux ou encore des voitures ou des engins divers. Bien qu'il propose plus de 70 girouettes à son catalogue, les clients ont très souvent des demandes particuliè­res et parfois incongrues tel un certain M. Moulin, qui souhaitait se voir représenté en meunier avec sa femme et ses quatre filles en guise de points cardinaux.

Vive le vent

 ??  ?? Ce modèle rend hommage aux premières girouettes des vikings.
Ce modèle rend hommage aux premières girouettes des vikings.
 ??  ?? Les deux parties du motif sont savamment réparties autour de l'axe.
Les deux parties du motif sont savamment réparties autour de l'axe.
 ??  ?? Le girouettie­r conserve tous ses dessins dans un grimoire de cuir.
Le girouettie­r conserve tous ses dessins dans un grimoire de cuir.
 ??  ?? La difficulté du tracé est de conserver la solidité tout en découpant les menus détails.
La difficulté du tracé est de conserver la solidité tout en découpant les menus détails.

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