Alain Pouhet
Médecin rééducateur et formateur. Auteur de Difficultés scolaires ou troubles dys ? (avec Michèle CerisierPouhet), Éd. Retz.
Que signifie « avoir des troubles des apprentissages » ?
Les troubles sont nombreux, ils peuvent avoir des degrés divers, évoluer dans le temps, toucher différents aspects et être associés à d’autres difficultés, psychologiques, par exemple. On peut dire que cela signifie qu’un ou plusieurs domaines sont en panne chez l’enfant : la lecture, les mathématiques, les repères dans le temps et l’espace… Le cerveau est composé d’un ensemble de systèmes et de sous-systèmes emboîtés, comme un puzzle. C’est comme un moteur avec des pièces de différentes tailles. Une seule pièce en panne, et l’auto ne peut pas rouler. Les troubles des apprentissages, c’est cela : un ou plusieurs sous-systèmes ne se développent pas parfaitement et l’enfant n’arrive pas à apprendre certaines choses. Il peut être vif et, par exemple, échouer en mathématiques. Il peut être fort en calcul et ne pas pouvoir lire de manière fluide et rapide.
Une évaluation est-elle conseillée ?
Elle est indispensable. Et lorsque la demande est conjointe, qu’elle vient des parents et des enseignants, c’est toujours mieux. Quand les diagnostics sont posés, les prises en charge peuvent commencer. C’est ensuite à chacun de relativiser les problèmes pour essayer de faire en sorte que les enfants progressent dans ce qui va bien. En France, on voudrait que les enfants soient bons partout. Le risque est de se focaliser sur ce qui ne va pas et vouloir tout rééduquer pour guérir. Or l’enfant ne guérit pas des troubles des apprentissages. Il compense. Et la plupart du temps, cela se passe bien.
Quelles sont les conditions de cette réussite ?
Le travail en commun entre les familles et l’école est l’une d’elles, peut-être la principale. Il est nécessaire que les enseignants jouent le jeu en autorisant, par exemple, que le parent soit le secrétaire de son enfant pour les devoirs : l’enfant dicte ses réponses à l’oral, le parent écrit. De même si l’élève est trop lent, c’est un véritable handicap, il ne peut pas passer des heures sur une suite d’exercices. On peut alors convenir d’un aménagement : il ne fait qu’un exercice ou deux, travaille seulement 30 minutes le soir pour ne pas s’épuiser inutilement. Quand les différentes parties sont d’accord, c’est plus facile et ça va beaucoup mieux. C’est une question de connaissance des troubles des apprentissages.
Pas facile de relativiser lorsque son enfant ne réussit pas à l’école…
Certes, je comprends parfaitement l’inquiétude parentale. Mais l’aspect psychologique est à prendre en compte. L’enfant qui est capable doit être aidé convenablement. On doit toujours valoriser ce qui va bien et croire en lui. J’ajouterai qu’il me semble essentiel d’accepter que, pour certains, ce sera plus difficile, et que malgré toutes les rééducations, le pronostic scolaire ne sera peut-être pas très bon. Dans ce cas, le bien-être de l’enfant est plus important que tout. Une orientation vers des études courtes, professionnelles est parfois conseillée, dans les métiers dans lesquels il peut réussir. C’est aux parents de l’admettre, de l’accepter. L’essentiel n’est-ce pas que l’enfant soit heureux ?