Marie Claire Maison

Culture design

Inventée en 1939 pour un salon de coiffure, la poubelle à pédale danoise Vipp fête cette année son 75e anniversai­re. Mieux qu’un best-seller : une permanente.

- Par Pierre Léonforte Du salon de coiffure de sa mère Marie à la société fleuron du design et du savoir-faire danois qu’elle dirige avec ses deux enfants, le destin de Jette Egelund (ici avec son père Holger) est intimement lié à celui de la poubelle à p

Vipp, very importante petite poubelle

Paris, 1883. Nommé Préfet de la Seine, Eugène-René Poubelle (1831-1905) est un hygiéniste convaincu. Les valeurs de la IIIe République lui vont bien au teint et l’édile promulgue avec conviction lois et décrets de santé publique. Le préfet Poubelle fera ainsi adopter en juillet 1883 le principe d’un cabinet d’aisance par logement, mesure suivie cette même année par l’arrêté du 24 novembre instaurant la mise en place de boîtes à ordures ménagères, procédé envisagé pour lutter contre l’entassemen­t des déchets dans les rues. Leur contenance, de 40 à 120 litres, imposait déjà le tri sélectif obligatoir­e. Aux dimensions et contenants déjà contrôlés s’ajouta une mesure qui fâcha fort les ferrailleu­rs et les chiffonnie­rs : les couvercles hermétique­s verrouillé­s. Indulgent, le préfet achètera une paix sociale mais pas le silence de ses ouailles en faisant sauter les verrous et concéder aux biffins le droit d’écumer au petit matin le contenu des bidons en galva, à condition que leur butin soit ensuite déballé sur les marchés situés aux portes de Paris. Dont un, près de la Porte de Clignancou­rt, futur site du Marché aux Puces. En poste jusqu’en 1896 – il sera ensuite nommé ambassadeu­r au Vatican, Eugène Poubelle laissera son nom à la postérité : partagés entre Le Grand Dictionnai­re universel du XIXe siècle en rajoutera officielle­ment une couche en 1890, insérant la définition de “poubelle” dans son déroulé encyclopéd­ique. Un siècle plus tard, la poubelle figurera au Grand Inventaire du Génie français en 365 Objets (éd. Albin Michel-1990). La poubelle suscita aussi en toute logique un arsenal de vocables poubellier­s, depuis le camion-poubelle, devenu benne à ordures, en réalité construit en 1934 sur le châssis d’un ex-bus de la ligne Madeleine-Bastille, jusqu’à la poubelle de table, nadir de l’horreur céramique, à peu près aussi plouc que le service à avocats. Et encore la poubelle pour aller danser. l’obéissance et la dissidence encouragée par le “Figaro” qui fustigea dès 1884 ces horribles Poubelles – la majuscule est encore respectée, les Parisiens eurent tôt fait de rendre générique les “poubelles”, rappelant au passage les racines du nom-mot : peu beau.

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