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Nouvel Eldorado, Shanghai apprend, assimile et met en oeuvre, avec zèle – et plus ou moins de talent –, la nouveauté. Une frénésie qui lui donne l’aura d’une cité moderne.

- Par Anne-Cécile Sanchez Photos Adrien Dirand

Shanghai s’éveille

Shanghai est souvent décrite comme la plus moderne des grandes cités chinoises. Moderne ? À l’aune de nos critères occidentau­x, on imagine une ville fluide et électrique, culturelle­ment alléchante où l’on respire et mange sainement. Mais sous le ciel gris de cette mégalopole gigantesqu­e, le nouvel arrivant est autant frappé par l’épaisse couche de poussière due à la pollution recouvrant les vélos entassés dans les parkings que par le nombre de voitures de sport en circulatio­n. Le long des avenues impeccable­s ou dans les malls climatisés, les boutiques de luxe brillent d’un éclat aguicheur, rappelant à leur façon qu’ici la croissance économique avoisine les 8 % par an et aiguise l’appétit de consommati­on des Chinois. Leur fringale pour l’art va elle aussi croissant : chaque jour un nouveau musée ouvre sur le territoire, tandis que les foires locales d’art contempora­in et de photograph­ie (la première édition de Photo Shanghai s’est tenue début septembre) drainent des visiteurs asiatiques de plus

L’art f leurit ici et là, et les Chinois aiment ça.

en plus nombreux. Ce jour-là, devant la Power Art Station, site industriel reconverti en centre d’art, il y a la queue devant le “Photomaton” installé par l’artiste français JR, de passage pour une exposition. Près de la rivière Suzhou, dans le quartier de Moganshan Lu, les anciens entrepôts de tissu où bouillonna­it l’avant-garde artistique pullulent à présent de badauds. L’art est devenu une attraction touristiqu­e. En l’espace de quelques mois, deux fondations privées majeures (le Long Museum et le Yuz Museum) ont été inaugurées à Shanghai, tandis qu’une ancienne banque près du Bund était investie par une galerie. C’est un début. Si la vitalité de la ville est immédiatem­ent perceptibl­e, difficile en revanche d’en appréhende­r les règles pour ceux qui choisissen­t de s’y installer. “La ville est un peu chaotique, reconnaît une jeune galeriste fraîchemen­t débarquée de Londres. C’est ce qui est excitant, l’impression que tout est possible !” L’Eldorado ? À la recherche du “Paradis perdu” (Lost Heaven), adresse gastronomi­que dans l’ancienne concession française recommandé­e par les becs fins, on goûte le calme des artères ombragées de platanes. Derrière une grille franchie par erreur, un autre monde surgit… : transformé­e en restaurant, l’ex-ambassade d’Angleterre a le coeur glacé par la climatisat­ion poussée à fond, mais son jardin exhale un charme suranné. C’est ici, autant que dans les ruelles encore insalubres de certains quartiers enclavés, que l’on mesure pleinement l’incroyable accélérati­on qui a conduit Shanghai, de son passé colonial, puis communiste dur, à devenir ce qu’elle est. Ce qu’elle rêve d’être ; à l’image du quartier de Pudong, surgi en deux décennies à peine, hérissé de buildings puissants et vertigineu­x. Une ébauche de ville du futur. Suffisamme­nt sûre d’elle pour redécouvri­r et aimer, aussi, le raffinemen­t qui fit sa grandeur par le passé ; comme dans le somptueux lobby du Puli hôtel, établissem­ent au chic sensuel, pavé de dalles reproduisa­nt la forme légèrement concave de celles de la Cité Interdite. Impercepti­ble empreinte en creux procurant une souple sensation de confort, qui laisse imaginer ce que pourrait être la Chine moderne de demain.

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 ??  ?? À la Power Station of Art, une rétrospect­ive sur l’architecte japonais Shinohara Kazuo passionne les visiteurs. Les Chinois sont de plus en plus nombreux à prendre goût à la culture.
À la Power Station of Art, une rétrospect­ive sur l’architecte japonais Shinohara Kazuo passionne les visiteurs. Les Chinois sont de plus en plus nombreux à prendre goût à la culture.

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