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Nourriture sans saveur, trop protéinée, pratiques interdites : régis par des logiques industriel­les, ces lieux où se restaurent des millions d’enfants chaque jour défient les lois du bien manger.

- Par Ingrid Seyman

« Le poisson est carré, sa sauce est pâteuse et visqueuse à la fois. Les courgettes ont un goût d’eau, les pâtes sont froides, détaille Blanche, élève en CM2 dans le 18e arrondisse­ment de Paris lorsqu’on lui demande pourquoi elle trouve la nourriture de sa cantine infecte. Tout est tellement mauvais qu’à la fin des repas, sur dix assiettes, seulement une est terminée. »

Blanche est loin d’être la seule de cet avis : la pétition qu’elle a rédigée contre la nourriture qui lui est quotidienn­ement servie depuis la maternelle a recueilli les signatures de 200 élèves de son établissem­ent. Difficile, Blanche ? Membre du collectif « Les enfants du 18 mangent ça », Anne a pris le temps, avec d’autres parents lassés de récupérer leurs enfants le ventre vide à 16 h 30, d’aller goûter ce qui leur était servi. Son verdict ? « Souvent immangeabl­e. Et au mieux insipide. Il y a même des plats que ni les enfants ni nous ne sommes parvenus à identifier. » Alors ils ont mené l’enquête. « On a découvert que les repas servis provenaien­t d’une cuisine centrale travaillan­t en liaison froide », explique la journalist­e Sandra Franrenet, mère d’une enfant de 7 ans scolarisée à la Goutte d’or et auteure du Livre noir des cantines scolaires*. Dans ces lieux de production, les repas tiennent plus de l’assemblage d’aliments industriel­s que de cuisine à proprement parler. « Ainsi, une préparatio­n à base de viande est mélangée à des légumes surgelés prédécoupé­s, stockée à 3 °C pendant 3 jours, puis agrémentée d’une sauce dont les principale­s fonctions sont de permettre de réchauffer le plat et de masquer l’insipidité des aliments, poursuit Anne. Le jour J, le repas est réchauffé dans des barquettes en plastique. » « Cette logique industriel­le n’est hélas pas l’apanage du 18e arrondisse­ment de Paris », alerte Sandra Franrenet. Et de préciser : « Dans les années 80, la plupart des cuisines intégrées aux écoles ont dispa- ru au profit de cuisines centrales, fournissan­t des dizaines de milliers de repas. » Comment en est-on arrivé là ? En partie à cause des réglementa­tions sanitaires. Afin de limiter le risque bactérien, on a délaissé les produits frais au profit d’aliments transformé­s. En parallèle, la taille des cuisines, grossissan­t d’année en année, a empêché de s’adresser à des petits producteur­s. « Quand vous devez fournir des dizaines de milliers de repas journalier­s, vous êtes contraint de passer commande à des géants de l’alimentati­on industriel­le », résume Ali Id Elouali, adjoint au maire de Choisy-le-Roy ( Val-de-Marne).

Par ailleurs, selon Greenpeace, les repas destinés aux élèves contiennen­t deux à six fois trop de protéines par rapport aux recommanda­tions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on. Et ce n’est pas tout. La nourriture est encore parfois servie dans des contenants potentiell­ement dangereux pour la santé. Des analyses réalisées en septembre 2017 sur les assiettes en plastique des cantines de Bordeaux ont révélé la présence de Bisphénol A… interdit depuis 2015. Selon Jérôme Santolini, père d’élève bordelais et chimiste de formation, « nos enfants avalent tous les jours un cocktail inconnu de molécules dont certaines sont potentiell­ement des perturbate­urs endocrinie­ns. » Le bio serait-il la solution ? « Malheureus­ement, le bio industriel se développe à vitesse grand V », éclaire la nutritionn­iste Aurélie Bénazet, et il n’a souvent aucune valeur nutritionn­elle. Pourtant, le vrai bio existe et il ne revient pas forcément plus cher.

(*) Ed. Leduc.s.

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 ??  ?? Toutes les photos sont tirées de la page Facebook « Les enfants du 18 mangent ça », collectif auquel appartient Blanche, lanceuse d’alerte de CM2.
Toutes les photos sont tirées de la page Facebook « Les enfants du 18 mangent ça », collectif auquel appartient Blanche, lanceuse d’alerte de CM2.

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