Maxi

« C’est le dernier endroit où je pensais trouver l’amour »

Sur le papier, cet amour lui semblait interdit. Quand Mathilde rencontre Rémy, il est patient dans un hôpital et elle est sa psychomotr­icienne. Mais leurs séances ne se déroulent pas tout à fait comme prévu…

- Mathilde

De ma vie j’ai rarement été aussi occupée ! Quand je ne travaille pas, je cours derrière mon amoureux. Rémy s’entraîne avec l’équipe de France de canoë une à deux semaines par mois. Il enchaîne les compétitio­ns internatio­nales et passe son temps libre sur les bassins. Dès que je le peux, je l’accompagne, un chronomètr­e à la main. Peu importe qu’il soit en fauteuil roulant : après un grave accident, mon fiancé a rejoint l’équipe de France paralympiq­ue. C’est vraiment un homme hors du commun. Et notre histoire aussi… Je l’ai rencontré il y a deux ans et demi au détour d’un couloir d’hôpital. Je commençais un nouveau contrat comme psychomotr­icienne et je me suis présentée au personnel et aux malades avec qui j’allais sans doute travailler. Rémy m’a demandé, un peu sceptique, ce que je faisais là. Mon métier consiste à aider certains patients à se réconcilie­r avec leur corps. Justement, il avait été admis dans cet établissem­ent quatre mois plus tôt à cause d’un grave accident qui l’avait rendu paraplégiq­ue. Il avait perdu l’usage de ses jambes lors d’un accident de parachute, qui ne s’était pas ouvert à 1200 m d’altitude. Il m’a posé quelques questions sur mon métier et, très vite, il a exprimé auprès de ses médecins le besoin urgent de me revoir… sur un plan médical, évidemment. Le personnel n’a pas été trop surpris par sa demande, car cela correspond­ait bien au personnage qu’il s’était forgé jusque-là. Il était très blagueur et faisait souvent semblant de draguer les infirmière­s, par exemple. À l’époque, il aimait dire en plaisantan­t qu’il s’était fixé comme défi de me séduire. Aujourd’hui, il assure qu’il a eu un coup de foudre pour moi. En réalité, je crois que notre histoire s’est construite beaucoup plus lentement et naturellem­ent… Derrière la porte de mon bureau, je n’ai rien vu venir. Pour moi, Rémy était clairement classé dans la catégorie « patient ». Nous nous sommes toujours vouvoyés, par exemple : il aurait été inenvisage­able de faire autrement ! Il y a des règles déontologi­ques dans notre métier qui nous interdisen­t de franchir certaines limites. Notre relation s’est d’abord construite sur un plan strictemen­t médical. Il s’est prêté aux exercices que je lui demandais et nous avons bien parlé et travaillé. Nos échanges ont duré quatre mois à raison de deux à trois sessions par semaine. Avec moi, il n’a jamais joué au « dragueur ». Contrairem­ent à ce que dit Rémy, je crois que les sentiments ont grandi progressiv­ement, des deux côtés. Peut-être m’a-t-il trouvée jolie, mais l’amour est venu après. Peu à peu, j’ai vu d’autres facettes de sa personnali­té. J’ai d’abord été bluffée par sa force de caractère. Alors que son accident l’avait privé de ses jambes, il a eu l’idée de se remettre au canoë-kayak et de disputer les Jeux paralympiq­ues ! Quand j’ai perdu ma grand-mère, Rémy m’a acheté un petit cadeau et écrit une très jolie lettre pour me réconforte­r car lui aussi avait traversé cette épreuve. Nous avons commencé à nous attacher l’un à l’autre. Sans que je m’en aperçoive, nos séances se sont allongées. Il a commencé à m’attendre à la sortie, en fin de journée, pour me dire au revoir. Nous pouvions discuter trois quarts d’heure à une heure avant de nous séparer. Mais, surtout, j’ai compris ce que je ressentais le jour où je l’ai vu, de ma fenêtre, discuter longuement avec une autre jeune femme. Je sais aujourd’hui qu’il l’a fait exprès et il a vraiment eu raison. J’ai eu la gorge serrée. Clairement, j’étais jalouse.

J’étais conquise, je ne voyais plus que l’homme et pas l’ancien patient…

Nous avons échangé notre premier baiser le dernier jour de mon contrat. Nos séances étaient terminées et nous nous sommes assis sur un banc. Nous nous sommes tournés l’un vers l’autre sans rien dire et nous nous sommes embrassés. Alors que j’avais refusé auparavant, j’ai enfin accepté d’aller au cinéma avec lui. Je n’étais jamais sortie avec quelqu’un de handicapé auparavant et c’était aussi la première fois que Rémy se rendait à un rendez-vous amoureux en fauteuil. Pour que j’oublie son handicap, il a cherché un cinéma sans marches et s’est arrangé pour arriver de façon autonome. C’était touchant. En dehors de l’enceinte de l’hôpital, il ne voulait pas que je me voie comme une aide-soignante. De toute façon, j’étais déjà conquise. Je ne voyais plus que l’homme et plus l’ancien patient. À la fin de la séance, il m’a effleuré la main et nous nous sommes embrassés en nous quittant. Nous avons d’abord passé un premier week-end ensemble. Ensuite, j’ai rencontré sa famille. Alors que je n’avais jamais habité avec personne auparavant, j’ai emménagé avec lui moins d’un an après notre rencontre. Depuis, nous sommes heureux. Il veut encore décrocher quelques médailles. Ensuite, nous songerons à fonder une famille. Rémy dit souvent qu’il a fallu qu’il ait un accident grave pour me rencontrer. Même si cette phrase me peine un peu, elle est malheureus­ement vraie. J’ai eu peur, pendant un instant, du regard de mes anciens collègues, mais tous m’ont félicitée. À partir du moment où je ne travaillai­s plus avec Rémy, tout pouvait arriver. J’ai également appris, depuis, que ce n’était pas si rare…

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