Maxi

TÉMOIGNAGE « Mon bonheur, dénicher des trésors à rénover »

Désormais, elle répare et décore de petits meubles et objets. Pour lutter contre la surconsomm­ation, Caroline s’est reconverti­e dans un métier qui valorise l’artisanat et le recyclage.

- Caroline * Rens. sur uneplacepo­urchaquech­ose.fr

Et encore une chaise qui dormait dans l’atelier : cette chauffeuse, ravissante et typique des formes un peu nouvelles des années 1950, m’a bien occupée au printemps ! J’ai réparé et rafraîchi son cadre d’assise, son petit dossier carré et ses élégants pieds avant finement fuselés. J’ai eu la chance de pouvoir continuer à travailler à mon rythme pendant le confinemen­t. J’ai profité de cet isolement forcé pour réparer des pièces que j’avais mises de côté. Je n’ai pas eu à aller très loin : ma nouvelle vie profession­nelle et mon atelier sont dans la buanderie de ma maison. Et je n’ai jamais été aussi occupée...

Toute ma vie, j’ai aimé travailler de mes mains.

J’ai été à bonne école avec une grand-mère et une mère qui m’ont appris à coudre, broder, tricoter, crocheter… J’ai toujours eu une machine à coudre à la maison. J’achetais volontiers des vêtements trop larges ou trop grands que je « bricolais » ensuite à mon goût. Pour autant, je n’ai pas choisi un métier manuel. Il y a vingt ans, ces filières n’étaient pas valorisées. Bonne élève, j’ai suivi des études de commerce. J’ai même étudié ensuite à l’IFM, l’Institut français de la mode. À défaut de concevoir des vêtements, je les vendais. J’ai toujours été sensible à la qualité des produits et au patrimoine, et j’ai eu la chance de travailler pour de belles marques françaises. Cependant, après la crise, en 2008, j’ai commencé à moins aimer mon métier. Je ne supportais plus la pression, notamment sur mes équipes. Il fallait réduire les marges des coûts et la qualité du produit n’était plus la priorité. Humainemen­t, j’étouffais en voyant des magasins fermer et des collaborat­eurs licenciés. Je n’étais plus à l’aise avec cette logique de profit, peu en phase avec mes valeurs. Il y a quatre ans, j’ai commencé à chercher du travail ailleurs. J’avais une piste sérieuse mais, par sécurité, j’ai quand même négocié une rupture convention­nelle avec mon employeur. J’ai bien fait d’écouter mon instinct car, le jour où j’ai quitté mon travail, j’ai appris que je n’aurais pas l’autre poste. Plutôt que de stresser, je me suis dit que c’était un signe du destin…

Et si le moment était venu de

changer de vie ? Quand je me suis inscrite au chômage, Pôle emploi m’a demandé de choisir entre une recherche d’emploi classique… et la création d’entreprise. Or, j’avais une idée qui me trottait dans la tête depuis un moment. Avec mon conjoint, nous avions décidé de nous installer en province, à Nantes. Les planètes étaient alignées et, pour la première fois de ma vie, j’ai suivi mon instinct. J’ai toujours cousu, mais aussi bricolé et réparé des objets. Je ramassais souvent des objets et des meubles sur les trottoirs, je courais les videgrenie­rs. Et si j’en faisais mon métier ? Et si je revendais ce que je rénovais sur Internet et les réseaux sociaux ? Je ne me voyais pas faire fortune, mais j’imaginais bien comment je pourrais en vivre. J’avais le savoir-faire pour rénover et revalorise­r mes meubles et objets, je savais où les trouver pour rien ou pas cher et, surtout, je n’avais pas besoin de beaucoup de place ni d’investir beaucoup d’argent au départ. Je dois cependant reconnaîtr­e, qu’à part mon conjoint, mon entourage proche était très sceptique. J’ai même essuyé quelques petites moqueries. J’avais le sentiment qu’on me parlait de mon idée de brocante en ligne comme d’une sympathiqu­e lubie. Ma mère m’a demandé un jour quand je chercherai­s un « vrai travail ». Mon changement de vie était tellement radical que peu y croyaient. Mais je savais où j’allais et j’ai eu raison…

J’ai vendu mes premiers objets il y a quatre ans et j’ai gagné de l’argent

assez vite. Parmi mes premières ventes, je me souviens de flacons d’apothicair­e anciens que j’avais trouvés dans la rue et de très belles assiettes, en faïencerie Longchamp, qu’une voisine avait jetées. Après un bon nettoyage, tout était vendu ! Au début, je proposais mes articles

L’idée est aussi de donner envie à d’autres d’arrêter d’acheter… et de bricoler

sur LeBonCoin. Aujourd’hui, j’ai ma boutique en ligne, « Une place pour chaque chose* », et je communique beaucoup sur Instagram. Les réseaux sociaux me permettent de présenter mes trouvaille­s, mais aussi d’échanger sur ma philosophi­e. À travers cette reconversi­on, l’idée est aussi de donner envie à d’autres de faire comme moi, d’arrêter d’acheter et de bricoler. À ma façon, je prépare le monde d’après, car, au fil des ans, j’ai développé une fibre écologique très forte. Je ne rénove que de petits objets et meubles faciles à envoyer et transporte­r, idéalement dans un périmètre réduit autour de chez moi. Je trouve encore des trésors incroyable­s dans la rue ou les videgrenie­rs ! C’est devenu une vraie culture chez moi : quitte à passer pour une radine, je préfère chiner les belles affaires que d’acheter neuf. Même après rénovation, je veux que mes prix restent accessible­s, en moyenne autour de 50 euros. Si je gagne moins qu’avant, je suis aussi « plus riche » d’une autre façon. J’avais des problèmes de dos qui ont disparu, signe que je vis mieux maintenant. D’ailleurs, plus personne autour de moi ne se moque. Au contraire, je crois que nous savons tous que nous ne pouvons plus vivre « comme avant ». On me demande des conseils de bricolage que je donne volontiers. Je me nourris vraiment à plusieurs niveaux en m’occupant de ces objets…

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