Salut Henri !
C’était notre Blondin de province. Henri Rozès partageait d’ailleurs, avec son ami Antoine, le goût de l’excès, des nuits sans lune, des apéros interminables, une mélancolie sans fond, une tendresse sans fin, le sens du calembour, une calligraphie admirable - ces textes, écrits à la main, avaient valeur de dessin -et une qualité de plume incomparable. Journaliste à La Dépêche du
Midi, où il allait sans coup férir, de la critique littéraire aux simples faits divers, des arts et spectacles aux sports avec une prédilection fortement marquée pour le rugby, il fut aussi, de longues années, chroniqueur au Midi
Olympique, où ses « Humeurs » n’étaient pas toutes vagabondes.
Jeune journaliste, j’admirais le prosateur qui, je ne sais pourquoi, ne s’est jamais essayé au roman où sa sensibilité, pourtant, eut fait merveille. J’ai d’ailleurs gardé, au fond de quelque tiroir, certains de ses textes, où la poésie le disputait à l’humour, l’intelligence aux opinions sans concession, comme il arrive que l’on fasse des livres qui comptent. Mais nous étions nombreux, dans ce groupe de presse, à aimer pareillement l’homme, abrupt, impertinent, vaguement anar, favorablement déjanté, d’une incroyable modestie, capable
de comprendre sans jamais juger et d’une générosité sans faille. « Un homme de
bonne compagnie », écrivait un jour Pierre Coulaud à son endroit. C’est si peu dire. Henri était un grand frère pour beaucoup d’entre nous. Un frère qui s’en est allé jeudi dernier et dont on gardera, par devers nous, un souvenir enchanté. « Les mots,
les pauvres mots vont leur
petit chemin de larmes », écrivait-il un jour. On ne saurait mieux dire, mon cher, très cher Henri.