ET LA PSYCHOLOGIE DANS TOUT ÇA ?
Quelques échanges avec Paulo Grobel, de retour de la traversée de l’Himlung.
- Toi qui es souvent là-haut, que penses-tu des avancées scientifiques en termes de préparation à l’altitude ? - Damned, c’est assez compliqué. C’est super de faire circuler toutes les informations disponibles sur le sujet. Pourtant, j’ai l’impression que ça ne sert pas à grand-chose, que le problème est ailleurs que dans les chiffres et les diagrammes. - J’ai un peu de mal à te suivre là… - Je voudrais juste exprimer ma propre difficulté, mon désarroi et ma fragilité en altitude. J’ai l’impression que toutes ces connaissances scientifiques ne m’aident pas beaucoup sur le terrain. Même si elles sont, encore une fois, indispensables à connaître et à partager. C’est d’abord l’humain qui est au centre du problème. On oublie peut-être un peu vite que nous sommes directement responsables de nos mal-être en altitude. Pourquoi, alors que nous savons beaucoup sur le fonctionnement de notre corps en altitude, n’arrive-t-on pas à prendre les bonnes décisions ? - C’est comme dans le domaine des avalanches, aux sciences fondamentales il faut ajouter le facteur humain ? - OUI exactement. Pour la partie « prise de décision », on sait maintenant que les facteurs humains, les états mentaux jouent un grand rôle. En haute altitude, le cerveau est au centre de la problématique, il réagit aussi aux dimensions psycho cognitives. Il faut absolument associer les chercheurs en psychosocial à cette recherche, pour ne pas rester sur de simples connaissances physio. On peut faire l’hypothèse que si nous sommes capables de construire des conditions positives, bienveillantes, empathiques avec nous-même, nous pouvons aider notre corps à mieux vivre la haute altitude et si possible éviter de mourir. - Peux-tu nous dire en quelques mots ce que tu mets en place concrètement, dans la vie du groupe, pour que l’acclimatation de chacun se fasse au mieux ? - En fait, il faudrait écrire un article complet sur le sujet ! En quelques mots, il y a des choses à faire avant le départ, dans une information juste, pour rassurer, aider à comprendre les aléas, les difficultés du projet (que ce soit un trek ou une ascension), en pensant un accompagnement différencié en cas d’inquié- tude plus ou moins exprimée. Durant mes expés, l’acclimatation se construit avec 6 ou 7 messages principaux, des briefings répartis à des moments stratégiques de changement de milieu ou d’activité (et dès l’arrivée à Katmandou). L’objectif est de se transformer en Homo Himalayus conscient et attentif aux moindres détails de nos actes et implications. Avec un objectif toujours présent : s’économiser. J’ai aussi des histoires qui illustrent mes propos et qui font partie de la culture du groupe : « l’épée de Damoclès » ou « the story of old Buffalo » pour les Népalais. J’utilise également des concepts issus de la marche consciente ou de la communication non violente. Et ce printemps, nous avons travaillé sur la notion de BATNA (Best Alternative to a Negociated Agreement), une hypothèse interprétative pour réduire la pression mentale, ce syndrome du boulet si présent. Bref le sujet est immense, passionnant et surtout transdisciplinaire. Affaire à suivre donc.