Les nouvelles ondes radar
Après avoir bouleversé le monde du sondeur, la technologie large bande bouscule celui du radar, avec à la clef une simplicité d’utilisation et des performances toujours plus grandes – de quoi reconsidérer un équipement qui participe activement à la sécuri
Naviguer sans visibilité, de nuit ou dans le brouillard, ou évoluer dans une zone à fort trafic commercial complique la navigation et suscite chez le plaisancier une légitime appréhension. Le radar a été conçu pour l’aider à surmonter ces difficultés, mais il peut aussi servir à des activités récréatives, comme la pêche par exemple, en localisant à distance la présence d’oiseaux, et donc de poissons. Mise au point dans les années 1940, la technologie du radar de plaisance n’a pas subi, dans son principe, d’évolution vraiment significative. Mais, en 2009, Simrad, du groupe Navico, frappe un grand coup en présentant un radar entièrement nouveau, le BR24, dont le signal à haute fréquence et large bande (Broadband) est émis non par un magnétron comme il est d’usage depuis des décennies, mais par un semi-conducteur. Simrad a par la suite décliné d’autres radars Broadband, les 3G et 4G, les derniers en date étant ceux de la série Halo. Trois autres fabricants, Raymarine (Quantum), Furuno (DRS4D NXT) et Garmin (Fantom) ont depuis rejoint le mouvement. Afin de mieux comprendre l’argumentaire technicocommercial des uns et des autres, il n’est sans doute pas inutile de rappeler les principes de fonctionnement d’un équipement radar.
Fonctionnement du radar à impulsions
Sans entrer dans les arcanes d’une technologie particulièrement ardue, la bonne compréhension du principe de fonctionnement aide à l’utilisation du radar. Par analogie, il s’apparente à celui d’un sonar sous-marin qui, grâce à des retours d’échos ultrasonores, dont on connaît la vitesse de propagation dans l’eau, permet de calculer la distance d’un obstacle, et donc la profondeur. Le radar n’utilise pas des sons, mais des ondes radio hyperfréquence (autour de 9 GHz), générées par un magnétron sous forme d’impulsions très brèves. Leur diffusion est confiée à une antenne tournante qui balaie l’horizon sur 360°. Chaque impulsion est suivie d’un temps de silence plus long que l’impulsion elle-même afin de pouvoir recevoir le signal réfléchi par les objets distants. La différence temporelle existant entre l’émission et la réception du signal permet de calculer la distance, la mesure de la position de l’antenne à l’émission servant à déterminer l’azimut de la cible. Après un démarrage à froid, le magnétron n’est pas immédiatement disponible à l’émission, obligatoirement précédée de deux à trois minutes de préchauffage. À chaud, il sort de veille immédiatement, mais il faut l’alimenter en permanence. Afin de concentrer le faisceau au maximum, condition indispensable pour obtenir un pouvoir séparateur suffisant, les ondes sont émises sous forme d’impulsions de fréquence fixe et de courte durée (de 0,08 à 0,8 microseconde environ). Elles ont une forte énergie (de 2 à 25 kW ou plus) au rythme de 600 à 3 000 fois par seconde, modulé en fonction de la distance. La puissance moyenne diffusée dans le temps correspond au produit de la puissance crête, de la fréquence de répétition et de la durée d’impulsion. L’énergie brute produite par le magnétron est élevée,
mais l’énergie dissipée par un radar de plaisance est beaucoup plus faible. Pour un modèle de 2 kW, elle est en moyenne de 0,528 W (2 200 x 3 000 x 0,00000008) à petite échelle, et 1,05 W (2 200 x 600 x 0,0000008) à grande échelle. Reste qu’une exposition répétée aux micro-ondes doit être évitée, car elles ont un effet néfaste sur les tissus biologiques (cet effet est d’ailleurs mis à profit dans les fours à micro-ondes, dotés eux aussi d’un magnétron). Il faut donc éloigner l’antenne de l’équipage, ce qui n’est pas toujours facile sur une petite unité. L’inconvénient majeur du magnétron est de ne pas émettre un signal parfaitement stable en fréquence d’une impulsion à l’autre. Cette instabilité analogique génère des bruits parasites susceptibles de masquer les échos faibles et de limiter la résolution des images. Baptisés HD, de nouveaux traitements d’imagerie numériques ont permis d’améliorer les images des radars à magnétron, mais le résultat ne permet pas vraiment de dépasser les limites inhérentes à la nature analogique du signal.
Issus des technologies de pointe militaires, aéronautiques et spatiales, les radars numériques émettent leurs signaux grâce à des semi-conducteurs placés sur une antenne tournante et non au moyen d’un magnétron. Ces éléments permettent d’obtenir un signal parfaitement stable et de forme contrôlée, d’une puissance brute réduite, de l’ordre de 15 à 40 W. Sa structure est très différente de celle d’un radar classique, car l’impulsion n’a pas une fréquence fixe mais variable. L’émission est dix fois plus longue que celle d’un magnétron afin de conserver une énergie suffisante pour recevoir et traiter les échos, malgré la faible puissance d’émission. Baptisée FMCW (Frequency Modulated Continuous Wave, onde continue modulée en fréquence), cette technique vise à augmenter le pouvoir de résolution à courte distance, point faible des radars classiques, et de discrimination de cibles proches. En retour, la portée utile des radars Broadband peine à dépasser la vingtaine de milles, voire moins. Le signal large bande permet aussi de diminuer considérablement l’énergie émise, qui s’établit en moyenne à 25 mW, quarante fois inférieure à celle d’un radar à impulsions.
Facile à installer sur une petite unité
Cette faible puissance d’émission facilite l’installation à bord d’une petite unité, semirigide par exemple, même à proximité de l’équipage. Le démarrage à froid étant instantané, la consommation en veille est elle aussi revue à la baisse, car il n’y a plus de magnétron à alimenter en permanence. En marche, les valeurs de consommation moyenne tendent à s’équilibrer car la puissance de calcul exigée pour le traitement des signaux à large bande, désormais accessible grâce aux microprocesseurs multicoeurs de dernière génération, est bien supérieure à celle d’un système conventionnel. Tout dernièrement, Furuno et Garmin ont mis à profit le signal Broadband pour exploiter l’effet Doppler, qui voit la fréquence relative de l’écho augmenter lorsque la cible se rapproche et diminuer lorsqu’elle s’éloigne. Concrètement, l’effet apparaît sur l’écran sous forme de traces fantômes derrière la cible mobile, de couleur rouge ou magenta lorsqu’elle se rapproche du bateau et bleue lorsqu’elle s’en éloigne. En 2015, Simrad fait de nouveau figure de pionnier en développant une technologie numérique plus évoluée que la FMCW, la compression d’impulsion (PCW, Pulse Compression Wave). Le signal est ici modulé selon différentes fréquences dont les retours sont traités de manière séparée. Cette solution permet de combiner la longue portée des radars classiques, jusqu’à 70 milles, avec les capacités d’analyse à courte distance et de discrimination de cibles proches propres au Broadband. Revers de la médaille, la PCW exige une puissance de calcul encore supérieure, qui tend à peser sur le coût de l’équipement. ■